La stratégie quinquennale de l’OIM
Se doter d’une nouvelle orientation stratégique et insuffler un nouvel élan afin de réaliser le potentiel de la migration. C’est, en filigrane, les objectifs de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au cours des cinq prochaines années (2024-2028).
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) croit profondément que la migration humaine et ordonnée est bénéfique pour les migrants et la société. En tant qu’organisation intergouvernementale, l’OIM agit avec ses partenaires de la communauté internationale afin d’aider à résoudre les problèmes opérationnels que pose la migration, de mieux comprendre quels en sont les enjeux, d’encourager le développement économique et social grâce à la migration et de préserver la dignité humaine ainsi que le bien-être des migrants. C’est pour cela qu’elle a mis sur pied son plan stratégique pour les cinq prochaines années.
En effet, l’OIM souligne que la migration est, pour de nombreuses personnes, la pierre angulaire du développement, de la prospérité et du progrès. ‘’Alors que la planète fait face à de grandes transformations au niveau mondial, allant du changement climatique à la transition démographique, en passant par l’urbanisation et la numérisation, la migration peut et doit faire partie de la solution. Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le programme d’action du secrétaire général des Nations Unies sur les déplacements internes offrent une feuille de route qui doit permettre d’exploiter tout le potentiel de la migration et de résoudre les crises liées aux déplacements en ne laissant personne de côté’’, renseigne l’organisation dans le document.
D’autant que les migrants, souligne-t-on, s’adaptent d’ores et déjà à l’évolution des marchés du travail et aux nouvelles façons de travailler, atténuant ainsi les disparités des tendances démographiques au sein des régions et entre elles.
De ce fait, ‘’les voies de migration régulières bien gérées permettent de renforcer les chaînes de valeur mondiales et d’accroître le financement du développement grâce aux rapatriements de fonds et aux capitaux de la diaspora. Les solutions en matière de réinstallation, de regroupement familial, d’admission humanitaire et de réimplantation produisent des résultats positifs pour les personnes qui ont besoin de protection, leur famille et leur communauté’’, indiquent les rédacteurs.
Trafic illicite de migrants, traite d’êtres humains… : ces activités illicites très lucratives
Ainsi, pour tirer pleinement profit du potentiel qu’offre la migration, l’OIM préconise une nouvelle optique et de nouvelles approches. ‘’Soumis à l’influence des changements observés dans le monde d’aujourd’hui, les schémas migratoires gagnent en complexité. Les conflits, le changement climatique, la dégradation de l’environnement et les disparités du développement entraînent une hausse des déplacements et de la migration irrégulière. Or, elle ne dispose pas des cadres ni des ressources nécessaires pour protéger de façon adéquate les nombreuses personnes qui n’ont d’autre choix que de migrer en quête de sécurité et de moyens de subsistance’’, constate l’organisation.
Il y a aussi l’inadéquation des voies de migration régulières et des protections qui contribue, selon l’OIM, à la vulnérabilité des populations face à la violence, à l’exploitation et aux mauvais traitements. ‘’Dans de nombreuses régions du monde, le trafic illicite de migrants, la traite d’êtres humains et l’esclavage moderne sont aujourd’hui des activités illicites très lucratives qui engendrent d’immenses souffrances’’, fait remarquer l’OIM. Qui souligne que, sous l’effet de l’intersectionnalité de facteurs comme l’âge, l’appartenance ethnique, le genre et le handicap, certaines personnes sont encore plus vulnérables.
Or, regrette-t-elle, ‘’la politisation croissante de la migration engendre également une détérioration des perspectives pour les migrants’’.
C’est pourquoi, pour saisir les opportunités et relever les défis que présente la migration dans un monde toujours plus interdépendant et complexe, tout en venant en aide aux populations les plus vulnérables, l’organisation préconise de nouer des partenariats. Car, ‘’face à l’évolution rapide et multiforme du monde, et forte de ses compétences spécialisées dans le domaine de la migration, de ses vastes réseaux et de sa solide présence opérationnelle, l’OIM est convaincue d’être particulièrement bien placée pour agir. Elle intervient en réponse à certaines des crises les plus affligeantes dans le monde et favorise la transition vers la paix et la prospérité. Tout comme ses États membres, l’OIM demeure optimiste quant à l’avenir et à la contribution qu’elle, les migrants et la migration peuvent apporter, même en des temps difficiles’’.
Les solutions globales aux plus grands défis qui sont indissociables de la migration
L’OIM sait que la migration peut offrir une vie meilleure aux personnes, à leur famille, à leur communauté et à la société. Il ne fait aucun doute, selon elle, que les objectifs de développement durable (ODD) ne pourront être atteints en l’absence de migrations sûres, ordonnées et régulières. C’est pourquoi elle a pour vision de réaliser le potentiel qu’offre la migration tout en aidant les populations les plus vulnérables dans le monde.
Ainsi, "en tant que membre du groupe restreint du Groupe des Nations Unies pour le développement durable et dans le cadre de ses fonctions de coordination et de secrétariat du Réseau des Nations Unies sur les migrations, l’OIM joue un rôle central en apportant aux États membres un soutien efficace, rapide et coordonné à l’échelle du système pour renforcer la coopération en matière de migration internationale et maximiser la contribution de celle-ci au développement durable", a précisé le document.
Selon l’OIM, la migration fait partie intégrante du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui expose clairement plusieurs des liens qui unissent la migration et le développement durable et reconnaît que les migrants doivent être pris en compte dans les efforts visant à ne laisser personne de côté. ‘’Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières s’inscrit dans le droit fil de la cible 10.7 du Programme 2030, au titre de laquelle les États membres se sont engagés à coopérer à l’échelle internationale pour faciliter la migration de façon ordonnée, sûre et régulière’’, peut-on lire sur le document.
En mettant à profit le potentiel de la migration, dit-on, il sera possible de réaliser les objectifs de développement durable. ‘’Pour ce faire, il faudra, selon l’OIM, réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre et favoriser une croissance économique soutenue, partagée et durable grâce à des voies de migration de main-d’œuvre sûres, à des moyens de subsistance durables et à un travail décent. Il convient également de veiller à ce que la migration procède toujours d’un choix en promouvant l’avènement d’un monde plus pacifique et de faciliter des migrations sûres, ordonnées et régulières dans le contexte de l’action climatique, de faciliter des accords entre les États pour assurer la cohérence des politiques migratoires et de tenir compte des migrants dans les politiques et les régimes de protection sociale et de santé’’.
De ce fait, le Plan stratégique de l’OIM 2024-2028 montre comment, en promouvant des migrations sûres, ordonnées et régulières, les activités de l’organisation contribuent aux progrès accomplis à l’échelle nationale sur la voie de la réalisation des ODD énoncés ci-dessus, mais aussi de tous les autres.
Les objectifs du plan
Pour mieux réussir sa mission, ce plan vise trois objectifs. Le premier est de sauver des vies et de protéger les migrants.
En effet, la sécurité, la dignité et la protection des personnes sont la première préoccupation de l’OIM dans les contextes de crise les plus difficiles.
Le deuxième objectif est de trouver des solutions aux déplacements, en réduisant les risques et les effets du changement climatique, de la dégradation de l’environnement, des conflits et de l’instabilité auxquels sont exposées les communautés touchées par des déplacements ou qui risquent de l’être.
Le dernier objectif est de faciliter des voies de migration régulières. L’OIM accorde la priorité aux approches associant l’ensemble des pouvoirs publics et de la société pour mettre en relation les personnes, les biens, les services, les connaissances et l’innovation en toute sécurité.
La migration et le changement climatique
La migration et le changement climatique, qui sont étroitement liés, forment une interaction complexe ayant des effets significatifs sur les personnes, les communautés et les sociétés partout dans le monde, ont été évoqués dans ce plan. "La migration climatique désigne le phénomène par lequel des personnes ou des communautés quittent leur foyer en raison des effets néfastes du changement climatique tels qu’une sécheresse prolongée, des inondations ou la réduction des terres arables. Les pressions exercées par le changement climatique peuvent entraîner à la fois une migration interne, qui est le processus par lequel des personnes se réimplantent à l’intérieur de leur propre pays, et une migration internationale, les personnes cherchant refuge dans des régions plus stables. L’OIM jouera un rôle fondamental en s’attaquant à l’interaction complexe entre la migration et le changement climatique. Consciente que le changement climatique est un important facteur de migration, elle élaborera une approche multidimensionnelle afin de proposer des solutions permettant aux personnes de migrer, des solutions pour les personnes qui migrent, et des solutions permettant aux personnes de rester", renseigne-t-on.
Pour cela, l’OIM veut s’employer à aider les communautés touchées par des phénomènes climatiques en mettant en œuvre des mesures visant à renforcer la résilience et à réduire les vulnérabilités. À cet effet, elle souhaite collaborer étroitement avec les gouvernements et les partenaires locaux à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies d’adaptation durables.
L’Organisation prévoit aussi de mener des activités de promotion des politiques à l’échelle nationale et internationale, encourageant la prise en considération de questions relatives à la migration dans les politiques en matière de changement climatique et inversement. ‘’Elle insistera sur l’importance de reconnaître et de protéger les droits des migrants, surtout de ceux qui sont déplacés en raison du changement climatique. Elle investira dans la recherche et la collecte de données pour mieux comprendre les dynamiques de la migration due au changement climatique. En améliorant les connaissances et la compréhension dans ce domaine, elle entend éclairer l’élaboration de politiques fondées sur des éléments factuels qui tiennent compte des difficultés particulières auxquelles se heurtent les migrants climatiques’’, renseigne le document.
Il y a aussi le renforcement des capacités et de partage des connaissances et la collaboration avec des gouvernements, la société civile et d’autres acteurs pour renforcer la réponse mondiale aux défis multidimensionnels que posent les corrélations entre la migration et le changement climatique.
CHEIKH THIAM