Publié le 29 Mar 2023 - 22:48
RECUL DES LIBERTÉS AU SÉNÉGAL

Amnesty International suggère la réforme de la loi 

 

Dans son rapport 2022-2023 publié hier, l’organisation de défense des droits humains dépeint un tableau sombre de l’état des libertés consacrées par la Charte des Droits de l’homme au Sénégal.

 

‘’L’État du Sénégal doit réformer sa législation pour supprimer les peines de prison pour le délit de diffamation et tous les délits portant atteinte à l’honorabilité des personnes’’. C'est la conclusion que tire le rapport 2022-2023 publié hier par Amnesty International. En ne le faisant pas, les autorités sénégalaises s’exposent aux condamnations irrémédiables de la Cour africaine des Droits de l’homme et des peuples, et de la Cour de justice de la CEDEAO, si ces dernières étaient saisies dans les nombreuses condamnations de citoyens pour des délits d’opinion. Et Amnesty International retient que les arrêts rendus par ces deux cours ne peuvent être ignorés par aucun État membre de la CEDEAO et de l’Union africaine.

L’organisation de défense des droits humains se fonde sur deux affaires faisant office de jurisprudence : ‘’La Cour africaine des Droits de l’homme et des peuples (arrêt Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso du 5 décembre 2014) et la Cour de justice de la CEDEAO (arrêt n°ECW/CCJ/JUD/04/18 du 13 février 2018, Fédération des journalistes africains c. Gambie) considèrent que les peines privatives de liberté pour les délits portant sur l’honorabilité des personnes étaient disproportionnées et qu’elles portaient atteinte à la liberté d’expression garantie par la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples et le droit international.’’

Restriction des ‘’droits à la liberté de réunion et d’expression’’

Ces positions d’Amnesty International illustrent, selon l’organisme de la société civile internationale, les restrictions des ‘’droits à la liberté de réunion et d’expression’’ au Sénégal. Cela est documenté par le refus des autorités sénégalaises d’abroger l’arrêté ministériel n°7580 du 20 juillet 2011 interdisant les ‘’manifestations de nature politique’’ dans le centre de Dakar.

Selon la Cour de justice sous-régionale, cet arrêté viole les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Les restrictions se matérialisent également l’arrestation, le 17 juin 2022, de Dethié Fall, représentant national de la liste d’opposition aux Législatives, et sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour ‘’participation à une manifestation non autorisée’’. Idem pour Ahmed Aidara, Maire de Guédiawaye, condamné à un mois de prison avec sursis pour ‘’participation à un attroupement non armé’’.

La liste est loin d’être exhaustive avec l’interpellation, à Ziguinchor, Guy Marius Sagna, alors qu’il allait rendre visite à 33 manifestants interpellés la veille.

Sur les restrictions liées à la liberté d’expression, les cas pratiques concernent l’arrestation, le 10 juin 2022, du député Cheikh Abdou Mbacké Bara Dolly, inculpé pour ‘’offense au chef de l’État’’, ‘’diffusion de fausses nouvelles’’ et ‘’diffamation’’, après un discours qu’il avait prononcé lors d’une manifestation de l’opposition. Il sera libéré un mois plus tard.

Les cas Papito Kara, Outhmane Diagne, Pape Alé Niang

En août, c’est Pape Ibra Guèye dit ‘’Papito Kara’’ et Outhmane Diagne qui sont arrêtés et incarcérés pour ‘’le délit de diffusion de fausses nouvelles et celui d’effacement, de modification, de falsification et d’introduction de données informatiques’’. Sans oublier le journaliste Pape Alé Niang arrêté le 6 novembre par la police, trois jours après avoir diffusé en direct sur Facebook une vidéo dans laquelle il commentait l’audience judiciaire du dirigeant de l’opposition Ousmane Sonko et rendait public un rapport d’enquête interne de la gendarmerie. Il a été inculpé de ‘’recel et publication de documents militaires sans autorisation de la hiérarchie de nature à nuire à la défense nationale’’, ‘’d’appel à la subversion’’ et de ‘’diffusion de fausses nouvelles susceptibles de discréditer les institutions publiques’’.

Les mauvaises notes des autorités sénégalaises concernent aussi le recours excessif à la force. Comme ce fut le cas le 17 juin à Ziguinchor et à Bignona où les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants, tuant deux hommes : Idrissa Goudiaby, chauffeur de taxi, et Albert Abdoulaye Diatta. Le rapport rappelle qu’aucune information supplémentaire n’a été communiquée au sujet de l’enquête sur la mort de 14 personnes, dont 12 tuées par balle, lors des manifestations qui s’étaient tenues dans plusieurs villes du pays en mars 2021.

Tortures, recours excessif à la force

Même en détention, ces violences se posent. En illustre la mort, le 13 juillet 2022, de François Mancabou, un ancien militaire transféré des geôles de la police à l’hôpital Principal de Dakar, grièvement blessé. ‘’Sa famille a accusé la police d’avoir causé sa mort en le torturant en détention. La police a rejeté ces accusations et affirmé qu’il s’était blessé lui-même’’, rappelle Amnesty International.

Au Sénégal, soutient l’organisation de défense des droits humains, les droits des enfants talibés ne sont pas respectés, idem pour ceux de personnes LGBTI. Elle note également un mauvais entretien de certains établissements de santé ayant comme conséquence la mort de 11 nouveau-nés dans un incendie qui s’est déclaré à la maternité de l’hôpital de Tivaouane.

Le droit à un environnement sain est aussi interpellé en raison des sécheresses, inondations et pénuries d’eau, conséquence des changements climatiques. Ces effets se voient à travers l’érosion causée par la hausse du niveau de la mer, dont dépend un recul du trait de côte dans certains villages et quartiers de pêcheurs.

Lamine Diouf

 

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