Publié le 18 Jan 2022 - 11:54
SANCTIONS DE LA CEDEAO SUR LE MALI

Les masques tombent  

 

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, en visite au Gabon hier, a soutenu que les sanctions économiques et diplomatiques récemment imposées par les Etats ouest-africains au Mali ont été prises "à (leur) corps défendant".

 

Entre l’aspiration des Maliens à se donner du temps pour mieux appréhender l’organisation d’élections et la peur de voir une issue positive de leur combat être prise en exemple dans d’autres pays de la sous-région, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a vite fait le choix de sortir le bâton pour prévenir tout danger qui pourrait menacer ses leaders. Dix jours maintenant que l’organisation ouest-africaine a organisé un embargo sur le Mali, en réaction aux velléités du gouvernement de transition dirigé par le colonel Assimi Goïta, de se maintenir au pouvoir encore plusieurs années.

Premier président de la République d’un Etat de la communauté à évoquer la question publiquement depuis le blocus, Alassane Ouattara a reconnu la principale raison derrière les mesures à l’encontre du Mali. "Il est inacceptable qu’un régime militaire reste en place un quinquennat. Nous avons tout fait pour que les autorités militaires du Mali organisent des élections dans des délais convenables. C’est à notre corps défendant que nous avons mis ces sanctions en place’’, reconnaît le président ivoirien. Alassane Ouattara s’exprimait lors d'une conférence de presse à Libreville (Gabon), où il a rencontré son homologue Ali Bongo Ondimba, lors d'une visite officielle.

La CEDEAO et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont pris une batterie de mesures vigoureuses à l'encontre de Bamako, le dimanche 9 janvier 2022, dont la fermeture des frontières du Mali avec ses Etats membres, un embargo sur les échanges commerciaux (hors produits de première nécessité) et les transactions financières, la suspension de ses aides financières et le gel des avoirs du Mali à la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Toutefois, ils ont annoncé en même temps que les sanctions seront levées progressivement lorsque les autorités maliennes présenteront un calendrier "acceptable" et que des progrès satisfaisants seront observés dans sa mise en œuvre, informent les chefs d’Etat ouest-africains.

‘’La situation des populations est difficile aussi bien au Mali que dans les grands pays voisins tels que le Sénégal ou la Côte d'Ivoire’’

Depuis, les conséquences économiques pour le Mali et les autres Etats de la région ont commencé à se faire sentir. Avec Dakar, Abidjan détient une place forte dans les relations économiques avec Bamako. De sorte que, reconnaît  le président ivoirien, ‘’la situation des populations est difficile aussi bien au Mali que dans les grands pays voisins tels que le Sénégal ou la Côte d'Ivoire. Notre souhait est que la situation se normalise le plus tôt possible".

Au lendemain des sanctions, l’économiste sénégalais, Ndongo Samba Sylla, assurait qu’en acceptant les sanctions de la CEDEAO contre le Mali, ‘’le Sénégal se tire une balle au ventre’’. Selon les chiffres de la BCEAO, ‘’comme destination à l’exportation, le Mali, tout seul (474 milliards F CFA en 2020), est plus important pour le Sénégal que tous les pays de l’Union européenne réunis (264 milliards ; France = 44 milliards).

Loin de se soucier du sort des populations, les mesures sanctionnent notamment le fait que la junte soit revenue sur sa promesse d'organiser, le 27 février prochain, des élections présidentielle et législatives qui auraient ramené des civils à la tête du pays. Pourtant, des manifestations massives contre ces sanctions ouest-africaines se sont déroulées vendredi dernier à Bamako et à travers le pays, à l'appel de la junte. Car la poursuite de la transition au Mali est le résultat d’un mois de consultations des Maliens dans tout le pays et trois jours de synthèse à Bamako, qui ont permis d’arriver aux conclusions des Assises nationales de la refondation.

Présentés au Centre international de conférence de Bamako, le 30 décembre dernier, ces résultats ont comporté de nombreuses recommandations. Malheureusement, une seule a tenu en haleine la communauté internationale : ‘’Une prolongation de la transition de six mois à cinq ans’’, afin de permettre la réalisation de réformes institutionnelles structurantes devant permettre d’aller aux élections. Dans cette large fourchette, le suspense est resté entier sur la date de l’élection présidentielle promise par les militaires au pouvoir.

Des leaders en déphasage avec les aspirations des peuples

Si le président sénégalais ne s’est pas encore exprimé sur la question, son bord politique s’en est chargé pour lui. Le Secrétariat exécutif permanent de Benno Bokk Yaakaar (Sep/BBY) a exprimé, ce lundi, son soutien aux sanctions imposées par la CEDEAO contre le gouvernement de transition au Mali.

Selon la coalition présidentielle, ‘’soutenir la junte militaire dans son projet, c’est ouvrir la voie à toutes sortes d’aventures dans notre espace communautaire en butte à une insécurité quasi-endémique du fait du terrorisme violent dont la barbarie au quotidien plonge nos populations dans une tragédie sans nom. C’est également, dit-il, encourager les militaires à perpétrer des coups d’Etat à tout va et installer notre sous-région dans une instabilité chronique la ramenant des décennies en arrière et compromettant ainsi toute tentative de développement de nos pays’’.

Une manière de montrer que l’aspiration des peuples est encore loin de diriger les orientations des leurs leaders au sein de certains Etats de la CEDEAO. Mais pour combien de temps encore ? Lorsqu’on sait que rien ne résiste à un peuple qui se révolte.

Lamine Diouf

 

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