Publié le 16 May 2024 - 09:55

Relance des activités du Mouvement Citoyen

 

Le premier Mouvement citoyen du Sénégal et peut être d’Afrique est créé en 2002 avec comme objectif, le renforcement du leadership politique et intellectuel des jeûnes, en se basant sur l’expérience du Set Setal en 1989, l’Initiative du 5 mars en 1996 pour la transparence des élections; etc.

L’action du Mouvement veut conduire au changement, à la transformation positive de nos sociétés. En effet, il s’agit d’une passion pour un changement alternatif qu’on a voulu concrétiser avec sa mise en place, au lendemain de la première alternance politique ; c’est-à-dire au début des années 2000 et plus précisément en 2002.

En réalité, dans le contexte d’alors, l’expression « Mouvement Citoyen », même si elle gardait toute sa pertinence, n’avait pas la résonance actuelle. L’usage du concept « Mouvement Citoyen » tout court, sans complément d’objet ou de circonstance, témoignait d’un désintéressement symptomatique des « grandes âmes » sensibles au sort de leur peuple. Il a fallu attendre plus d’une décennie pour que beaucoup d’acteurs qui− pour se distinguer des acteurs politiques− recourent au vocable « mouvement citoyen ». L’expression devenait ainsi le paradigme dominant caractérisant l’engagement en dehors des chapelles politiques ; nous voulons dire des partis politiques.

Les grandes transformations sociales doivent être menées et portées par des citoyens conscients de leurs devoirs ; d’où le rôle déterminant de la société civile. Les sources d’inspiration de cette société civile sont diverses. Elles peuvent être spirituelles, morales ou politiques. Mais la solidarité et l’intérêt pour le sort et le bien-être des autres (citoyens), le refus de l’injustice, la lutte contre la violence et l’oppression doivent demeurer le fond commun à toutes les organisations de la société civile quelle que soit leur obédience. Une « nouvelle citoyenneté » ; laquelle citoyenneté requiert un examen sans complaisance des entraves à l’épanouissement de l’individu, du citoyen. La société civile est relativement forte au Sénégal avec l’expérience des grandes ONGs ( ENDA, CONGAD), les organisations des Droits Humains, le Forum civil, Africa Jom Center mais aussi les nouvelles plateformes, (demain le Sénégal, Sursaut citoyen, Cadre de Concertation des Femmes etc. Seule la mobilisation des citoyens d’ici et de la Diaspora a pu avoir raison des velléités dictatoriales.

Pour beaucoup de jeunes (étudiants) primo adhérents du Mouvement citoyen, une véritable « madrassa » (école, université), le Mouvement citoyen a mis en place un cadre propice à l’éveil des

consciences (ex : le Centre polyvalent avec une riche bibliothèque) mais aussi et le fait d’avoir misé sur les jeunes (étudiants en particulier) qui occupent aujourd’hui d’importantes fonctions dans presque tous les secteurs de la vie. Dès lors pourquoi ce besoin de renouveau ?

Depuis 2000, notre pays a connu d’intenses bouleversements en termes politiques, de réflexion, de propositions et de revendications récurrentes. Il est impératif de continuer l’approfondissement de notre système démocratique, d’oeuvrer pour la transparence dans la gestion des affaires publiques, surtout qu’il existe une grande confusion entre bien public et bien privé. Pour le citoyen, il y'a urgence de définir les règles dans la gestion de l’espace publique; même le changement climatique reste incompris de la majorité de nos concitoyens.

On ne peut pas mesurer l’ampleur de la prédation dans ce pays. En parcourant le document intitulé « répertoire des litiges fonciers et conflits communautaires », on est tenté de se demander si finalement ce n’est pas tout le Sénégal et ses terres qui sont dans la tourmente.
C’est le lieu ici, de déplorer l’évolution sauvage de la ville de Dakar; une ville sans âme, désordonnée, sale, qui étouffe sous le poids de la pollution et qui perd son patrimoine bâti. Le patrimoine historique est détruit pour céder la place à des immeubles disproportionnés et en disharmonie.( Il faut en faire le point et l’audit); que reste t-il du patrimoine bâti de l’Etat ? La reddition des comptes est devenu un impératif catégorique !

la transparence tant désirée exige des ruptures essentielles et une équité dans la redistribution des ressources ; s’interroger sur l’existence des caisses noires, les fonds communs, la neutralité de l’administration et des fonctionnaires qui travaillent dans les régies financières et la fin du clientélisme qui est la source première de la corruption. La généralisation de la déclaration de patrimoine est une étape importante pour rétablir la confiance du citoyen.
L’Etat de droit signifie une justice juste, équitable, égalitaire et compétente.

Sur le plan politique, beaucoup d’observateurs n’ont pas manqué de souligner la fin du modèle senghorien remontant aux années 60. Ce qui constitue un aspect fondamental de la crise. Le changement intervenu le 24 mars 2024 repose à la fois sur une légitimité populaire et une légitimité intellectuelle par l’implication de nombreux penseurs, universitaires sénégalais et non sénégalais de dimension universelle.

La rationalisation du jeu institutionnel relève d’un besoin de rééquilibrage du rapport de force entre exécutif et législatif. C’est le contexte qui l’impose après tant de violence, d’abus mais

aussi un environnement pas très favorable à la réinvention de la démocratie. L’élection du 24 mars a un fondement plébiscitaire, populaire mais il faut absolument en faire une mouvement avec un ancrage démocratique solide ( la déception des femmes est limitative, les alternances depuis 2000 nous montrent que le gouvernement libéral-démocrate n’est pas la solution mais il est temps de revisiter la social-démocratie; Senghor avait théorisé le socialisme africain). maintenant, on doit ouvrir le débat sur le « Projet ».

Un exemple reste très intéressant pour nous ; quand à la fin du XIXe siècle, un pays comme la Finlande a décidé d’élire son président de la République au suffrage universel, il a fait suivre cette réforme d’une nette réduction de ses pouvoirs. La France ( jusque là notre modèle), au XXIs reste la seule démocratie libérale qui dote d’aussi larges pouvoirs au chef de l’Etat élu au suffrage universel (monarchie républicaine) . On doit restituer au citoyen son pouvoir qui s’est rebiffé à plusieurs reprises ( 1968, 1988, 1996, 2000, 2011, 2021-2024), en se projetant avant tout dans la révolte estudiantine et la construction d’un société civile forte, d’un mouvement citoyen précurseur, d’alternances répétées dont une ayant une dimension inédite. Il a droit à une gouvernance de qualité qui l’associera dans la définition de ses priorités. Un chef d’Etat ne doit pas forcément être au centre de toutes les décisions, ce qui d’ailleurs l’exposera davantage. La légitimité donne seulement un pouvoir d’orientation et de coordination. Une des premières leçons à tirer du 24 mars 2024: c’est le caractère massif et le poids de l’opinion publique au Sénégal, forgés par ses intellectuels, ses nouveaux religieux, sa société civile, etc. Rien de durable ne se fera sans cette opinion publique éclairée.

Le souveraineté est l’une des idées maitresses de nos nouveaux dirigeants mais comment y arriver en gardant nos frontières issues du fameux partage de Berlin de 1885 ? En d’autres termes, lasouveraineté est-ellepossiblesansintégration?Arriverat-onversuneintégrationvéritablesans projet démocratique commun et sincère ? La responsabilité du Sénégal, à ce niveau est immense!

Dans cette quête de nouvelle citoyenneté que nous rêvons de construire, plusieurs axes vont être déterminants :

- Le réarmement moral de la jeunesse : la solution n’est pas l’émigration clandestine. Pour cela, nos élites doivent être exemplaires et tolérantes. La répression bannie pour construire sur la confiance renouvelée. Pourquoi par exemple, seules les jeunes filles mais aussi les jeunes issus des régions périphériques, de la sous -région qui nous arrivent croient encore à l’école, à l’université et à l’armée, bref aux piliers de la république?

- L’ignorance par les jeunes du legs de nos ainés . Nous disposons d’une sédimentation intellectuelle de qualité, sur laquelle nous devons bâtir notre avenir politique, fondement d’une révolution économique ( Présence africaine, les grands leaders politiques, les théoriciens de la diaspora), etc.

Concernant les femmes, leurs droits se sont construits sur plusieurs décennies de lutte; cependant, elles ont besoin d’un changement de mentalités pour atteindre leurs objectifs. Par exemple, transformer les dépenses improductives en forces d’investissement et d’épargne intérieure mais oeuvrer pour redevenir l’Africaine a qui découvert l’agriculture au Néolithique, imposé la sédentarisation, donné son nom au moment de la fondation des villes, des cités, des villages et surtout qui a été la grande prêtresse des religions africaines, etc. Un exemple, au delà des problèmes de santé, pourquoi doit-on rejeter systématiquement le xessal? Là, on peut faire intervenir la dimension idéologique. Le continent africain a trop souffert dans l’histoire : ses enfants réduits en esclavage durant plusieurs siècles et le projet colonial se justifiant par la mission civilisatrice de l’homme blanc, ainsi que l’exploitation de ses ressources. Tout cela repose sur la négation de son histoire et la couleur de la peau de l’homme noir. Nous vous renvoyons à l’essai d’Arthur Gobineau sur l’Inégalité des races humaines, paru en 1853 et la malédiction de Cham rapportée par les traditions bibliques. Le xessal nous installe dans le manque de fierté du Noir et la reconnaissance de façon tacite de la supériorité de la race blanche. F Fanon a décrié la dépersonnalisation. Et pourtant l’Afrique, c’est la femme, la mère ; les poètes l’ont chanté.
Toutes les révolutions sur le continent passeront par elles, nous devons en prendre conscience.

Le Mouvement citoyen mobilisera les jeunes autour d’études, par exemple faire des synthèses des contributions intellectuelles parues entre 2021 et 2024, aller à la découverte des résistants et mouvements de résistance ( le mouvement Mau Mau, la révolte des femmes de Bassam) des grands penseurs, hommes de lettres de notre pays et du continent, les grands hommes et femmes politiques, étudier le panafricanisme depuis Dubois, Blyden ( cf les travaux d’Elikia Mbokolo, d’Ibrahima Thioub etc).

Organiser des expositions sur les Martyrs en Afrique; projection de films suivis de débats... il y aura aussi des actions de mobilisation et de lobbying ( forum de quartiers, découverte du monde paysan, promotion de notre artisanat, du consommer local, solidarité avec les artistes et créateurs). On ne connait pas beaucoup tout le potentiel dont nous disposons, aller à la découverte de structures qui existent déjà comme la maison de l’oralité de Massamba Guèye mais aussi le

programme civique de Sup Deco. Seul un mouvement global basé sur la connaissance pourra venir à bout de l’inertie et redonner confiance à la jeunesse!

Penda Mbow
Présidente du Mouvement citoyen

Section: