Publié le 26 Jan 2013 - 09:37

D’allié à ennemi !

 

 

À aucun moment, nous n'avons remis en cause la solidarité que nous développons avec des camarades de luttes, des camarades qui placent la construction d'un rapport de force social bien avant les considérations liées à la stratégie électorale. Nous sommes parfois des allié-e-s face à un ennemi commun, mais nous nous devons de ne pas sombrer dans une complaisance artificielle les un-e-s par rapport aux autres. Nous avons deux conceptions fondamentalement différentes de la stratégie et des objectifs révolutionnaires liées à nos actions, ainsi que de l’autonomie de « Y’en a Marre ». Donc OUI pour «frapper ensemble» encore et «marcher séparément» mais tout en se critiquant ouvertement!

 

Les partis politiques sénégalais devront changer de méthodes s’ils veulent survivre. De plus ces mouvements en tant que tels peuvent continuer à être des alternatives politiques, car il y a assez de place ici pour une imagination et créativité adaptées à notre histoire, notre culture et notre environnement spécifiques. Ces mouvements devront continuer à nous montrer quels sont les nouveaux moyens à mettre en œuvre pour faire la politique. Voilà le défi théorique et pratique qu’il faut relever pour que les mouvements sociaux et politiques indépendants actuels ne dépérissent pas, ne soient pas absorbés par des partis, tel que cela se produit, mais qu’ils puissent poursuivre, encore longtemps, leur existence vigoureuse et fructueuse comme acteurs-clés des développements historiques. Ils sont la partie saine de notre tissu social déliquescent. Notre futur en tant que nations et peuples dépend d’eux dans une large mesure

 

Une des caractéristiques du mouvement « Y’en a Marre » est justement le caractère corrosif de son contenu politique. Qu’il ne soit pas porteur, en tant que tel, de perspectives de changement de société, de changement politique, qu’il n’ait pas un chapeau de programme de transformation sociale, n’empêche nullement une radicalité de contenus, radicalités portées par des mouvements réels, des mouvements sociaux présents en son sein. Et justement, c’est une donnée des mouvements sociaux actuels, il n’y a pas d’auto-limitation de la revendication dans sa partie compatible avec le « politiquement possible », ce qui l’amène vite en opposition avec les orientations réformistes classiques qui finalement ne remettent pas en cause l’ordre des choses.

 

 

L’autre caractéristique, liée à la précédente, est évidemment la méfiance salutaire vis à vis des partis politiques en ce qui concerne les questions de pouvoir. Les expériences passées, amènent à une grande méfiance envers les mécanismes de délégation politique, dans lesquels, par enchantement, les intérêts des exploités, des opprimés disparaissent vite au nom des logiques de pouvoir, des logiques bureaucratiques et technocratiques, des compromis avec les puissances financières et industrielles. Les populations, comme une série de mouvements sociaux, sont moins enclines que par le passé à faire confiance aux « grands partis », à l’attente des « lendemains qui chantent » et la baisse de crédibilité de nombreux partis politiques au SENEGAL, vient de ces expériences et d’une prise de distance salutaire. A travers cela, il y a une profonde exigence de démocratie. D’une démocratie qui ne s’arrête pas à un bulletin de vote, mais qui s’exerce au quotidien pour les choix essentiels qui concernent la population. En cela, le mouvement « Y’en a Marre », comme une série de mouvements sociaux nationaux qui en sont partie prenante aiguillonnent, questionnent les organisations politiques.

 

Donner du sens c’est aussi donner de l’espoir, pousser jusqu’au bout la dynamique, en étant persuadé de ce qu’elle est porteuse de changements fondamentaux, et ne pas seulement se situer en critique spectatrice. Ce rôle n’est pas celui d’une « avant-garde » politique, se considérant aujourd’hui comme chef naturel du mouvement, et demain comme chef naturel d’un nouveau pouvoir. En cela le mouvement « Y’en a Marre » est vivifiant dans ses exigences de contrôle, tout en comprenant bien que même dans ce mouvement, les phénomènes de délégation, d’absence de démocratie, de compromis de couloir peuvent être présents à chaque étape, comme dans tout autre. Il faut rouvrir ces débats, pour comprendre que l’exigence de démocratie présente dans les mouvements actuels va de pair avec l’exigence anti-bureaucratique qui doit guider des révolutionnaires. Celle-ci n’implique pas seulement de veiller au multipartisme, à l’exigence d’élections libres. Elle suppose surtout l’existence et la reconnaissance de l’organisation permanente de la société par la population elle-même, organisée pour pouvoir être maître des choix décisifs.

 

Les contre-pouvoirs peuvent exister dans tous les lieux de vie et d’activité des classes dominées : lieux de production, quartiers, lieux de formation. Ils prennent aujourd’hui la forme de syndicats et associations de lutte, comités de quartier indépendants, etc. L’essentiel est le caractère de masse et de classe de ces contre-pouvoirs. « De classe », c’est-à-dire organisant des salarié-e-s n’ayant pas de contrôle ni en amont ni en aval sur l’objet de leur production ; « de masse », c’est-à-dire organisant ces salarié-e-s sans préjuger de leurs options idéologiques, sur la seule base de leur revendications communes. Ces contre-pouvoirs sont l’outil essentiel pour mener les luttes sociales d’aujourd’hui. Nous souhaitons qu’ils soient l’embryon du double pouvoir de demain et du pouvoir populaire d’après-demain.

 

Patrice SANE

Convergence des cadres républicains (CCR/APR)

 

 

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