Publié le 7 Apr 2025 - 09:59
Valdiodio Ndiaye à l'épreuve des options mémorielles des pouvoirs politiques

Pour une reconnaissance nationale à la hauteur de l’Histoire

 

Il est des silences de la mémoire collective qui interrogent. Et des oublis institutionnels qui finissent par ressembler à des choix politiques. À l’heure où chaque 4 avril, le Sénégal célèbre avec faste son indépendance sur un boulevard qui porte le nom de Mamadou Dia, une question fondamentale s’impose : pourquoi honorer un seul homme, là où plusieurs ont bâti ensemble les fondations de notre souveraineté nationale ?

Loin de toute volonté de minimiser le rôle du président Mamadou Dia – que l’histoire retiendra comme un pilier de la construction postcoloniale du Sénégal –, il est nécessaire, aujourd’hui plus que jamais, de questionner le monopole symbolique dont il jouit dans l’espace public. Le siège du gouvernement sénégalais, l’immeuble Mamadou Dia, constitue déjà une reconnaissance institutionnelle forte. Mais devons-nous ériger un seul visage comme étendard de l’indépendance, au détriment d’autres figures tout aussi emblématiques et méritantes ?

Parmi ces figures méconnues ou marginalisées, Valdiodio Ndiaye s’impose par la clarté de son engagement, la fermeté de ses convictions et la modernité de sa vision politique. Ministre de l’Intérieur à l’époque de la venue de De Gaulle au Sénégal, jeune, téméraire et audacieux, il fut l’un des rares à oser affirmer, sans ambiguïté ni calcul, l’aspiration du Sénégal à l’indépendance, face au général de Gaulle lui-même. Dans un discours resté trop peu cité, il martèle (à titre personnel, mais avec un poids institutionnel) l’objectif clair de la politique nationale : l’Indépendance, l’Unité Africaine et la Confédération.

Il faut souligner ici que ce mot, « Indépendance », Valdiodio Ndiaye ne l’a pas habillé d’euphémismes. Il l’a répété, martelé, assumé. Il n’a ni temporisé, comme d’autres, ni évité les risques politiques. Alors que Senghor et Mamadou Dia, dans leur rivalité larvée, hésitaient à franchir certaines lignes, lui, avec courage et lucidité, a choisi de parler vrai, de parler haut, de parler juste. Et c’est ce « parler-vrai » qu’il faut aujourd’hui honorer.

Car l’histoire ne saurait être réduite à une logique de pouvoir ou à des rapports de force mémoriels. Elle doit être un miroir de justice, un vecteur de vérité. Si nous voulons transmettre aux générations futures une image fidèle de la lutte pour l’indépendance, alors il faut replacer Valdiodio Ndiaye au cœur du récit national. Sa stature, son verbe, son engagement font de lui un véritable père de la Nation.

Pourquoi, alors, la place de l’Indépendance, ex place Protêt, ne porterait-il pas son nom ? Pourquoi cette absence de reconnaissance équitable ? Est-ce une simple négligence ou le symptôme d’un lobbying mémoriel sélectif ?

Il ne s’agit pas d’opposer les figures historiques, mais de les assembler pour mieux comprendre les strates de notre émancipation. L’indépendance ne fut pas l’œuvre d’un homme providentiel, mais celle d’un collectif de consciences éveillées. Et parmi ces consciences, Valdiodio Ndiaye mérite d’être cité, célébré, honoré.

En donnant son nom à un haut lieu symbolique de la fête nationale, comme la Place de l’Indépendance, dénommée, Place Valdiodio Ndiaye, le Sénégal adresserait un signal fort : celui d’une mémoire plus juste, plus inclusive, plus fidèle. Le temps est venu de réparer l’oubli.

Papa Mayoro THIAM

Principal de Collège d’enseignement moyen

smaniouxnioux@gmail.com

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