La Seconde Alternance telle qu’en elle-même
Briser la Société d’Accaparement et, subséquemment, réduire la classe politique traditionnelle qui l’aura couvée depuis son enfantement sous Senghor, son adolescence sous Abdou Diouf jusqu’à sa phase de délinquance économique et financière caractérisée sous Wade, telles sont les tâches principales de la Seconde Alternance, tâches qui nécessitent un Appel direct au peuple lato sensu, aux élites et aux patriotes des villes et des campagnes comme de l’émigration, y compris les chefs spirituels, religieux et coutumiers tout comme les hauts fonctionnaires restés encore fidèles à leurs sacerdoces de servir et non de se servir.
De toute autorité, le déclin des mœurs, les progrès du vice et la mise en accusation de la vertu par les tribunaux du crime et les opérateurs politiques de la Contre-réforme relayés par les juges d’instruction du libertinage et de la concussion, tout cela disons-nous, a créé les conditions suffisantes pour un examen d’ensemble mais pacifique, du parcours social et politique du pays, à l’effet de formuler et de conduire les réformes que la démocratie devrait pouvoir prendre en charge au moindre coût, avant que les méthodes dirigistes et autoritaires que tout un chacun subodore, ne se disposent à tenter leur chance.
Si la réformation par la démocratie ne marche pas, ou si le peuple lassé d’attendre les actes, les mesures et les fruits de la Seconde Alternance, arrêtait d’y croire, - la chose est pourtant assez claire -, la Révolution sera la seule parade de la Nation. Que cette dernière puisse se révéler coûteuse, qui en doute ? Mais la question n’est-elle pas précisément de savoir comment réussir – pendant qu’il en est encore temps – grâce aux méthodes démocratiques, citoyennes et républicaines qui ont fait leurs preuves chez nous depuis la nuit des temps, ce que les révolutions réussissent en peu de temps, mais avec bien des sueurs et des larmes, en tous les sens ; sans compter les dérapages éventuels et les excès quasi inévitables.
Aussi le creusement continu de l’écart entre les classes et les groupes de revenus, les villes et les campagnes, la façade atlantique et les régions périphériques non maritimes, les milieux urbains et les pseudo banlieues, l’accaparement foncier illégitime et le rapport qu’il soutient avec l’insécurité sociale et la violence urbaine ou rurale, est-il la matrice de germination de pathologies sociales qui ont ruiné plus d’une nation en Afrique de l’Ouest, de la Côte d’Ivoire au Mali, en Mauritanie et Guinée-Bissau et en Gambie. Ajoutez à toutes ces données incontestables les pratiques dysfonctionnelles ainsi que les attitudes préoccupantes et les options discutables, notamment dans les questions relatives à la jouissance du Pouvoir, de l’Argent et/ou de la Femme, et vous aurez en toute beauté les mécanismes et les ressorts de production et de reproduction des entropies sévères qui menacent nos existences collectives ; et avec ceci, la perte de repères pour les jeunes et les femmes, la déprime dans les villes et l’effondrement programmé du monde rural, plus la faillite du paysannat et la ruée desdits Ambulants vers les cités dortoirs et les banlieues surpeuplées.
Moyennant quoi, il est de la plus haute instance : -1. D’Analyser sur le fond autant que la forme, ce qui préoccupe la société en ce moment, et -2. De Subvertir au sens littéral du terme, c’est-à-dire attaquer à la racine, ce qui nous fait à la fois mal (gaañ) et honte (rus), en l’occurrence notre ancienne éthique de victoire en pleine décomposition (jikko juy réer), sous les coups de boutoir d’une mondialisation à marche forcée, à la fois anarchique et perverse relayée par des forces de réaction sur toute la ligne.
De fait, les réformateurs sociaux n’ont nulle vocation de plaire ou de dénigrer, de cultiver l’esprit courtisan ou de favoriser les pratiques laudatives en vogue, mais bien plutôt de présenter à la Société comment elle fonctionne et de la rappeler à ses devoirs vis-à-vis d’elle-même, comme par le passé et le présent, et sans doute, dans le futur.
De MM. de Voltaire et Jules Ferry à Kocc et Thierno Souleymane Baal
De la première à la Seconde Alternance, l’esprit public est passé de M. de Voltaire à Thierno Souleymane Baal, faisant des héritiers sénégalais du Siècle des lumières et de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, les orphelins du monde nouveau qui s’est présenté au Sénégal et à la sous-région ouest-africaine sous la figure du rite sacrificiel de Mamadou Diop, grâce à la jonction de l’éthique de combat pied à pied pour la République avec l’Esprit de foi ardente dans une Citoyenneté conçue comme un contrat social nouveau entre les Hommes pleinement égaux entre eux mais solidairement soumis à Dieu considéré comme autorité morale supérieure transcendante ; une jonction symbolisée par un registre fusionnel inédit : L’Appel à la prière du Vendredi 24 janvier 2011 sur la Place même de l’Obélisque, suivie de la tenue de la première assemblée démocratique de la nouvelle république, avant le Rappel à Dieu du jeune muezzin prodige de 32 ans à la tombée de la nuit du jeudi 30 janvier ; au nom du Peuple, de la République et de la Foi, à la suite – on s’en souvient - de l’assaut des forces répressives de Wade contre l’esplanade de la désormais Place des Martyrs de la Seconde Alternance.
La différence entre les deux Alternances réside ainsi dans les sources d’inspiration autant que les modèles de l’action : Démocratisme laïciste antireligieux de tendance européocentrique d’un côté, et prise en compte des valeurs endogènes et des principes éthiques, moraux, philosophiques et religieux islamiques, chrétiens et traditionnistes des terroirs et des pays profonds, de l’autre.
Ainsi, si les premières républiques, de Lamine à Senghor et Dia, et de Abdou Diouf à Abdoulaye Wade, avaient été conçues dans les moules et les patrons des constitutions françaises, canadiennes ou américaines, sous la guerre froide, à l’entame de la nouvelle république qui avait pris forme à l’Obélisque, c’étaient les exigences de Revitalisation morale et de rédemption économique et stratégique qui donnaient le ton, et avec ceci, la convocation des traditions et des croyances, de la Foi et des valeurs du pays pour surmonter le décalage entre les démocraties d’emprunts et le mimétisme institutionnel qui leur correspond, seul moyen avait alors pensé le peuple en mouvement, d’enrayer la banqueroute éthique et morale qui après avoir gagné les élites scolaires et universitaires et pris ses quartiers dans la fonction publique, frappait à la porte de l’esprit public dans son ensemble à commencer par les groupes les plus sensibles, en l’occurrence les jeunes et les femmes sollicités âprement par les appareils idéologiques inter-états de la dernière mondialisation, singulièrement en matière de valeurs, de religion et d’éthique, sans parler des questions d’emploi et de crise aigüe de l’école et de l’éducation, de l’Université, de l’entreprise et de la famille.
Partant, et ce, contrairement au matérialisme débridé de la première Alternance dont la phase héroïque et romantique débuta par les fameux scénarios de « partage du gâteau » au sein du FAL et s’acheva par les non moins célèbres conflits fratricides et parricides (?) entre « bandits » (sic !), quant au sort à réserver au « butin » (resic !), un matérialisme de type athéiste, sans freins ni rivage ou transcendance autre que le libre-arbitre des impétrants, etc. ; en revanche, dans la Seconde, la question de l’Ethique revint en force comme pour fixer les règles nouvelles de l’action citoyenne ; un changement d’état d’esprit qui mit ainsi directement les appareils politiques et leurs séquelles médiatiques, patronales ou syndicales, sous contrôle citoyen, grâce à la formation d’une conscience collective mutante, revigorée par ses victoires sur le terrain, en particulier durant les journées de Juin 2011, une conscience collective décidée à tourner la page, quoiqu’il pût lui en coûter.
Ce n’est donc pas un hasard si aussitôt installés Wade et Cie tournèrent leurs regards vers les caisses du trésor et le cadastre, démontrant si besoin en était encore la préoccupation majeure du nouveau régime et les aspirations secrètes enfouies jusqu’ici dans les idéologies libérales et gauchistes, libertaires et oppositionnelles, dont la Coalition avait terrassé un Diouf coupé du peuple par des caciques dont il avait renoncé à se séparer pourtant (sic !), arguant qu’il ne voulait pas couper les branches sur lesquelles il était assis (resic !). Et pour cause ! Les vieilles branches, elles, n’avaient pas hésité une seule fois, qui rejoignirent Wade bien avant que la chute de Diouf ne fut consommée ; d’Ablaye Diack le parrain de Kaolack à Me Mbaye Jacques Diop le Citoyen rufisquois des 4 Communes de plein exercice, pour ne citer que les cas les plus spectaculaires.
Si Njombor avait aussi brutalement opposé une fin de non recevoir à la lutte contre les progrès de l’Accaparement que Diouf avait tenté de freiner, à défaut de l’éradiquer, avec sa fameuse Cour de répression l’enrichissement illicite, au début des années 80, avant que d’y renoncer subrepticement, au regard des résistances multiples que l’on sait, c’est parce que l’Accaparement était devenu la nouvelle religion du Sopi triomphant. La suite est connue : le travail d’amateur des Socialistes et des Gauchistes du Pôle du Gauche (Première génération) fut remplacé dans ce domaine par le professionnalisme du PDS en matière de pillage des deniers publics ainsi que par son expertise redoutable quant au siège en règle du trésor public, compétence extrême dont le Maître du Ciel et de la Terre demeure l’expression jamais égalée jusqu’ici en termes de boulimie financière, fiscale et foncière, etc.
Aussi, la CREI, entrée en hibernation sous le régime socialiste, ne fut-elle tirée de son profond sommeil que par les coups de semonce des marches, des meetings et des combats de rue qui vont du 23 Juin 2011 au 25 mars 2012 avec, comme conséquence, le choix des électeurs en faveur du Yoonu Yokkuté en lieu et place de la prose des Assises Nationales de l’ex-Opposition à Wade, figurée par l’ex CA 2000 du Président Niasse, la séquelle du Socialisme senghorien/dioufiste drivé par Tanor, le Pôle de Gauche communiste révolutionnaire (AJ, PIT, LD), au grand dam du néo-libéralisme orthodoxe rewmiste d’Idrissa Seck et des sociétés civiles et/ou mouvements citoyens : aliounetinistes, amsatistes, gadiobistes, mameadamagueyistes, pendambowistes, latifcoulibaliyistes, mamadoulaminejallistes ou ibrahimafallistes pourtant promues par les sondages d’internet et les bureaux d’études – disait-on, à un bel avenir électoral qui se révéla cependant cauchemardesque au lendemain du 19 février 2012.
Si Macky est sorti au premier tour face à Wade, à la tête de son Armée de « Petits poucets » (la Coalition Macky 2012 en l’occurrence), face aux poids lourds des Assises Nationales (Amadou Moctar Mbow, Mamadou Lamine Loum, Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, etc.), sans oublier le président Idrissa Seck et les grosses légumes du Sopi avec le PDS, ce n’est pas en vertu de son seul charisme ni du Plan Yoonu Yokkuté, mais d’abord et avant tout par la rupture d’ordre stratégique qu’il affiche par rapport à l’ancienne classe politique enfoncée dans le matérialisme politique des Assises Nationales, le libéralisme capitalistique intégral d’Idrissa Seck et les messianismes occidentalocentriques des sociétés civiles, des mouvements citoyens militants, des droits de l’hommismes de toutes sortes et en tous genres, en lesquels se partagent les diverses fractions de l’ex-Opposition à Wade.
Manifestement, et à l’analyse, ce qui a fait la différence, outre les profils et les itinéraires des parties en présence, c’est la jeunesse née après les Indépendances qui en l’espace d’un siècle n’avait connu que les Plans d’Ajustement Structurel, la crise scolaire et universitaire, le sous-emploi, la vie chère, les crises combinées de la famille, de l’école et de l’entreprise, la déprime et le désœuvrement, le barça ou barsaq, etc. ; au même moment où la classe politique traditionnelle, toutes tendances confondues - ne proposait pour tout programme que les copier-coller et les pseudo-programmes d’austérité budgétaire et autres, des partenaires bilatéraux et multilatéraux (BM, FMI, UE, OCDE) qui achevaient de plonger la nation entière dans la déprime la plus aigüe et la crise des valeurs la plus sévère.
Or donc, qui ne l’a pas eu ne l’a pas mérité ! Ce que Macky aura offert de plus que les anciennes antiennes, c’est bien la rupture (jallarbi) et le changement (Sopi), le moom sa réew, la solidarité sociale ( la CMU et les Bourses familiales) et la redistribution des revenus ( « traque des biens mal acquis ») et la Réforme foncière, l’aménagement du territoire et le désenclavement des régions périphériques par l’exploitation des phosphates de Matam, l’exploitation des Mines de fer de la Falémé et la moralisation de l’usufruit des mines d’or de Sabodala, c’est-dire quant au fond, une Voie du Développement et du Progrès (Yoonu Yokkuté) fondée sur le réarmement stratégique du pays, en commençant par la question des questions : Celle de l’Etat et de la Morale publique, celle des Vertus publiques et de l’Ethique collective, singulièrement en termes de Justice et de lutte contre l’Impunité.
Macky Sall et l’esprit spécifique de la Seconde Alternance
Si Macky avait enfourché le canasson de la pensée politique bourgeoise occidentale, laquelle de Blaise Diagne à Abdoulaye Wade, avait encadré invariablement les idéologies et les messianismes comme les utopies au sein d’une classe politique coupée de ses racines négro-africaines et de l’éthique spécifique des sociétés ouest-africaines, il aurait seriné les matières usées des bailleurs et les rodomontades des fonctionnaires onusiens ou de l’UE, ou encore les schémas prêt-à-porter des experts de la Maison Blanche et du Pentagone, de France ou d’Angleterre et d’Allemagne, laissant en l’état les aspirations populaires, qui auraient sans doute emprunté d’autres canons.
Par suite, si son Message a été entendu au-delà de son Parti, par les énergies en mouvement d’une société en pleine mutation, c’est qu’il avait vibré à l’unisson avec les aspirations d’un peuple qui ne se retrouvait plus dans les fadaises d’une classe politique qui était devenue, ni plus ni moins, le Problème du Pays e et non la Solution. Là est le premier acte de la nouvelle république, lorsqu’elle eut fini de réunir les conditions pour choisir librement entre les options en présence, non sans avoir remis à leur place les partisans du Boycott, puis du Report des élections présidentielles et du prolongement du mandat de Wade, ou encore de la mise sur pied d’un Gouvernement de Transition sur les modèles guinéen et nigérien ! Avec qui plus est – ne riez pas ! - la mise sous tutelle du Sénégal par l’ONU et la supervision d’élections futures dans notre pays par Obasanjo et la CEDEAO, Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Boni Yayi (Bénin) !
Encore qu’il n’ait pas été suffisant pour Macky d’avoir proposé un contrat citoyen original fondé sur les valeurs démocratiques et républicaines comme base de refondation de la République pour remporter la palme. Il aura fallu encore une deuxième condition indissolublement liée à la première : la reconnaissance expresse du Contrat de foi et d’éthique qui traverse de part en part le projet de nouvelle république, et par suite, procure à cette dernière les fondements moraux et spirituels orientés vers l’Universel, mais enracinés dans les cultures et les terroirs ; un contrat de foi et d’éthique, qui plus est, trempé dans l’encre rouge du sang de Mamadou Diop et Cie. Dès lors, il ne s’agissait plus d’idéologies citoyennes et droits-de-l’hommistes importées d’Amérique ou d’Europe, à la Rousseau et Voltaire ou Victor Hugo et Georges Washington, mais de l’esprit spécifique des sociétés négro-africaines de l’Ouest africain, composé de Fulla, de Jom et de Fayda, autant qu’il demeure inspiré par l’islamisme républicain et militant de Thierno Souleymane Baal, universitaire et penseur, conducteur et stratège de la première révolution d’ampleur qui, sous nos latitudes, engloutit, pour le refaçonner sous la forme d’un Etat égalitaire et démocratique, tout le système des inégalités sociales héréditaires qui avait duré près de 300 ans, sous le nom du régime des Satigi, plus prosaïquement appelés dényankobé !
Aussi l’esprit de la Seconde Alternance n’est-il pas – loin de là - uniquement dans les engagements et les promesses, ou les revendications et leurs quantifications matérielles et économiques, mais dans leur source d’inspiration avouée et/ou implicite, non dans la matière et ses expressions, mais dans l’Esprit et ses déclinaisons, au premier chef la liberté avec un grand L. ; une liberté dont seule la foi ardente des Obéliskiens aura déféré au paiement comptant, grâce aux poitrines du peuple et aux souffrances des masses dopées par l’Appel à la prière, à l’abnégation et au sacrifice de l’Enfant de Mbour.
Partant, - et cette remarque n’est pas une simple clause de style - c’est devant l’Esprit de la Nouvelle République que toute équipe actuelle ou à venir autour de Macky Sall est d’abord responsable et comptable, c’est-à-dire devant sa propre conscience d’elle-même et de ses origines les plus profondes. Plus qu’un exercice d’évaluation polémique ou critique, l’introspection autocritique interne (militante) comme externe (publique) est un devoir que la Seconde Alternance doit s’obliger de pratiquer en toute lucidité et avec courage. Plus qu’un serment ou un engagement écrit ou une promesse verbale, il s’agit de la condition même de toute effectuation positive des réformes de structure, de méthode et démarche qui matérialisent l’esprit de la Seconde Alternance, au contraire de l a première qui aura sombré avec armes et bagages du fait son athéisme politique, revers de son matérialisme empiriocriticiste.
Conclusion : Au total, la nouvelle république en formation au travers d’innombrables difficultés et périls, pour elle-même comme pour la masse, que personne ne saurait nier, est quant à ses origines immédiates, un produit des luttes et des aspirations démocratiques et sociales du XXIème siècle sénégalais et ouest-africain, de prime abord tout au moins ; mais lorsque l’on examine de près les trajectoires, les formes de conscience et de représentation, les croyances et les valeurs qui motivent, orientent et/ou accompagnent l’action même de la Réforme sociale en cours, cette même République plonge ses racines dans Notre Histoire singulière des pays profonds qui composent le Sénégal, voire la Sénégambie. Aussi, avec la redécouverte de l’esprit de Baal et de tant d’autres précurseurs et/ou bâtisseurs de modernités dans l’Ouest africain, ces nouvelles républiques seront-elles appelées invariablement à s’inspirer de leurs devancières dont les protagonistes et les approches, comme les résultats avaient formaté nos cultures politiques basiques, nourri nos cultures politiques spécifiques et stimulé nos intelligences créatrices, bien avant que la nuit coloniale ne s’abattit sur la Sénégambie.
Partant, entre le déisme de Voltaire ou l’école de Jules Ferry, le protestantisme de Rousseau ou l’athéisme philosophique de Diderot et de Marx qui avaient encadré les joutes démocratiques jusqu’ici au Sénégal, puis circonscrit les options et les futuribles en matière de Gouvernance, d’offre institutionnelle et de pratiques économiques ou sociales, etc., d’une part, et d’autre part, l’esprit de Thierno Souleymane Baal, qui s’est invité sans crier gare à l’Obélisque, par l’alliance stratégique entre Foi et République, il va donc falloir choisir en effet. Car, en dernière analyse, qu’est-ce qui distingue les républiques, et de tout temps, sinon le socle des valeurs qui les inspirent et les principes qui fondent la distinction du public et du privé, établissent la notion de bien public et incitent à la vertu, c’est-à-dire à l’amour des lois et de la Patrie, au civisme et au patriotisme, à la morale de l’effort et du travail, à la solidarité, à l’équité et à la Justice ?
En un mot, notre République n’est pas quant à son esprit historique et authentique, celle de Robespierre, Danton et Jules Ferry, de Thomas Hobbes et de John Locke ou d’Abraham Lincoln, mais celle du mouvement républicain et démocratique qui abolit en son temps le régime des inégalités sociales héréditaires connu sous le nom de régime des Satigi ou Denyankobe, au travers d’une lutte des classes sans précédent dans l’histoire de l’Afrique de l’Ouest, dès lors qu’elle était allée jusqu’au bout, sous tous rapports, aussi bien en matière politique et constitutionnelle qu’en matière foncière, économique et sociale, sans oublier la base philosophico-politique et institutionnelle qui aura fait des principes égalitaires (empruntés à l’Islam) le fondement même d’un état civil nouveau.
Aussi, est-ce bien le monarchisme tardif de Wade qui, contre toute attente, - dès lors qu’il avait nourri le dessein de porter au Pouvoir le Dauphin Louis, XVIIème du nom -, avait sonné le glas d’une vieille manière de république mimétique sans âme ni socio-culture ou enracinement, et mit le peuple en demeure de convoquer l’exemplarité de la révolution républicaine et antimonarchique de Thierno Souleymane Baal en matière d’allocation de l’autorité et du pouvoir, en lieu et place de l’Opération « En route pour le Sommet » à laquelle les patriotes et les jeunesses mirent un terme par la quasi insurrection du 23 juin 2011.
Sous ce rapport, ce qui distingue Macky de ses contempteurs du 1er tour avec qui il partage la pleine reconnaissance du caractère universel des révolutions américaine de 1776 et française 1789, c’est le fait que ces dernières, quelque essentielles qu’elles fussent dans l’histoire de ces pays d’Europe et d’Amérique, demeurent certes des enseignements à méditer et des leçons à suivre, mais nullement des exemples à copier ni des modèles à imiter.
En définitive, l’originalité des peuples est un patrimoine, et la singularité une richesse, surtout en ces temps de mondialisation niveleuse qui dénigre l’historicité des sociétés non euro-américaines en général, et des sociétés sénégambiennes en particulier, tel qu’en atteste cette révolution sociale et politique sénégambienne et fuutanke de 1776, qui pour la première fois sous nos cieux, réorganisa de fond en comble, une société d’inégalités sociales héréditaires assurant la prééminence de la naissance et du rang sur la compétence, le mérite et l’effort productif ou le savoir, la vertu et la probité.
Mais notre République actuelle sera-t-elle être à la hauteur des espoirs qu’elle a soulevés dans le cœur de la jeunesse et du peuple sénégalais, comme chez nos voisins de la chaîne de feu et d’instabilité qui nous entoure ? Là est la question qu’il y a lieu de mesurer, de la part de tous et de chacun et de chacune. Sans l’Ethique point de République, sans Civisme point d’Etat. La chose n’est pas toujours ainsi entendu en pratique, y compris de la part d’Obéliskiens authentiques qui croient venu le moment du defaru. Qui donc apprendra aux nouvelles élites de pouvoir la patience des bâtisseurs et les vertus du Sacerdoce ? L’histoire nous dira, certes, mais elle ne se fera pas toute seule. Et puis après tout, qu’est-ce que l’avenir sinon ce que nous aurons voulu qu’il fût ? (Gaston Berger).Il y a donc lieu de savoir, et la question est valable pour tous les acteurs et tous les protagonistes de la Seconde Alternance : le changement et les ruptures ont un coût , or, sommes-nous prêts et jusqu’où ? Poser la question c’est y répondre.
Mais, en tout état de cause, le Sénégal a innové, qui donne quelque part l’exemple, aux grands comme aux petits de ce monde. Non parce qu’il aura singé l’Europe ou l’Amérique en matière de démocratie, de justice et de liberté, mais parce qu’il a commencé effectivement à renouer avec son historicité propre en matière politique, économique, institutionnelle, raison de notre pertinence potentielle et de notre efficience prochaine.
C’est dire que le mimétisme et le psittacisme nous ont tués ; mais pour autant, le nouvel enracinement en matière de développement innovant et performant, en phase avec les leçons de notre Histoire et les enseignements de nos traditions positives, nous donnera-il les satisfactions attendues ? A quelles conditions ? Selon quels rythmes et quels délais ? etc. Dieu seul le sait, mais il n’est rien que d’essayer. « Quoi que tu puisses faire ou rêver, entreprends ! dit encore Goethe, car l’action a du génie, de la magie et de l’audace ». Au demeurant, ne dit-on pas que « la seule chose qui puisse empêcher un rêve d’aboutir, est précisément la peur d’échouer » ? Alors, Sénégalais, mes frères, et hôtes étrangers qui vivez parmi nous : « Pinçons tous nos koras et frappons les balafons…. » !
Fait à Dakar, le 13 juillet 2013
Prof. Malick Ndiaye, Docteur d’Etat de Sociologie,
Président de la Commission Orientation et Stratégies
Coalition Macky 2012