La chute des barons du riz

Le dossier du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid 19 (Force Covid) n’a pas fini de parler de lui. De gros calibres du milieu des affaires sénégalaises sont sur la corde raide. Les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (Dic) ont été chargés de les arrêter.
Certains noms sont méconnus des Sénégalais.
Les nommés Moustapha Ndiaye, Hachem Rayam, Mouhamed Dieng, Mariata Basse, Ibrahima Macodou Fall, Mouhamed Ady San et Abdoulaye Diallo sont passés, hier mercredi 23 avril 2025, dans les locaux de la Division des investigations criminelles (Dic) pour y être interrogés avant d’être déférés. Et s’ils ne mettent pas de caution de garantie sur la table, nul doute que les portes de la prison risquent de leur être grandement ouvertes.
Les poursuites engagées contre ces personnes sont la conséquence du rapport d’audit de la Cour des comptes, intitulé ‘’Contrôle de la gestion du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19 (Force Covid) – Gestion 2020-2021. Initié sous l’ancien régime, le rapport définitif n’a été rendu public que le 19 août 2022, sans connaître de suites judiciaires. Dépoussiéré par le nouveau pouvoir, il a déjà permis l’arrestation de plusieurs dizaines de personnes, dont des agents de l’État.
Au cœur de la mafia du riz
Nos sources renseignent que l’œil du cyclone dans cette affaire, à cette étape de la procédure, est le dossier du riz et des gels hydroalcooliques qui aurait fait l’objet de grosses surfacturations. Le rapport définitif de la Cour des comptes indiquait bien que ‘’le montant du surplus facturé par les fournisseurs qui s’établit à 2 749 927 498 F CFA’’. Et comment ? ‘’Les prix facturés pour l’acquisition des gels hydroalcooliques et des denrées doivent être conformes à ceux prévus par les arrêtés susvisés portant homologation des prix. La cour constate que les prix d’acquisition sont supérieurs à ceux fixés par les arrêtés précités’’ et décortique plus clairement les termes de la présumée surfacturation en ces termes : ‘’Concernant les acquisitions de riz, l’arrêté n°007111 précité fixe le prix de la tonne chez le grossiste à 245 000 F CFA la tonne ; les frais de manutention sont fixés à 5 001 F CFA la tonne par le ministère du Commerce, soit un prix global de 250 001 F CFA. Or, il a été fixé par le MDCEST à 275 000 F CFA la tonne, soit un manque à gagner de 24 999 F CFA par tonne’’.
C’est sur ce dossier précis que Hachem Rayam, en sa qualité de directeur général de la société Avanti et Afri&Co, Moustapha Ndiaye de CCMN et Mouhamed Dieng de Bambouck ont été entendus. Les enquêteurs, nous indique-t-on, ont interrogé ces derniers sur le surplus facturé pour les achats de riz, en insistant sur le pourquoi du différentiel. Sur les 2,7 milliards indexés, Avanti, spécialisée dans la distribution du riz, même si elle ratisse dans d’autres domaines, se taille la part du lion avec 1,1 milliard, suivi par Afri&Co 749,989 millions, CCMN 749,970 millions F CFA.
La société Avanti, qui a son siège à l’avenue Lamine Guèye, était restée discrète dans cette affaire depuis que le dossier a été agité, malgré les charges lourdes retenues contre elle. Et si Rayan Hachem, dont le nom est associé à la boîte Planet Kebab, est bien connu à Dakar, celui qui se cache derrière lui, qui est le vrai patron d’Avanti, est quant à lui d’une extrême discrétion. Il s’agit de Ramez Samir Bourgi. Les investigations entamées remonteront-elles jusqu’au cerveau ? Mystère et boule de gomme !
Ce qui est clair, c’est qu’il y a des anguilles sous beaucoup de dossiers et qu’à force de creuser, les enquêteurs pourraient tomber sur d’autres affaires plus sulfureuses.
Moustapha Ndiaye et Rayam Hachem ne sont pas les seules personnes entendues sur le riz. Selon nos sources, Mouhamed Dieng de la société Bambouck est aussi sous la menace de la prison. Il est politique et membre de l’Alliance pour la République (APR) dans le département de Koungheul. Il fut membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
À noter qu’avant ces gros calibres de l’agrobusiness sénégalais, l’ex-directeur de l’Administration générale et de l’équipement du ministère du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, Aziz Sow avait été arrêté pour surfacturation sur le riz. Aux dernières nouvelles, certains ont bel et bien accepté le principe de cautionner à coups de montants faramineux.
Nous y reviendrons dans notre prochaine édition.