Publié le 12 May 2025 - 15:45
UEMOA

Quand la solidarité financière devient un rempart économique

 

Au cours de la semaine du 28 avril au 2 mai 2025, les émetteurs souverains de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont fait preuve d’un dynamisme remarquable sur le marché régional des titres publics. Pas moins de cinq pays — la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger et le Sénégal — ont levé un montant cumulé de 569,4 milliards de francs CFA, à travers des émissions nouvelles et des opérations de réémission dans le cadre de rachats de titres arrivés à maturité.

Cette activité soutenue reflète non seulement la confiance renouvelée des investisseurs dans les économies de la région, mais aussi l’efficacité d’un mécanisme financier régional unique en son genre. En effet, le marché financier de l’UEMOA est l’un des rares au monde à regrouper huit États partageant une même monnaie, le franc CFA, émis par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Ce dispositif confère aux pays membres un accès mutualisé au financement, renforçant leur capacité à mobiliser des ressources à des conditions plus favorables.

Au-delà de sa fonction purement financière, ce marché incarne une solidarité monétaire qui constitue le socle d’une solidarité financière régionale. Ensemble, ces mécanismes jouent un rôle de catalyseur dans le processus plus large de l’intégration économique de la sous-région. C’est là l’un des fondements de l’UEMOA : transformer une union monétaire en une véritable communauté économique, intégrée et interdépendante.

Dans un contexte marqué par les défis multiformes — insécurité, inflation, pression budgétaire —, cette intégration financière s’est révélée déterminante, en particulier pour les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Grâce à leur appartenance à cette union monétaire, ces pays ont pu continuer à accéder aux marchés financiers régionaux malgré les incertitudes politiques et les tensions sécuritaires. Cela leur a permis de financer leurs besoins urgents sans recourir massivement à des solutions de financement plus coûteuses ou plus incertaines.

Le cas de la semaine du 28 avril au 2 mai est à cet égard emblématique. Il illustre comment la stabilité monétaire offerte par la BCEAO, combinée à la mutualisation des risques sur un marché régional bien organisé, permet une résilience collective face aux chocs. Les États membres, en se finançant solidairement, renforcent mutuellement leur souveraineté budgétaire.

Envisager de créer une monnaie nationale dans ce contexte serait une perte et un recul dans le processus d’intégration économique que l’Afrique a engagé à travers la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et l’Agenda 2063 de l’Union africaine pour l’intégration économique et politique du continent. En effet, compte tenu des défis structurels du continent et des enjeux géopolitiques et économiques mondiaux, l’Afrique ne peut plus se permettre le luxe de la fragmentation. Ses petits États, isolément, ne seront plus viables dans le monde multipolaire actuel. C’est une unité économique et monétaire renforcée qu’il faut poursuivre, et non une dislocation hasardeuse des acquis collectifs.

À l’heure où certaines voix s’élèvent pour interroger la pertinence du franc CFA ou pour promouvoir des politiques de repli national, cette réalité économique doit être mise en lumière : la monnaie commune, loin d’être un frein, est un levier d’intégration, de stabilité et de croissance partagée. Elle permet d’amortir les chocs, d’améliorer la prévisibilité macroéconomique, et d'attirer des investisseurs régionaux et internationaux confiants dans la gouvernance commune du système.

La forte mobilisation sur le marché régional des titres publics au cours de cette semaine confirme donc une vérité économique essentielle : la solidarité monétaire bien pensée peut être un outil puissant de développement collectif, surtout dans un environnement international incertain. Ce modèle mérite d’être consolidé, approfondi et valorisé, au moment même où l’Afrique de l’Ouest réfléchit à l’avenir de son intégration monétaire et à l’éventuelle transition vers une monnaie commune plus largement adoptée, l’ECO.

Par Pr Amath NDiaye

Section: 
Après les 12 jours de conflit armé entre Israël et l’Iran : Mettre fin maintenant à plus de 75 années de conflits entre Israël et la Palestine. Pourquoi ? Comment ?
DETTE INTÉRIEURE
L'importance de la pension pour les retraités et la nécessité d'assurer son paiement anticipé et sans retard
L’Organisation des Journées d’Excellence et la relance du Sport scolaire dans les établissements du Sénégal : Un nouveau souffle pour nos écoles
EXECUTION BUDGETAIRE 2024 ET 2025 : L’ABSENCE D’INSVESTISSEMENTS CONDUIT A LA MORT DE L’ECONOMIE
24 novembre 2024-16 juin 2025 : En sept mois, deux Robert Bourgi, deux visages fort différents
AGENDA NATIONAL DE TRANSFORMATION, SÉNÉGAL 2050 ET DÉCENTRALISATION Le Délégué de quartier, pièce maitresse pour une meilleure adaptation aux réalités locales et une participation citoyenne optimale
Le Sénégal, havre de stabilité énergétique dans un monde en crise : Opportunités et défis face à la fermeture du détroit d’Ormuz
Rapports d'exécution budgétaire : Gap de recette, zones d’ombre, dépenses de confort et investissements oubliés
SENEGAL : LE REDRESSEMENT BUDGETAIRE, UNE URGENCE NATIONALE EN 2025
Analyse Exécution budgétaire T1 2025 – Sénégal
Le grand basculement : Du règne de la prédation à l’ordre du mérite
Politique carcérale et droits des détenus au Sénégal
Lettre ouverte à Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar Faye Président de la République du Sénégal : De la gestion désastreuse du foncier : Le dépeçage de MBANE continue avec l’agro-business  
GUY MARIUS SAGNA, LE COL BLEU DE L’HEMICYCLE
Conflits armés au Moyen Orient ou dans le monde : Quelles solutions durables de paix ?
Robert BOURGI, le cokseur qui l’a raté, avec les dirigeants actuels de notre pays
Le Sénégal va mal : Entre morosité et rhétorique politicienne
LE MONDE SE FERME : À l’Afrique d’ouvrir la voie
Quelle reforme pour le code du travail au Sénégal