Amadou Ba en quête de légitimité populaire
Le Premier ministre, en tournée économique à l’intérieur du pays, est en quête d’une certaine notoriété populaire, en allant à la rencontre des populations locales. Désigné comme le candidat de la coalition Benno, Amadou Ba souffre d’un déficit d’image et de popularité auprès des populations qui peinent à joindre les deux bouts dans un climat sociopolitique morose.
C’est un cas qui risque de provoquer des céphalées aux meilleurs des spin doctors. Amadou Ba, en tournée économique dans les régions de Saint-Louis et de Louga, de Thiès en ce moment, ne semble pas susciter l’enthousiasme des masses rurales. Le candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) pour la Présidentielle de février 2024 semble payer le peu d’enthousiasme et d’empathie des populations envers l’actuel Premier ministre comptable, selon certains, de la mauvaise conjoncture économique et de la cherté de la vie, du loyer et de l’électricité. Les spécialistes de la Com autour de l’ex-argentier de l’État ont tenté de mettre en avant l’image d’un homme certes distant, mais efficace, bref un homme de dossiers capable de remettre sur les rails l’économie nationale.
Toutefois, le gouvernement de combat qu’il dirige depuis septembre 2022 semble avoir montré ses limites dans l’inversion de la courbe de la pauvreté au Sénégal. Surtout qu’en sa qualité d’ancien ministre de l’Économie, il a participé à l’élaboration du Plan Sénégal émergent (PSE) dont les limites de répercussions endogènes se font durement ressentir par les acteurs nationaux, même si l’État se prévaut d’un taux de croissance moyen de 5,5 % par an.
Ainsi, à travers ces tournées économiques, Amadou Ba tente de se bâtir une certaine légitimité auprès de la base de la coalition présidentielle, sans toutefois chercher à prendre réellement le pouls du Sénégal des profondeurs.
Selon des spécialistes, la priorité de l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise devrait être de sortir du carcan gouvernemental qui comporte de nombreux désavantages. Les meetings et autres rassemblements de Benno ressemblent plus à des guerres de positionnement plutôt qu’à une initiative pour vendre aux Sénégalais leur candidat Amadou Ba. Une démarche qui risque de l’enfermer dans les schémas de politique politicienne, alors qu’une dynamique victorieuse pour une présidentielle doit s’élaborer presque à une année du scrutin. Ces tournées économiques jadis expérimentées par Macky Sall apparaissent comme un ‘’entre soi’’ qui n’offre aucune garantie de succès électoral en février 2024.
Amadou Ba, qui essaie de se forger une image d’homme du peuple, est loin de la fougue Ousmane Sonko, de l’éloquence d’un Idrissa Seck ou du charisme d’un Macky Sall. Des qualités essentielles pour électriser et captiver les masses. Cette situation a, semble-t-il, été comprise par une partie de son entourage qui tente de donner un caractère plus populaire à ses actes : rencontre avec les pêcheurs de Saint-Louis, démarrage des championnats Navetanes à Kaffrine, réception des acteurs de la lutte.
En outre, Macky Sall, en le ferrant au poste de chef de gouvernement, a renforcé sa position au sein de BBY, mais a rendu inaudible son discours de rupture et de changement. Le rejet de la politique actuelle du gouvernement en matière de défense des libertés publiques, d’emploi des jeunes, de l’émigration clandestine et de la cherté de la vie va à court terme resurgir sur la dynamique d’un Amadou Ba qui espère être élu au premier tour. Le soutien attendu du chef de l’État pourrait peser. D’autant plus qu’une partie de l’électorat sénégalais pourrait voir en Amadou Ba un moyen pour Macky Sall d’exercer un troisième mandat auquel il a dû renoncer.
Macky Sall, qui disait lors d’une audience qu’il avait accordée à ses alliés de la gauche qu’il va se donner à fond pour assurer la victoire du candidat de BBY au soir du 25 février 2024. ‘’Je serai au front. Je vais m’engager aux côtés du candidat et je vais l’encadrer jusqu’à la victoire au 1er tour’’, avait déclaré le chef de Benno Bokk Yaakaar. Cette immixtion de Macky Sall peut avoir son importance en consolidant les bases du chef de l’État au Fouta et dans le Sine, mais suscite en contrepartie un énorme rejet dans d’autres régions du pays.
Suffrage universel, une rencontre d’un homme avec le peuple
La logique de l’élection au suffrage universel, qui est la rencontre d’un homme avec son peuple, devrait pousser Amadou Ba à choisir sa propre voie, quitte à déroger aux règles établies par la coalition. ‘’Bayal’’, comme il est surnommé par ses proches, se doit de larguer les amarres et d’établir son propre storytelling pour apparaître crédible aux yeux des électeurs comme un personnage susceptible d’incarner le changement après 12 ans de turpitudes liées à la bonne gouvernance.
En somme, un nouveau contrat de confiance avec les Sénégalais, surtout les jeunes qui réclament l’abandon de vieilles pratiques clientélistes sources de gabegie et de corruption.
Selon le politologue Mamadou Sy Albert, ce qui ressort de ces tournées économiques est que la casquette du Premier ministre a écrasé celle du candidat. ‘’Le timing de ces tournées ne semble pas la bonne. Le Premier ministre qui va à la rencontre des responsables de l’administration territoriale peine à drainer les foules. Le but principal de cette tournée est de légitimer sa candidature auprès des masses, mais ça ne semble pas avoir réussi. Surtout qu’une bonne frange de l’APR ne semble pas être derrière lui’’, affirme-t-il.
D’après l’analyste politique, la nature de ces tournées est déjà problématique avec la volonté de mobiliser l’État et, en second lieu, les électeurs. Amadou Ba, qui n’est pas chef de parti ni investi à la suite d’un congrès populaire. La meilleure solution serait de travailler sur l’aspect social au lieu d’aller faire des tournées. D’autant plus que les précédents scrutins se sont joués autour des questions sociales.
Amadou Fall