Publié le 1 Jan 2025 - 22:47
RÉTRO CULTURE 2024

Année de contrastes

 

L'année 2024 a été une période intense, marquée par des événements majeurs.  Avec l’avènement d’un nouveau régime, il a été décidé de fusionner les départements de la Culture, de la Jeunesse et des Sports dans un seul ministère. Après huit mois, c’est à se demander si c’était une bonne idée.

 

La  première équipe gouvernementale sous l’ère Bassirou Diomaye Faye a intégré le ministère de la Culture dans un vaste département regroupant la Jeunesse, les Sports et la Culture. Cette nouvelle configuration a suscité des réactions contrastées parmi les acteurs culturels. En effet, si certains avaient exprimé leur déception, d'autres n’y avaient vu aucun inconvénient majeur. Dans ce sens, l'Association des métiers de la musique (AMS) avait accueilli favorablement cette restructuration. De plus, la nomination de Bacary Sarr à la tête du département rattaché à ce ministère unifié a été perçue par l’AMS comme une opportunité prometteuse. L’association y voyait une chance d’explorer de nouvelles synergies entre les différents secteurs, renforçant ainsi les dynamiques entre culture, jeunesse et sport.

Mais huit mois, l’on se demande s’il était opportun de mettre ensemble ces trois départements. Il faut reconnaître que pas grand-chose ne bouge au département de la Culture. Aucune rupture n’est notée, contrairement à ce que prône le nouveau régime. Les retraités, chefs de service au ministère de la Culture occupent toujours leur fauteuil. Le peu de nominations auxquelles le ministère a procédé ne rassure pas.

Grand bien n’a pas été fait par le nouveau régime, mais quelque chose a quand même été fait par l’État au cours de l’année écoulée. En Conseil des ministres, le projet de décret portant collecte de la rémunération pour copie privée est adopté en octobre dernier. Une décision qui a marqué la concrétisation de la loi 2008-09 sur le droit d’auteur et les droits voisins, en attente depuis seize ans.

Par ailleurs, des démarches ont été menées par le gouvernement pour des actions concrètes pour la revendication identitaire. Dans ce sens, le ministère de la Culture a procédé au rachat des biens de Senghor en France à 244 000 euros, soit près de 160 millions F CFA. Ainsi ont été acquis 41 objets appartenant au premier président du Sénégal. Cette acquisition vise à affirmer la revendication identitaire du pays et à rapatrier un patrimoine symbolique, jusqu'alors conservé en France. Ces objets, qui incarnent l'héritage culturel et historique de Senghor, représentent bien plus qu'une simple transaction. Ils témoignent de la richesse intellectuelle et artistique du Sénégal ainsi que de l'importance de préserver ce patrimoine pour les générations futures. En rapatriant ces biens, le gouvernement répond à une volonté croissante de valorisation et de réappropriation des symboles de l'histoire nationale.

S'ensuit le lancement des travaux du mémorial de Gorée, qui a été l’un des moments forts de cette année. Avec pour vocation ‘’d’être un lieu de rappel de notre histoire pour que l’horreur du passé ne se répète plus jamais’’, avait rappelé l’ex-président Macky Sall. Le mémorial a pour objectif de raconter l’histoire héroïque d’hommes et de femmes qui, par milliers, ont résisté, au prix de leur vie, préférant la mort à l'asservissement. Ainsi, il fait le récit horrible de corps entassés au fond des cales, puis jetés dans les profondeurs lugubres de l’Atlantique. Ce projet se voulait à la fois un hommage aux victimes de la traite négrière et un outil pédagogique pour transmettre les leçons de cette période tragique à l'humanité entière.

Des festivals comme des vitrines pour la diversité culturelle

Cette année, le monde culturel n’a pas été laissé pour compte. Bien que la Biennale de Dakar ait été initialement reportée, l’événement tant attendu s’est finalement tenu du 7 novembre au 7 décembre, consacrant Dakar comme la capitale de l’art africain et contemporain. Sous la présidence de Bassirou Diomaye Fall, cette 15e édition du Dak’Art a offert une centaine d’expositions Off et une exposition In de haute facture, mettant en lumière des thématiques poignantes telles que l’avortement clandestin, la migration, les perceptions de la sexualité et bien d’autres sujets sociétaux majeurs. L’événement, placé sous le thème ‘’L’éveil : The Wake’’, a confirmé le rôle essentiel des arts et de la culture dans le questionnement et l’évolution des sociétés.

Comme le Dak’Art, d’autres rendez-vous culturels d’envergure ont rythmé l’année 2024. La deuxième édition du festival Dakar Séries, accueillie par l’Institut français, a mis en avant les séries sénégalaises avec des sélections remarquables. Marquant ainsi l’engagement pour la promotion de la diversité et de la créativité sérielle et une plateforme pour les séries africaines sur la scène internationale. 

Le festival Dakar Court a célébré le court-métrage en valorisant les jeunes cinéastes et en leur offrant une reconnaissance méritée. Ces événements majeurs ont démontré une fois de plus l’effervescence et la vitalité du paysage culturel sénégalais, confirmant le rôle central de l’art dans la réflexion, l’expression et l’échange au sein de cette société.

Le retour des légendes de la musique

La musique sénégalaise a été particulièrement marquée, cette année, par le grand retour des divas et des figures emblématiques, accompagnées de distinctions largement méritées. Parmi ces moments forts, le retour triomphal de Coumba Gawlo Seck a retenu l'attention.

Après une longue absence due à une maladie qui l'avait éloigné des podiums et des studios, la légendaire chanteuse a signé un retour mémorable. À l'occasion de ses quarante ans de carrière, le leader vocal a célébré cet événement lors d'un spectacle organisé au musée des Civilisations noires. Ce concert a été une démonstration de son talent intemporel.

Et le grand retour de l'Orchestra Baobab, qui a célébré ses cinquante ans de carrière et a enflammé l’Institut français de Dakar. Ce groupe emblématique, véritable ambassadeur de la culture africaine sur la scène internationale.

Aussi, l’artiste OMG, de son vrai nom Oumy, a marqué le monde du rap sénégalais cette année, en dévoilant son double EP intitulé ‘’Oumy’’ et ‘’Queen Mama’’, sorti le 28 août dernier. UN projet ambitieux, composé de sept titres par EP. D'autres artistes, à l'instar de BM Jaay, ont également marqué l'année par leurs performances et distinctions remarquables. Sacré meilleur artiste de l'année lors des Galsen Hip-Hop Awards 2024, BM Jaay a collectionné les trophées, notamment celui du meilleur EP et du meilleur featuring. Ces récompenses ont confirmé non seulement sa maîtrise artistique, mais aussi sa rigueur et son engagement sur la scène musicale sénégalaise. Artiste prolifique et innovant, BM Jaay s’est imposé comme l'une des figures incontournables du hip-hop.

Amadeus a également marqué les esprits, avec le lancement de son nouvel album ‘’Taaru Sénégal’’, qui a un succès fulgurant. Saliou Samb alias ‘’Massamba Amadeus’’, a dévoilé des chiffres impressionnants qui témoignent de l'engouement du public avec un million d'écoutes en seulement trois semaines pour l'album, et 12 millions de vues en un mois pour le clip de son titre phare ‘’Jeli’’. Ce succès a propulsé Amadeus au rang de sixième artiste sénégalais le plus écouté sur Spotify, consolidant ainsi sa place parmi les figures incontournables de la scène musicale nationale et internationale. Avec ‘’Taaru Sénégal’’, il a célébré les richesses culturelles du Sénégal tout en séduisant un public élargi grâce à son style unique et universel.

Littérature : entre prix et polémique

Le monde littéraire a récemment été secoué par une vive polémique autour du livre de l'historienne française Séverine Awenengo Dalberto, intitulé ‘’L'idée de la Casamance autonome – Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal’’. La présentation de cet ouvrage a été annulée, provoquant une tempête médiatique et ravivant les peurs liées à la Casamance, région marquée par le plus ancien conflit indépendantiste d'Afrique. S’en est suivi le Salon du livre féminin, un événement incontournable célébrant la créativité et la voix des femmes dans le domaine littéraire.

En effet, la 3e édition s’est tenue à Dakar, du 20 au 22 décembre, afin de promouvoir et mettre en lumière les femmes actrices des industries culturelles au Sénégal et en Afrique. Pour finir, Hélène Bernadette Ndong, Khalil Diallo et Mamadou Dembélé ont été primés au Prix Cénacle national du livre.  Le prix du roman a été décerné à l’écrivaine Hélène Bernadette Ndong pour son ouvrage ‘’L’innocence de Tamara’’. Pour la catégorie poésie, le prix a été remis à Khalil Diallo pour ‘’La géographie de l’absence’’, paru aux éditions Al Fàruq. Et le prix de la nouvelle est revenu à Mamadou Dembélé avec ‘’Histoires d’écoles et autres anecdotes’’.

Le cinéma en éclat sur la scène internationale

Pour cette année, le cinéma sénégalais a brillé sur la scène mondiale, avec la sélection du documentaire ‘’Dahomey’’, qui a représenté le pays aux Oscars dans la catégorie du meilleur film international. Le long-métrage sénégalais, réalisé par la cinéaste franco-sénégalaise Mati Diop, est  sélectionné dans deux catégories, dont le meilleur documentaire et le meilleur film international.

Rappelons que le film a déjà décroché l’Ours d’or à la Berlinale.   Ousmane William Mbaye a sorti lui également un documentaire ‘’Ndar Saga Walo’’ qui a été primé aux Journées cinématographiques de Carthage, de même que ‘’Demba’’ de Mamadou Dia. ‘’Moi, Capitaine’’, tourné en partie au Sénégal a eu un franc succès en Europe.

THECIA P. NYOMBA EKOMIE

Section: 
EL HADJ DEMBA DIA ALIAS ‘’JAH’’ : Un réalisateur au cœur du milieu carcéral
LITTÉRATURE, FRANÇAFRIQUE, AFFAIRE HABRÉ, MACKY SALL, FONDATIONS DES 1RES DAMES… : Fatimé Raymonde Habré à cœur ouvert
CÉRÉMONIE DE DÉDICACE -  ‘’A L'OMBRE DU BÉNTEÑE’’ : Cheikh Oumar Sy déclare sa flamme à sa commune
3e ÉDITION DU CONCOURS TREMPLIN STARTUP UEMOA Le développement des industries culturelles et créatives au cœur des préoccupations
PAROLIER DU KARTALA (SLAMEUR), AUTEUR DE “SELEBEYOON” : “Le Sénégal m’a offert...”
DÉDICACE DE LIVRE : Madiambal, dans la peau du romancier 
FESTIVAL INTERNATIONAL DE THIONCK-ESSYL : La culture comme remède contre la crise des valeurs
GUÉDIAWAYE BY RAP : La 11e édition célèbre Matador
Thiès
CÉRÉMONIE D'OUVERTURE FESTIVAL  DAKAR COURT : Les œuvres cinématographiques célébrées à Dakar
SAINT-LOUIS : MASTERCLASS JOURNALISME : Les jeunes invités à avoir l’éthique en bandoulière
ENTRETIEN AVEC DAOUDA GBAYA, JOURNALISTE-ÉCRIVAIN : ‘’Le problème de l'émigration irrégulière ne peut être réglé partiellement’’
CHORÉGRAPHIE - ALGORITHM OCEAN TRUE BLOOD MOVES : Un regard sur l'histoire
BIENNALE OFF - EXPOSITION ‘’NDAJE’’ : Voyage à travers les émotions et les couleurs  
FESPACO
DÉCISIONS ANNONCÉES HIER PAR ALIOUNE SALL : Le Cdeps va attaquer les arrêtés du ministre de la Communication
PUBLICATION DE LA LISTE DES MÉDIAS PAR LE MCTN : Seuls 112 sont en conformité avec les dispositions du Code de la presse
VERNISSAGE : "MÉTAMORPHOSE DE L’ART AFRICAIN" : Un dialogue entre passé et futur
SEPTIÈME ÉDITION DU FESTIVAL DAKAR COURT : Une exploration du lien cinéma et musique
LANCEMENT D’AFRICA MUSIC & CHARTS : Vers une certification de l’industrie musicale francophone