Un Sénégalsans«kounkanderies»?Tu parles!
Ce que le Docteur Mohamed Sall dit dans sa tribune – intitulé « Le Sénégal et ses “kounkanderies” »- est en chacun de nous. C’est par une lutte opiniâtre nous opposant à nous-mêmes que nous arrivons à l’exorciser. À mon humble avis deux voies - l’une faisant appel à l’autre pour ne former qu’une seule - s’offrent à nous pour y arriver. La première voie se nomme « Démarche scientifique ». Quant à la deuxième, elle se décline ainsi qu’il suit : « Primat du défi intellectuel sur tous les autres défis (politique, économique, social, culturel et j’en oublie ». Qu’est-ce à dire ?
De la démarche scientifique
Opter pour une démarche scientifique à la place d’une autre suppose trois choses irrévocables :
1. Toujours conquérir les faits sur les préjugés réducteurs ;
2. Constater les faits conquis sur les prénotions ;
3. Construire les faits conquis par la pensée.
Lorsque les étapes 2 et 3 sont maintenues dans leur ordre d’arrivée, la méthode scientifique utilisée est dite inductive. Le père de la sociologie française, Émile Durkheim, auteur du Suicide, préféra cette méthode dans ses travaux. Beaucoup plus risquée, l’inversion de l’ordre d’arrivée des étapes 2 et 3 - la 3 avant la 2 - renvoie, elle, à la méthode déductive qu’un autre sociologue français, Pierre Bourdieu, auteur du Sens pratique, préféra à la méthode inductive.
Ce rappel didactique - insolite pour certains d’entre nous - n’est pas fortuit. Son caractère indépassable nous astreint à ne jamais sceller notre propre sort, celui d’un individu, d’un groupe d’individus ou de la société tout entière sans nous libérer des sentences toutes faites pouvant être dictées par des vidéos glanées dans les réseaux asociaux.
Sous le prisme d’analyse proposé par le Docteur Mohamed Sall, sceller son propre sort et celui de tous les autres signifie créditer n’importe quel escroc, extravagant et exubérant, d’un pouvoir surnaturel grâce auquel on emprunte les raccourcis vers la réussite sociale qui préoccupe le commun des motels bien plus qu’une autre.
La vulgarisation de la démarche scientifique nous aurait-elle éloigné de la déchéance collective ? Rien n’est moins sûr. D’où l’idée d’essayer avant qu’il ne soit trop tard en commençant par les familles en proie à toutes les formes d’agression contre lesquelles l’école n’est presque jamais prête à faire face.
Du primat du défi intellectuel
Pendant que la démarche scientifique nous éloigne de la déchéance individuelle et collective, le primat du défi intellectuel sur tous les autres défis nous aide à ne jamais troquer notre souveraineté contre celle d’autrui.
De tous les défis, le défi politique est celui auquel nous sommes confrontés toute notre existence durant. À titre d’exemple, le maintien, après janvier 2022, de la majorité actuelle à la tête des exécutifs locaux est un défi que l’opposition significative veut relever à n’importe quel prix. De nombreux leaders d’opinion l’y aideraient pour préparer avec elle le départ du pouvoir du président Macky Sall, oubliant que le défi intellectuel en la matière qu’il faut relever avant tout est l’élaboration d’un programme local alternatif et convaincant pour le plus grand nombre partout au Sénégal.
En faisant l’impasse sur ce premier défi, pour avoir fait fi de toute démarche scientifique pour 36 raisons infondées, le citoyen « avisé » promeut une « kokanderie » politicienne dont il se refuse en même temps à étudier l’impact négatif au cours des six prochaines années sur la vie des gens dans les villes et les campagnes.
Combien sommes-nous à vouloir remettre en cause notre fixation pathologique dans un domaine ou dans un autre en embrassant la science et en stoppant la désintellectualisation de toutes les séquences d’une vie ? Très peu selon toute vraisemblance. Et on s’étonne qu’un Kounkandé ait tenu en haleine tout un peuple au point de pousser le Docteur Mohamed Sall à forger le concept - « kounkanderie » - grâce auquel il construit, par sa pensée féconde, les faits hallucinants qui crétinisent toute une société.
Abdoul Aziz DIOP
Conseiller spécial à la Présidence de la République
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