Publié le 25 Jun 2022 - 09:06
TRANSPARENCE BUDGÉTAIRE

Les défis d’un budget participatif et transparent

 

Dans le classement 2021 de l’enquête sur le budget ouvert (EBO) paru au début de ce mois, le Sénégal a pu obtenir les scores suivants : 4/100 à propos de la participation du public au processus budgétaire ; 30/100 en ce qui concerne le contrôle budgétaire. Sur le critère le plus scruté, à savoir celui de la transparence, le Sénégal obtient un score de 40/100.

 

En aout 2016, le président de la République radie de la Fonction publique le député Ousmane Sonko, alors inspecteur des impôts et domaines, suite à une série de révélations relatives aux informations budgétaires. A l’époque, l’enquête sur le budget ouvert disponible (EBO 2015) créditait le Sénégal du score assez honorable de 51/100 sur le point de la transparence, soit son meilleur score, après quelques années de progression continue. Comme par hasard, cet élan s’est brusquement brisé, juste après l’affaire de la radiation du député Ousmane Sonko. Dans le classement de 2017 – à la suite donc de l’affaire Sonko - l’EBO créditait le Sénégal de 46 points sur 100, et dans le dernier classement en date de 2021, le pays a encore dégringolé avec une moyenne de 40 sur 100, se hissant, du coup, à la 76e place sur 120 pays en compétition.

Dans leur note d’information, les experts expliquent ce recul observé entre 2019 et 2021, par notamment : ‘’La non-production du rapport de fin d'année et du rapport d'audit.’’

Pour améliorer la transparence budgétaire, le Sénégal devrait, selon l’enquête, donner la priorité aux actions suivantes : la production et la publication en ligne, en temps utile, de la revue de milieu d'année et du rapport d'audit ; l’inclusion dans le projet de budget de l'xécutif des données sur la situation financière du gouvernement, ainsi que des données sur les risques budgétaires tels que les arriérés de dépenses et les passifs éventuels, l’amélioration de l'exhaustivité du budget des citoyens.

Cela dit, il convient de relever que dans cette enquête, qui évalue les possibilités formelles offertes au public pour une participation significative aux différentes étapes du processus budgétaire, le Sénégal a réalisé sa meilleure performance sur ce point de la transparence.

Sur la participation du public au processus, le Sénégal a réalisé son pire score, avec une note très faible de 4 sur 10. Il est derrière la République démocratique du Congo (35/100), le Bénin (28/100), le Cameroun (11/100) et le Mali (07/100) et est à égalité de points avec le Tchad et la Côte d’Ivoire. Afin de renforcer davantage la participation du public au processus budgétaire, les experts estiment que la priorité devrait être accordée aux actions suivantes : la mise en place de mécanismes pilotes pour impliquer le public lors de l’élaboration du budget ; l’élargissement des mécanismes à l’exécution du budget, en associant toute organisation de la société civile ou tout membre du public qui souhaite y participer ; la participation active des communautés vulnérables et sous-représentées, soit directement ou par l'intermédiaire des organisations de la société civile qui les représentent.

Outre ces recommandations faites au ministère des Finances et du Budget, les experts ont aussi formulé des recommandations à l’intention de l’Assemblée nationale et de la Cour des comptes. De leur avis, l'Assemblée nationale devrait permettre aux membres du public ou aux organisations de la société civile de témoigner lors des débats sur la proposition de budget avant son approbation, tout comme lors des débats sur le rapport d'audit. A la Cour des comptes, ils demandent surtout ‘’la mise en place de mécanismes formels permettant au public de l'aider à développer son programme d'audit et de contribuer aux enquêtes d'audit nécessaires’’.

Sur le plan du contrôle budgétaire, le Sénégal est aussi à la traine, avec un score de 30/100. Selon l’EBO, ceci s’explique par le fait que le pouvoir Législatif et l'institution supérieure de contrôle des finances publiques exercent ensemble ‘’un contrôle faible du processus budgétaire’’. Pris individuellement, le degré de contrôle de l’institution supérieure de contrôle est évalué à 33 sur 100 ; 28 pour l’Assemblée nationale.

Il résulte de l’enquête que ‘’l'Assemblée nationale assure un contrôle limité pendant la phase de planification du cycle budgétaire et un contrôle non… pendant la phase d'exécution’’.

De fortes recommandations faites par les experts

Aussi, pour améliorer le contrôle budgétaire, les actions suivantes doivent être priorisées, selon les enquêteurs : l’examen, par une commission dédiée, du projet de budget de l'Exécutif et la publication en ligne des rapports contenant leurs analyses ; l’examen de l'exécution du budget en cours d'exercice et la publication des rapports avec ses conclusions en ligne...

L’EBO préconise, par ailleurs, de ‘’veiller à ce que le pouvoir Législatif soit consulté avant que l'Exécutif ne transfère des fonds entre les unités administratives spécifiées dans le budget adopté au cours de l'exercice budgétaire, avant qu’il ne dépense des recettes imprévues ou ne réduise les dépenses en raison d'un déficit de recettes…’’

En vue de renforcer l'indépendance et améliorer le contrôle par la Cour des comptes du Sénégal, les actions suivantes sont recommandées : ‘’Exiger une approbation parlementaire ou judiciaire pour nommer et révoquer le chef de l'institution supérieure de contrôle des finances publiques ; veiller à ce que les processus d'audit soient examinés par une agence indépendante. La pratique émergente consistant à créer des institutions budgétaires indépendantes.’’

Réalisée par l’Organisation internationale pour le partenariat budgétaire (IBP en anglais), l'enquête sur le budget ouvert est présenté comme le seul instrument de recherche indépendant, comparatif et factuel au monde qui utilise des critères internationalement reconnus pour évaluer l'accès du public aux informations budgétaires du pouvoir central, les possibilités formelles pour le public de participer au processus budgétaire national et le rôle des institutions de contrôle budgétaire telles que le corps législatif et l'auditeur dans le processus budgétaire. Elle est basée sur un questionnaire rempli dans chaque pays par un expert indépendant sur les questions budgétaires.

Pour le compte du Sénégal, des experts de l’ONG 3D ont participé à l’élaboration du rapport.

MOR AMAR

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