Les «clandestins» accusent la Sogas
Pour les bouchers installés hors des abattoirs, on leur fait un mauvais procès. Les abattages clandestins de bétail dont ils sont accusés sont le fait d'agents de la Sogas.
De nombreux véhicules en stationnement aux alentours. A bord, il n'y a que des hommes qui, à peine les pieds à terre, se dirigent en rangs dispersés vers les différents étals de viande. A la Sogas, ce jour-là, il est 15 heures passées de quelques minutes. Dans ce quartier de Dalifort, l’odeur de la viande et le «daral» (marché du bétail) attirent forcément l’attention des passants. L'endroit est quasi historique car les bouchers y sont installés depuis plusieurs années. Aujourd'hui, il s'y pose de vraies questions d'hygiène et de salubrité qui touchent à la santé publique...
Des tas énormes de sachets en papier jonchent le sol, mélangés à toutes sortes de débris qui ont le temps de perdre leur couleur d'origine. Difficile de distinguer les objets, tant la saleté qui règne sur ces lieux est... phénoménale. Pourtant, les vendeurs vaquent à leurs occupations, imperturbables, indifférents aux immondices dominants. Papis Camara est l'un d'eux. Ce jeune homme au teint clair, plus ou moins proche de la trentaine d'années, ose aborder le sujet, sans complexe.
Festival d'insalubrité
Selon lui, il y a erreur quelque part concernant la qualité des produits présentés aux clients. «Toutes les viandes que nous vendons ici dans ce marché viennent de bêtes abattues au niveau de la SOGAS avant d’être exposées au dehors», dit-il comme pour défendre son camp. A l'en croire, les gens font la confusion entre «l’abattage social» et «l’abattage clandestin». D'ailleurs, poursuit-il, «il est hors de question que des personnes venues d'ailleurs avec leurs stocks de viande puissent les écouler ici». Une association locale dénommée «Jëf-Jël» avait été mise en place à cet effet, pour contrecarrer l'installation des «étrangers» sur le marché.
Quelques mètres plus loin, le «daral international» dresse ses atours : des têtes de bétail à perte de vue sur l'espace d'occupation, de l'herbe à gogo, des odeurs sécrétées par les déchets animaux, des commerçants affairés, des clients prudents... L’endroit est un carrefour sous-régional avec des éleveurs venus du Mali, de la Mauritanie, et bien sûr du Sénégal. Des milliers de bovins, ovins et caprins sont exposés, occupant toute le périmètre. Des hommes de tout âge veillent et chantent presque les louanges du cheptel qu'ils veulent fourguer aux acheteurs. Une ambiance de Tabaski, en micro...
Insécurité
Mamour Sow, responsable des lieux, se dit «très préoccupé» par les innombrables cas de vols de bétail, d’insécurité et d’insalubrité. Habillé en grand boubou bleu, assorti d’un pantalon bouffant à la couleur blanche, il semble soulagé et heureux de cracher ses vérités. «Nous n'arrêtons pas de prendre des voleurs ici, malgré la présence des agents de sécurité», dit-il. «Aujourd'hui, le daral devrait disposer d’un poste de police pour veiller sur les biens et la sécurité des vendeurs et acheteurs.»
Sur ce registre, Papis Camara s'indigne de la facilité et de la violence avec lesquelles certains de ses collègues sont arrêtés par les forces de sécurité qui débarquent sur les lieux. «La dernière fois qu'elles sont venues effectuer une visite de contrôle remonte au jour de la Korité», précise-t-il. En dépit de leur démarches auprès de la mairie d'arrondissement pour obtenir de meilleures conditions de travail, rien n'avance, selon lui. «Nous voulons vraiment que l’État nous aide à trouver des solutions adéquates à nos préoccupations», suggère t-il.
Interpellé par EnQuête sur les allégations liées à l'insalubrité et à la sécurité, Mansour Mbaye Madiaga veut rester prudent : «je ne sais pas si ce qui se dit est vrai ou non, mais si toutefois c'était vérifié, alors je conseillerais à tous les acheteurs de venir s'approvisionner à l'intérieur de la Sogas car l'hygiène y est nette.»