Amadou Kane décroche 53 milliards
Pour le règlement de son différend, la société de téléphonie Tigo a dû verser pas moins de 53 milliards de francs Cfa pour éteindre son procès ouvert au Centre international de règlement des différends liés à l’investissement (CIRDI) de Paris. En contrepartie, le Sénégal étend la licence de l’opérateur à tous les services de ses concurrents, en plus de proroger la validité de celle-ci jusqu’en 2028.
A l’heure de l’austérité et face aux urgences multiples, l’on ne saurait cracher sur une bonne bouffée de milliards qui vont renflouer les caisses (vides) de l’Etat. Et c'est la société Millicom qui exploite au Sénégal une licence de téléphonie sous la marque Tigo qui va venir au secours du Trésor avec une enveloppe de 103 millions de dollars, soit 53,7 milliards de francs Cfa (1 dollar valant 522 francs Cfa à la date d’hier mardi 28 août). Selon un communiqué du Ministère de l’Economie et des Finances, ‘’Millicom et le gouvernement, dans une démarche transparente, ont trouvé, (hier), un accord de principe pour résoudre à l'amiable le différend, vieux de près de 10 ans, qui les opposait sur la validité de la licence de SENTEL/TIGO au Sénégal’’.
Cet arrangement est avant tout d’ordre financier car la société de téléphonie ‘’s'engage à verser, au titre de cet accord, 103 millions de dollars US suivant un échéancier contenu dans le document final à signer entre les deux parties’’. En contrepartie, l’Etat reconnaît ‘’la validité de la licence actuelle de SENTEL/TIGO’’ et même la proroge ‘’de 10 ans, soit jusqu'en 2028’’ en y incluant ‘’l'alignement des termes de celle-ci sur ceux des autres opérateurs y compris la 3G’’. En d’autres termes, tous les services qu’offrent Orange et Expresso, Tigo aura à les offrir. On peut citer entre autres, l’International et l’Internet. Ainsi, cet accord entraîne-t-il ‘’la suspension de la procédure d'arbitrage initiée auprès du CIRDI en 2008 (Centre d’arbitrage de la Banque mondiale) afin de finaliser la documentation nécessaire à la clôture de cette transaction’’.
La validité de la licence prorogée jusqu’en 2028
Seulement cet accord intervient après une longue procédure que Me Wade avait débutée aux premières années de l’alternance en dénonçant publiquement les conditions dans lesquelles SENTEL avait acquis sa licence auprès du pouvoir socialiste pour des droits d’entrée fixés à 50 millions de francs Cfa là où, au même moment, l’on parlait de milliards pour le Maroc ou le Mali voisin. ‘’Millicom n’avait pas payé ses redevances au 1er janvier 2000. Millicom avait violé ses obligations de fournitures d’informations techniques, administratives et financières, et il y avait des manquements quant à la couverture radioélectrique du territoire’’, avait accusé Me Abdoulaye Wade, dans une de ses allocutions à la nation.
10 ans de procédures devant les juridictions sénégalaise et parisienne
Par la suite, il avait été retenu entre l’Etat et cette société d’attendre la finalisation du processus de cession de la troisième licence pour entamer des négociations. Quand SUDATEL a acquis cette troisième licence en 2007 pour 200 millions de dollars, au lieu de négociations, ce sont des actions devant les tribunaux qui sont entreprises de part et d’autre entre le Sénégal et Tigo. C’est ainsi que l’Etat du Sénégal, par le biais de l’Agent judiciaire de l’Etat, a résilié la licence, avant de saisir le Tribunal régional de Dakar. Tigo, à son tour, dénonce le contrat devant le Tribunal arbitral de la Banque mondiale, plus connu sous l’appellation de Centre international de règlement des différends liés à l’investissement (CIRDI) de Paris.
Mais l’action devant les tribunaux sénégalais sera finalement éteinte suite au désistement du Sénégal quand le CIRDI s’est déclaré compétent pour juger l’affaire. Le juge a ainsi radié la procédure devant le tribunal régional de Dakar en novembre 2010, à la grande satisfaction des avocats de Sentel et Millicom (Mes Boucounta Diallo et Martinez d'Allenovery de Londres) qui avaient qualifié cette décision de l'Etat de sage.
Karim Wade et les accusations de corruption d’un sénateur américain
Mais aux côtés des ces actions judiciaires, l’affaire Millicom a aussi son lot de révélations et d’accusations de corruption. En effet, Karim Wade, le fils de l’ex-président Wade avait été accusé d’avoir réclamé 200 millions de dollars (plus de 100 milliards de francs Cfa), pour son compte personnel, au président de Millicom en échange du maintien de la licence lors d’une réunion dans un palace parisien, en juin 2008. Accusation faite par un sénateur américain du nom d’Arlen Specter qui s’est interrogé, dans une correspondance adressée au directeur général du Millenium challenge corporation (MCC), Daniel Yohannes, du maintien du MCA pour le Sénégal ‘’en dépit de ces informations étonnantes’’. Ce qui avait valu la montée au créneau des autorités sénégalaises qui parlaient de ‘’campagne de diffamation’’. Une mise au point avait été servie, d’abord par Souleymane Ndéné Ndiaye, alors Premier ministre, et ensuite par un communiqué de Karim Wade, au début de février 2011.
BACHIR FOFANA