Publié le 20 Jul 2021 - 02:47
YOUSSOU NDIAYE, ANCIEN MAGISTRAT ET ANCIEN INTERNATIONAL DE FOOTBALL

Plus ‘’Juste’’, plus ‘’Vrai’’, plus ‘’Sport’’ 

 

 
La disparition de l’ancien président du Conseil constitutionnel et ancien sportif et dirigeant émérite Youssou Ndiaye, à l’âge de 83 ans, a plongé la magistrature et le monde sportif dans un profond émoi. Tous ont salué un homme passionné de sport, épris de justice et grand défenseur de Dame Justice qui, dans les heures les plus sombres de notre République, aura maintenu le cap pour l’émergence de notre démocratie.
 
 
Parfois, il suffit de peu de choses pour faire pencher le destin d’un homme. La forte présence de gendarmes devant le domicile de Youssou Ndiaye, alors Président du Conseil constitutionnel en ce mois de mai 1993, aurait dissuadé la bande des ‘’trois’’ : Amadou Clédor Sène, Ibrahima Diakhaté et Assane Diop de passer à l’acte et de porter atteinte à la vie du célèbre magistrat. Dans un contexte post-électoral très tendu (NDLR : proclamation des résultats des Législatives de 1993), ces ‘’calots bleus’’ pleins de culot finiront, en cet après-midi du 15 mai 1993, par se porter à la hauteur de la voiture de son adjoint, Me Babacar Sèye, Vice-Président du Conseil constitutionnel, avant de décharger une salve de plombs meurtrière qui laissera inerte le corps sans vie du magistrat sur la corniche-Ouest.
 
Dans son livre intitulé ‘’Sénégal Affaire Me Sèye : un meurtre sur commande’’, le journaliste Abdou Latif Coulibaly renseigne que, lorsque le président du Conseil constitutionnel a démissionné, il fut remplacé par le juge Youssou Ndiaye ; Abdoulaye Wade craignait que ce dernier n’annule toute victoire de son parti. Par conséquent, il aurait dit aux accusés (NDLR : Amadou Clédor Sène, Ibrahima Diakhaté et Assane Diop) de l’assassiner. Après avoir déterminé que l’assassinat de Youssou Ndiaye n’était pas réalisable, du point de vue logistique, ils ont décidé de prouver leur loyauté au président Wade, en tuant l’adjoint de Youssou Ndiaye, Maitre Babacar Sèye, peut-on lire dans l’ouvrage.  
 
Cette histoire sera marquée à jamais du sceau de l’infamie dans la mémoire collective des Sénégalais. Des souvenirs qui marqueront aussi à jamais cet octogénaire passionné de justice et de sport. Le président Macky Sall s’est fendu d’un tweet pour lui rendre hommage ‘’au magistrat intègre et respecté ainsi qu’au sportif de renom qui a occupé de hautes fonctions dans l’administration du sport’’, affirme le chef de l’Etat. 
 
Elève studieux et footballeur accompli
 
Mais tel un chat qui a mille vies, l’existence de ce fils d’un ancien chef de canton né en 1938 s’est d’abord écrite autour de l’école primaire de Saint-Louis, les cours à l’école coranique juste derrière sa maison et les terrains vagues de son quartier de naissance de Santhiou Kaw à Saint-Louis. Très doué sans vraiment être un surdoué, Youssou Ndiaye a intégré rapidement les cours à l’école normale William Ponty de Sébikhotane des l’âge de 15 ans. ‘’Youssou était un enfant discret et très studieux à l’école. C’est un homme fidèle en amitié qui, malgré les honneurs et les nominations dans les plus hautes instances de la justice, a toujours maintenu des liens avec ses amis d’enfance’’, raconte un voisin de quartier, El Hadj Abdoulaye Sow.
 
Dans cet exil loin de son Saint-Louis natal, Youssou se console en travaillant sa technique, sa vélocité et son adresse devant les buts. Ce travail ne passe pas inaperçu aux yeux des recruteurs de joueurs de football à l’Union sportive goréenne. Il jouera six saisons (1953-1959) dans ce club fanion de l’ile de Gorée. De retour à Saint-Louis, parallèlement à ses cours au lycée Faidherbe, Youssou n’hésite jamais à taper dans la balle à la moindre occasion, au grand bonheur des fans de son équipe de quartier dénommé Excellence au sein des championnats populaires ‘’navetanes’’ ou de l’équipe du club la Saint-Louisienne en 1960. Ce jeune homme issu d’une famille polygame éclaboussait de son talent et sa bonne vision du jeu sur les pelouses sablonneuses de la capitale du Nord.
 
Entre-temps, cette terreur des surfaces de réparation décroche son baccalauréat au lycée Faidherbe de Saint-Louis en 1959. Chevalier dans l’âme et désireux de lutter contre toute forme d’injustice, Youssou Ndiaye s’inscrit à la faculté de droit de l’université de Dakar d’où il obtiendra une Licence en droit privé en 1964. Il rechausse les crampons pour toujours faire les beaux jours de son ancienne équipe l’Union sportive goréenne (1960-1963). Ses performances sportives lui valent la sélection dans l’équipe nationale du Sénégal, lors des Jeux de l’Amitié en 1963 à Dakar. A côté des Malick Sy ‘’Souris’’, de Bouba Diakhao, il inscrit le but le plus rapide l’histoire de l’équipe nationale, à la 1ere mn de la rencontre contre la France, en demi-finales de cette compétition. Il remportera la médaille d’or devant la Tunisie en finale au Stade Demba Diop en 1963. Il termine meilleur buteur de la compétition avec 6 buts sur les 12 inscrits par son équipe.
 
Diplômé en droit, il s’envole pour l’Hexagone, précisément à l’université de Bordeaux et de Paris où il poursuit ses études en sciences juridiques.
 
Juge intègre et dirigeant infatigable du sport sénégalais
 
A son retour à Dakar, il intègre la magistrature et devient vice-président puis président (1976-1984) du tribunal de Dakar jusqu’en 1984. Très apprécié de ses collègues pour sa discrétion et sa rigueur, il devient aussi membre du Conseil supérieur de la magistrature. Il gravit rapidement les échelons de la haute magistrature. De ce fait, Il est nommé premier président de la Cour d’appel en 1991, puis de la Cour de cassation, l’année suivante, avant de finalement présider le Conseil constitutionnel en 1993.
 
‘’C’est un homme d’une discrétion et d’une grande probité morale dans son travail de magistrat. Je suis certain que si son frère venait à violer la loi, il n’hésiterait pas à le sanctionner’’, déclare toujours El Hadj Abdoulaye Sow. Les fracas des balles qui allèrent faucher son ami et compatriote ‘’saint-louisien’’ ne le dévient pas de sa volonté de servir Dame Justice. Il sera en première ligne lors des dialogues autour du Code consensuel de 1992 et de l’Alternance en 2000. 
 
Après s’être opposé au début des années 90, Youssou Ndiaye va retrouver le ‘’Pape du Sopi’’ qui le place à la tête du ministère des Sports (2002-2005).
 
Au final, ce croyant dévoué à la foi islamique n’aura su jamais choisir entre son amour pour Dame Justice et sa passion de l’effort et du dépassement de soi qu’incarne le sport. Après la fin de sa carrière de footballeur, Youssou Ndiaye s’empresse de troquer ses crampons pour des chaussures de ville plus adaptées aux salons cossus de la Fédération sénégalaise de football dont il va assurer la présidence de 1986 à 1988. Il devient dirigeant et prend les rênes de son club de ‘’cœur’’ l’Union sportive goréenne (1986-2002), puis président d’honneur du club depuis 2002.
 
Du ballon rond à la petite balle jaune, Youssou Ndiaye n’aura à franchir qu’un seul filet et se retrouver à la tête de la Fédération sénégalaise de tennis, de 1983 à 1986, avant de céder aux sirènes de l’Olympisme. L’éthique sportive et de travail chevillé au corps, il intègre le Comité international olympique, de 2002 à 2008, et devient président de la Commission d’éthique (2007-2015), puis président élu par la session de la Commission d’éthique du CIO (2015-2017). ‘’L'homme était un sportif accompli. Pratiquant, international, président de club, président de fédérations (football, tennis...), membre du Comité international olympique, ministre, il a été de tous les grands combats pour le développement du sport dans notre pays’’, a fait savoir Matar Bâ, Ministre des Sports.
 
Mahfouz NGOM

 

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