Publié le 8 Sep 2013 - 03:05
LIBRE PAROLE

 L’enjeu politique du sens de  l’action gouvernementale

 

 

L’action politique du gouvernement constitue un champ  social, culturel  et économique très vaste regroupant les décisions et mesures impulsées par le chef de l’Etat, généralement à l’issue des Conseils ministériels hebdomadaires, des Conseils interministériels, des Conseils présidentiels, des engagements solennels du Président de la République et ou de son Premier ministre devant les institutions parlementaires, judiciaires ou devant  le peuple, à l’occasion d’événements institutionnalisés ou pas.

A côté de ces types de décisions et mesures cristallisant l’engagement personnel du Président de la République ou  du chef du gouvernement, il existe naturellement des mesures et  des décisions relevant directement des Ministères publics ou de leurs prolongements décentralisés dans leurs missions au quotidien.

L’action politique du gouvernement est par conséquent un concept  couvrant  les actions multiples dans l’exercice du pouvoir présidentiel. L’enjeu  politique du sens de l’action gouvernementale consiste à faire connaître le but général, et singulier poursuivi, les raisons de l’action engagée, en cours d’exécution, en vue, les contraintes  prévisibles du moment et de l’avenir se dessinant à l’horizon politique. Il ne fait l’ombre d’un doute que les médias occupent une place centrale dans la diffusion de ces informations  émanant de l’autorité politique centrale, ministérielle, locale, en vue de faire connaître  la volonté exprimée du  Président de la République et son gouvernement  à travers des  décisions, des mesures et des engagements solennels inscrits dans un programme national, ministériel ou régional. L’enjeu de donner du  sens à l’action gouvernementale est relativement différent  qualitativement de la dimension stricte de la diffusion brute des informations provenant des sources gouvernementales.

Il  consiste à donner du sens, à rationaliser, à expliquer le  contenu,  la portée et  à trouver  la cohérence des actions engagées et ou à venir dans le court, moyen et long terme pour atteindre des objectifs importants  à terme dans le cadre de l’émergence du pays. C’est peut-être à ce niveau  de décryptage des messages que la compréhension de la  pertinence, de la lisibilité et du sens du projet gouvernemental global, régional et sous régional, sa mise en œuvre méthodique, planifiée dans le temps, son impact et ses faiblesses mériteraient d’être désormais pris en charge par le Premier ministre et tout le dispositif  administratif et communicationnel accompagnant  le Président de la République dans sa mission, son chef de gouvernement, ses ministres et les responsables à l’échelle des régions et des collectivités locales.

La presse nationale n’a pas véritablement  pour vocation de remplir cette fonction consistant à donner du sens, du liant et de la pertinence politique. Ce n’est pas sa première  fonction. Les raisons du déficit  de sens politique de l’action gouvernemental encore notoire dans l’espace de notre paysage médiatique sont de divers ordres de grandeur. La course à l’information sensationnelle, la recherche de la différence à tout prix dans les titrailles ou la mise en exergue de ce qui ne va dans l’action des pouvoirs publics et le pays, expliquent la difficulté de la presse  nationale à hisser sa lecture de l’action gouvernementale continue dans le temps  à la hauteur des enjeux et des buts poursuivis par le Président de la République et ses ministres.  Le gouvernement et les acteurs politiques soutenant l’action gouvernementale ne cessent de critiquer à tort la presse, accusée de toujours mettre sur l’accent sur ce qui fait mal aux gouvernants, à mettre en mal les responsables politique avec les populations et l’opinion publique nationale.

Le pouvoir politique devrait tenir compte de cette pesanteur culturelle structurelle  au cœur des médias. Elle est devenue  une ligne éditoriale de nombreux  organes et entreprises de presse plus préoccupés par la vente de leurs produits en misant sur la rentabilité financière de l’évènement  sensationnel, le sentimental, la violence et l’exclusivité évènementielle. Ce sont des choix politiques rédactionnels qu’il faut accepter  comme faisant  partie de la liberté de la presse, du renforcement de la démocratie plurielle et du droit des citoyens à l’information.

 Par contre, l’enjeu du sens de l’action gouvernementale doit être une préoccupation majeure de tous les ministères publics, leurs agents et les acteurs publics associés à la politique du Président de la République et comptables devant leurs électeurs. C’est le sens de l’action gouvernementale qui donne aux populations, aux citoyens, aux acteurs politiques le sentiment d’être au cœur des enjeux du projet gouvernemental et de l’action au quotidien du chef du gouvernement. C’est un travail de tous les jours.

 La première équipe gouvernementale du Président de la République  conduite par l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, a souffert  singulièrement d’un mal entendu persistant avec  les populations ne parvenant pas à lire, à comprendre le sens, la portée  de l’action gouvernementale dans de nombreux domaines de la vie et de l’action gouvernementale.

A titre d’exemple, la  perception de l’opinion publique et des populations qui avaient naturellement nourri beaucoup d’espoir dans le changement de régime est restée plombée  pendant plus d’une année par les difficultés multiformes de la vie. Le gouvernement  du Premier ministre n’a pas su trouver  une réponse satisfaisante, ni au conditions de  vie de la majorité des populations en dépit des efforts consentis en matière de baisse des prix de  certaines denrées de première nécessité, des impôts sur le revenu des travailleurs, les subventions  accordées à l’agriculture et les investissements dans les secteurs sociaux notamment la santé, l’éducation et le transport, ni à donner du sens à son action immédiate et à venir dans le temps.

L’absence de pédagogie  politique dans la communication de l’action gouvernementale  refusant d’accepter  le malaise social des couches les plus défavorisées a probablement réduit l’impact  positif de l’influence de l’action gouvernementale face à une impatience généralisée devenant pressante et ingérable par une équipe à la recherche de ses marques et d’options alternatives à la crise de l’économie et du sens de l’action politique amorcée par la seconde alternance politique.

La communication du gouvernement souvent au centre d’une critique récurrente  aussi bien des acteurs politiques comptables de la politique gouvernementale que des adversaires du régime évoluant dans l’opposition, témoigne des insuffisances de visibilité, de sens de l’action du gouvernement et des difficultés auxquelles le gouvernement  du Premier ministre Abdoul Mbaye s’est  heurté en raison des effets  structurels de la crise internationale sur l’ensemble de l’économie sénégalaise rudement à  l’épreuve de l’ajustement, aux règles du commerce mondial et la crise de l’emploi.

La nouvelle équipe gouvernementale que dirige le Premier ministre, Aminata Touré, mise en place au début du mois de septembre 2013, hérite d’un déficit de politique de communication axée sur le sens, sur  la visibilité de l’action globale du chef de l’Etat et du gouvernement précédent.

Elle devrait  évaluer les insuffisances de la première équipe gouvernementale dans ce domaine précité du sens et des effets de la crise économique, financière sur l’état de notre pays. L’objectif immédiat de cette équipe devrait être de définir et de circonscrire une politique de communication active et réfléchie axée sur la visibilité, le sens et les enjeux  de l’action gouvernementale. L’actuel Premier  ministre et le nouveau Directeur de Cabinet du Président de la République ont ouvert la nouvelle page de la communication axée sur le sens en livrant aux citoyens les explications de l’architecture gouvernementale, les missions, les urgences de l’équipe et les buts à atteindre par le gouvernement.

Dans cette perspective, le passage prochain du  Premier ministre devant le Parlement  doit être un test majeur  (pour  tous ceux l’accompagnent dans son action) dans l’exercice du sens, de la portée des  objectifs  programmatiques et de la finalité du projet gouvernemental dans le court, moyen et long terme. Les enjeux du nouveau tournant de la politique gouvernementale notamment, accélérer le processus de changement par les réformes institutionnelles, par l’amélioration des conditions de vie des populations, par la création des conditions de l’émergence économique, sociale et culturelle par la relance et la croissance, le renforcement de l’Etat droit et la qualité du service public par la bonne gouvernance, la transparence et l’équité méritent d’être approfondis et déclinés à partir d’une grille de lecture portée par le sens de la mission. 

Donner du sens à ces priorités, à l’action gouvernementale, c’est fournir l’effort  intellectuel et militant pour mieux expliquer chacune des priorités, la cohérence  des priorités de l’action globale et trouver des mécanismes pédagogiques pour faire adhérer les populations et l’opinion à la démarche gouvernementale et aux résultats attendus. C’est  par une politique de communication allant dans la perspective de donner du sens à l’action gouvernementale que le chef du gouvernement devra souder  son équipe et dépasser le mal entendu entre la précédente équipe gouvernementale de la seconde alternance et les populations impatientes dans l’attente d’une prise en charge effective de leurs conditions de vie et de la mise en œuvre de conditions de l’ancrage de l’émergence tant attendue.

Mamadou SY Albert

 

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