Le Sénégal inaugure l’ère des OGM

Le projet de loi n°08/2022 portant sur la biosécurité a été voté, hier, à l’Assemblée nationale. Le ministre de l’Environnement et du Développement durable a défendu le projet et expliqué les avantages et inconvénients de l’utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM).
La biotechnologie moderne, éprouvée à partir des années 1970, permet une modification directe du code génétique des organismes, afin de leur conférer de nouveaux caractères, généralement résistants aux maladies et/ou une amélioration des rendements, que l’évolution naturelle ou l’amélioration sélective ne pouvait pas produire. Les éléments issus de la biotechnologie moderne sont appelés ‘’organismes génétiquement modifiés’’ (OGM). Sur ce point, le ministre de l’Environnement et du Développement durable, qui défendait le projet de loi n°08/2022 portant sur la biosécurité qui a été voté à l’unanimité et sans débat par l’Assemblée nationale, avait précisé, lors des travaux de l’intercommission, que si les avantages des OGM sont mesurables et reconnus, leur utilisation, par contre, soulève, chez les populations, certaines inquiétudes quant aux risques réels ou potentiels qu'ils peuvent présenter pour l'environnement et la santé humaine ou animale.
Ainsi, Abdou Karim Sall avait rappelé qu'en faisant écho aux préoccupations de l'opinion publique, la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement, qui s'est tenue à Rio de Janeiro en 1992, admettait que la communauté pourrait tirer le maximum d'avantages des biotechnologies et serait à même d'en accepter les bienfaits et les risques éventuels, lorsque des procédures de sécurité et de contrôle transfrontalier satisfaisantes et transparentes auront été mises en place.
La Convention sur la diversité biologique, selon le ministre, adoptée à cette occasion, engageait, en son article 19.3, les États à examiner la possibilité de l'élaboration d'un protocole sur la prévention des risques biotechnologiques. C'est sur le fondement de cette disposition que des négociations ont été engagées et ont abouti à l'adoption, le 29 janvier 2000, du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatifs à la Convention sur la diversité biologique, avait-il renseigné. Dans ce cadre, il a informé que le Sénégal ayant signé et ratifié ce protocole, il lui revenait d'en traduire les stipulations dans son ordre juridique interne. C'est l'objet de la loi n°2009-27 du 8 juillet 2009 portant biosécurité au Sénégal.
Toutefois, avait-il précisé, le cadre juridique institué par cette loi s'est révélé prohibitif et, à plusieurs égards, incompatible avec les objectifs du Protocole de Cartagena. En effet, poursuivait-il, la loi n°2009-27 du 8 juillet 2009 précitée, en son article 18, par exemple, pose un principe général d'interdiction d'importer ou de mettre sur le marché des organismes génétiquement modifiés résultant de la biotechnologie moderne, susceptibles de provoquer une dégradation de l'environnement ou déséquilibre écologique ou de nuire à la santé humaine ou animale.
Cette disposition, avait-il souligné, outre qu'elle constitue un frein au développement des activités liées aux OGM, est difficilement conciliable avec le Protocole de Cartagena qui, au contraire, vise à ‘’assurer un degré adéquat de protection pour la manipulation, le transfert et l'utilisation sans danger des organismes vivant modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine’’. Il s'y ajoute, selon lui, que la loi n°2009-27 ne définit pas le régime de la responsabilité et de la réparation des dommages résultant de l'utilisation des OGM, établi par le Protocole additionnel de Nagoya Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, adopté le 15 octobre 2010, c'est-à-dire postérieurement à son entrée en vigueur.
Pour ces raisons, parmi d'autres, Abdou Karim Sall a indiqué qu'il apparait nécessaire d'abroger et de remplacer la loi n°2009-27 du 8 juillet 2009 portant sur la biosécurité au Sénégal par une nouvelle loi, apte à permettre au Sénégal, à la fois, de se conformer à ses engagements internationaux et de tirer le maximum de profits des avantages qu'offre la biotechnologie moderne.
Les rénovations et clarifications du régime juridique de la biosécurité
Le ministre a également annoncé que le présent projet de loi rénove et clarifie le régime juridique de la biosécurité. Il a clos la présentation de l'exposé des motifs, en indiquant que ce texte apporte, notamment, les innovations suivantes : l'introduction de nouveaux principes directeurs, la systématisation de la procédure d'évaluation et de gestion des risques, le renforcement des mécanismes d'information et de sensibilisation du public, la mise en place de procédures de sécurité différenciées selon le type d'OGM et selon l'activité envisagée, la consacrée du principe de la responsabilité pénale des personnes et l'introduction de nouvelles incriminations et le renforcement des sanctions pénales.
Prenant la parole lors des travaux de l’intercommission, les députés ont soutenu que le projet de loi permet au Sénégal de s'ouvrir aux innovations et à l'univers de l'intelligence artificielle, avec l'utilisation des OGM, tout en prenant en compte les impératifs de sécurité y relatifs.
En effet, selon eux, les OGM présentent, aujourd'hui, un enjeu mondial et sont, de plus en plus, utilisés dans des secteurs stratégiques et sensibles tels que l'agriculture, la chirurgie esthétique, ce qui fait peser un risque réel sur la santé publique. C'est la raison pour laquelle, il s'avère nécessaire, selon eux, d'adapter leur dispositif normatif interne aux conventions internationales relatives à la biosécurité auxquelles le Sénégal a souscrit.
A ce niveau, poursuivaient-ils, la démarche inclusive qui a prévalu, lors de l'élaboration de ce texte, a été particulièrement saluée, car, toutes les parties prenantes concernées, y compris les parlementaires, ont été associées à toutes les étapes du processus.
Mise en place d'une Autorité nationale de biosécurité (ANB) et un Comité national de biosécurité (CNB)
Sur l'aperçu concernant la gestion de l'utilisation des OGM au Sénégal, Abdou Karim Sall a rappelé que la loi n°2009-27 du 8 juillet 2009 sur la biosécurité, qui vise à assurer une utilisation adéquate des biotechnologies modernes, prévoit la mise en place d'une Autorité nationale de biosécurité (ANB) et d’un Comité national de biosécurité (CNB). Ce dispositif s'est, d’après lui, ensuite enrichi de l'adoption de deux décrets portant respectivement organisation, mission et fonctionnement de l'Autorité nationale de biosécurité (ANB) et du Comité national de biosécurité (CNB) qui comprend les structures de l'Etat et des entités de la société civile. À côté de ces organes, a-t-il ajouté, il est mis en place un Comité scientifique et technique et un laboratoire de référence.
Ainsi, il souligne que les OGM constituent, aujourd'hui, une réalité à l'échelle mondiale et le Sénégal doit encadrer son utilisation pour en tirer un meilleur profit, en se conformant aux normes et principes prévus par les conventions internationales y relatives.
CHEIKH THIAM