Les droits humains dans les gènes
A 63 ans, ce militant des droits humains veut entamer une carrière politique, au milieu d'un tohu-bohu naissant et relatif à ses positions sur un tabou de notre société : l'homosexualité.
Au sein du barreau, son nom fait figure de référence. Me Sidiki Kaba, nouveau ministre de la Justice, jouit d’un grand respect auprès de ses pairs de par sa compétence reconnue mondialement. L’homme a été le conseil de plusieurs personnalités dont l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck ou encore les présidents de la Côte d’ivoire et de la Guinée, alors opposants. Mais l’ancien président de la Fédération internationale des droits de l’Homme (Fidh) est surtout connu pour être un défenseur des causes... perdues. Comme l’homosexualité dont il plaide la dépénalisation. Devenu garde des Sceaux, Me Kaba va-t-il influencer le sujet de l'intérieur ?
En tout cas, cette question de l’homosexualité qui a cristallisé un temps le débat politique avec des accusations portées contre le président de la République, risque de compromettre le travail du successeur de Aminata Touré. Lequel est déjà accusé d’être en «conflit d’intérêts» dans le dossier Hissène Habré et dans la traque des biens mal acquis. Mais Alioune Tine, président du Comité sénégalais des droits de l’Homme, dénonce un «mauvais procès» contre son «ami». «Sidiki Kaba n’est plus avocat dès lors qu’il est nommé ministre, dit-il. L’Etat ne peut rien par rapport à ces dossiers». L’ancien secrétaire général de la Raddho estime que le nouveau ministre de la Justice est «un homme dont les Sénégalais ont immensément besoin». Car, «il s’est sacrifié pour les droits de l’Homme. C’est la raison pour laquelle il a toujours défendu les homosexuels qui font partie des couches vulnérables» de la société.
Les prières mecquoises de la mère
Agé de 63 ans, ce natif de Tambacounda a un brillant parcours qui a sans doute présidé à son choix. Diplômé de trois licences (Droit, Philosophie et Lettres modernes) et d'une maîtrise en Droit des affaires des universités de Dakar et d’Abidjan, Me Kaba est admis en 1980 au Barreau de Dakar. Ce, après une expérience d’enseignant cumulée avec des études supérieures comme professeur de français au collège Aké Loba d’Abidjan (1975-1978). Membre du conseil de l’Ordre (1985-2000), cet homme au port altier intègre en 1981 la section sénégalaise d'Amnesty international avant de rejoindre l’Organisation nationale de défense des droits de l’Homme (ONDH) qu’il préside de 1995 à 2000, après en avoir été vice-président (1987-1995). En 2001, il est porté à la tête de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme. Il est alors le premier africain à occuper ce poste.
A ses heures perdues, l’avocat enseigne dans des écoles professionnelles militaires, les lycées et universités à Dakar, Paris, Bangui, à côté d'un travail de consultance développé un peu partout dans le monde. Officier de la Légion d’honneur française en 2002, mais avant cela Chevalier de l’Ordre national du Lion au Sénégal, Me Kaba, monogame et père de plusieurs enfants, est auteur de plusieurs publications dont «Défendre la Déclaration universelle des droits de l’Homme» (1998), «Les Droits de l’Homme au Sénégal» (1997), «Les Droits de l’Homme en Afrique à l’aube du XXIe siècle» (1996).
Côté jardin, Sidiki Kaba est décrit par ses proches comme un homme caractériel, voire acariâtre. «Il a certes le commerce facile, mais il pique très rapidement une colère», témoigne Alioune Tine qui retient par ailleurs de lui «un homme qui adore sa mère». La preuve ? «Il l'a amenée plusieurs fois à La Mecque». Une mère dont les prières pour le fils Sidiki ont certainement été exaucées devant La… Kaba.