A l'heure des pièces en mal planche de salut
A l'heure de célébrer aujourd’hui la Journée internationale du théâtre, des acteurs, dont le prix Nobel de littérature, Dario Fo, pointent les maux du quatrième art.
L’artiste, compositeur, metteur en scène et comédien italien, Dario Fo, a le privilège d’écrire cette année le message international de la Journée internationale du théâtre, célébrée aujourd'hui. Dans son discours, le prix Nobel de littérature (1997) parle du manque d’infrastructures culturelles pouvant permettre le développement du quatrième art.
''Les acteurs et les troupes peinent aujourd’hui à trouver places, théâtres et public ; tout cela à cause de la crise'', déplore l'Italien. ''Les gouvernants n’ont plus à se préoccuper de contrôler ceux qui s’expriment avec ironie et sarcasme car les acteurs n’ont plus ni espaces, ni parterres à qui s’adresser'', a-t-il ajouté. Une situation bien connue sous nos tropiques. ''Les espaces d’expression ont toujours posé problème'', a renchéri le comédien Ousseynou Bissichi, interrogé par EnQuête. Le metteur en scène du théâtre national Daniel Sorano, Jean Pierre Leurs, d'enfoncer le clou : ''Je ne parle même pas de Dakar mais il n’y a rien dans les régions à part les centres culturels régionaux et ils n’ont pas de moyens''. C’est dire que la politique culturelle pose problème au Sénégal.
''On répète une pièce pendant longtemps pour ne la jouer que 2 ou 3 fois. Une fois à Sorano, une au Grand-Théâtre et une fois à Blaise Senghor'', grimace le comédien Kader Diarra alias Kader Pichinico. Les infrastructures culturelles pouvant accueillir des spectacles de théâtre se résument ainsi à ces trois espaces et, dans une moindre mesure, la maison de la Culture Douta Seck. Encore que le Grand-Théâtre est réservé aux spectacles de grande envergure. ''On a bien envie de tourner et de jouer mais certains lieux existants ne peuvent ni accueillir le décor, ni assurer la lumière, etc'', se désole Kader. D'après lui, les gouvernants ont raté une belle occasion d’offrir aux arts plus d’espaces d'expression. ''Je croyais que les salles de cinéma fermées allaient être muées en lieux culturels. Mais on les a transformées en centres commerciaux'', s’étrangle Ousseynou Bissichi.
Pourtant, en dépit de ce manque notoire d’infrastructures, les troupes pullulent et le nombre de comédiens croît de jour en jour. Pour M. Bissichi, ''c’est bon signe que les artistes s’intéressent au théâtre''. Jean Pierre Leurs est, en revanche, d'un tout autre avis : ''Il y a des gens qui jouent dans les dramatiques mais le théâtre, c’est sur les planches. Cela peut choquer, mais pour moi les vrais comédiens sont à Sorano. C’est ceux qui ont suivi une formation qui sont des comédiens'', soutient-il. Kader Diarra d'ajouter que ''ceux qui veulent embrasser ce métier doivent suivre une formation''. Mais où ? Car la section ''Art dramatique'' de l’École nationale des arts (Ena) n’est plus fonctionnelle depuis belle lurette. ''Il faut rouvrir la section Arts dramatiques de l’Ena, à défaut, l’État doit organiser des stages de formation pour ceux qui en ont besoin'', pense Kader Diarra, estimant que cela permettrait de professionnaliser davantage le métier et de pouvoir l’exporter.
Célébrer la Journée, mais comment ?
Le Sénégal, à l'instar du reste du monde célèbre la Journée internationale du Théâtre. Mais la formule, consistant en l'organisation d'exposés et conférences, fait débat. ''On doit discuter avec les acteurs du quatrième art. Comme ça pendant cette journée, on peut exposer sur différents sujets avant les prestations, indique Kader Diarra. Pour sa part, Jean-Pierre Leurs estime qu'''il faut, de manière beaucoup plus décisive, que cette journée permette de relancer le théâtre''. ''Les artistes comédiens doivent s’exprimer à travers leur art. Des prestations doivent être faites par-ci et par-là'', suggère Bissichi. Mais encore où ? Cela a tout l'air d'une artistique quadrature du cercle...
BIGUÉ BOB
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