Une agriculture à bout de souffle face aux défis climatiques et structurels

Au Sénégal, l’agriculture demeure un pilier fondamental de l’économie. Elle emploie plus de 60 % de la population active et représente une part essentielle du produit intérieur brut. Pourtant, ce secteur vital traverse une crise silencieuse. Confrontée à des défis multiples – climatiques, techniques et humains – l’agriculture sénégalaise peine à remplir sa promesse : nourrir le pays et soutenir son développement.
Premier constat alarmant : l’agriculture sénégalaise repose majoritairement sur les précipitations. Environ 90 % des cultures sont pluviales, c’est-à-dire totalement dépendantes des saisons des pluies. Or, avec les effets du changement climatique, celles-ci deviennent de plus en plus courtes, irrégulières et imprévisibles. Résultat : des récoltes en baisse, des sols appauvris et une insécurité alimentaire croissante dans les zones rurales.
Autre talon d’Achille : le manque criant d’infrastructures. Faiblesse des systèmes d’irrigation, routes rurales dégradées, absence d’unités de transformation... Tout concourt à rendre la chaîne de valeur agricole inefficace. Chaque année, une part significative des récoltes est perdue après la cueillette, faute de moyens de conservation et de transport.
D’ailleurs la vision du Président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko pour l’agriculture sénégalaise, telle que présentée dans le plan stratégique « Sénégal 2050 », repose sur l’ambition claire d’atteindre la souveraineté alimentaire du pays. Cette stratégie vise non seulement à répondre aux besoins alimentaires croissants de la population, estimée à près de 18 millions d’habitants en 2025 et projetée à plus de 25 millions d’ici 2050, mais aussi à faire de l’agriculture un levier de développement économique, social et environnemental.
L'objectif du plan est de tripler les rendements des principales cultures vivrières (mil, maïs, riz, arachide) d’ici 2035, grâce à l’utilisation accrue de semences améliorées et de techniques modernes. Pour la mécanisation progressive de l’agriculture, son taux actuel est inférieur à 30 %, le plan vise à porter à 70 % d’ici 2040. Quant à l’irrigation actuellement, moins de 10 % des terres cultivables sont irriguées simplement ; l’objectif du plan est d’atteindre 50 % d’ici 2050, par l’aménagement de 200 000 hectares de terres agricoles supplémentaires.
La mécanisation reste un rêve lointain pour de nombreux agriculteurs. La plupart travaillent sur de petites parcelles avec des outils rudimentaires. L’accès aux engrais, semences améliorées et produits phytosanitaires est souvent limité par leur coût élevé et leur disponibilité. Les rendements stagnent, et la compétitivité du secteur s’en trouve lourdement affectée.
Le foncier agricole fait également l’objet de tensions. De nombreux conflits éclatent entre communautés rurales, investisseurs privés et autorités locales autour de l’usage et de la propriété des terres. L’insécurité foncière freine les investissements durables et crée un climat d’instabilité peu favorable au développement agricole.
Malgré son importance, l’agriculture attire de moins en moins les jeunes. Jugée pénible, incertaine et peu rentable, elle ne fait plus rêver. Beaucoup préfèrent tenter leur chance en ville, ou à l’étranger. Une tendance inquiétante, alors même que la relève générationnelle est cruciale pour la pérennité du secteur.
Pourtant, des pistes existent encore. Le développement de l’irrigation, la promotion de l’agriculture durable, le soutien à la mécanisation, l’amélioration de l’accès aux financements et la formation des agriculteurs sont autant de leviers à activer. Le gouvernement de Macky sall avait mis en place plusieurs programmes, dont le PRACAS (Programme d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture Sénégalaise), mais les résultats n’ont pas été concrétisés à grande échelle.
L’agriculture sénégalaise est à un tournant décisif. Elle doit se réinventer pour devenir plus résiliente, plus productive et plus attractive. Dans un contexte de croissance démographique et de pression alimentaire, investir sérieusement dans ce secteur est plus qu’un choix stratégique : c’est une nécessité.
Moussa Ba
Parcelles Assainies