Ces clauses qui noient la SDE
Suite à notre dossier d'hier, sur la nébuleuse de l'eau au Sénégal, nous revenons dans ce second jet sur cette affaire qui tient encore en haleine l'opinion publique sénégalaise. Des termes du contrat d'affermage liant l'Etat à la Sénégalaise des eaux, il ressort bien que la Sénégalaise des eaux (SDE) a une lourde part de responsabilité dans les cafouillages constatés. C'est en effet à elle de réparer la pièce défectueuse.
Les dispositions figurant dans le ''Contrat d'affermage du service public de la production et de la distribution d'eau potable'' signé en 1996 à la fois par la Sde, la Sones, le ministre de l'Hydraulique de l'époque Mamadou Faye, celui de l'Economie et des Finances, Papa Ousmane Sakho et le Premier ministre Habib Thiam, sont très claires. C'est l'article 49 ''Travaux d'entretien et réparations'', figurant au Titre IV du Contrat, qui tranche la question.
Il est en effet écrit ceci : ''Les équipements et les ouvrages définis à l'article 6 ci-dessus, ainsi que les branchements et les compteurs, sont entretenus en parfait état de fonctionnement et réparés par les soins du Fermier, à ses frais et risques''. Et précision de taille, dès le premier alinéa de l'article 49, ''il est rappelé que le terme réparation comprend aussi bien les petites que les grosses réparations''. Le contrat verrouille dans la lettre l'entretien et les réparations des infrastructures qu'il prévoit, ''faute pour le Fermier de pourvoir à l'entretien et aux réparations des installations et réseaux, des branchements et compteurs, l'Autorité Affermante (Ndlr, la Sde) fera procéder, aux frais et risques du Fermier, à l'exécution d'office des travaux nécessaires au bon fonctionnement du service affermé, et ce, quatre-vingt-seize (96) heures après une mise en demeure restée sans résultat''.
Non seulement, si l'on se fie au contrat, la Sde est soumise à un régime contraignant qui l'oblige à assurer une bonne qualité des infrastructures que l'Etat a mises à sa disposition, mais encore, elle est tenue de ''remettre à la Sones, avant le 30 novembre de chaque année civile, le planning des travaux d'entretien prévus pour l'année suivante''. Mieux, la Sde est tenue, selon les termes de l'article du contrat d'affermage, ''de procéder à ses frais au renouvellement annuel des canalisations à hauteur d'une distance de 17 kilomètres en diamètre 100 mm et en fonte ductile ou à hauteur d'une distance équivalente telle que définie dans le contrat de performance''. L'Etat quadrille tout, en prévoyant un rattrapage au kilomètre si les termes de cette dernière disposition ne sont pas respectés au cours de l'année, ''la Sones pourra l'obliger à insérer la différence dans le programme de l'année suivante ou à défaut faire exécuter la distance manquante par un tiers aux frais du Fermier''.
Mais le contrat prévoit des cas exceptionnels où le coût additionnel de renforcement est pris en charge par la Sones''. Il est écrit que c'est dans le cas où il s'avère qu'un renforcement des équipements est préférable à un remplacement à caractéristiques équivalentes''. Dans ce cas de figure, la Sde est tenue de faire des propositions à la Sones, en justifiant les caractéristiques des nouveaux équipements''. En tout état de cause, en cas de différend sur ces questions précises, ''les deux parties se rencontrent pour déterminer les mesures à prendre'', indique le contrat. Ce qui n'a pas été le cas, en amont de la crise de l'eau qui secoue la capitale depuis le 13 septembre dernier.
Si le Contrat d'affermage du service public de la production et de la distribution d'eau potable verrouille bien tout ce qui est réparation d'infrastructures défectueuses, il faut noter que le document de base qui date de 2006 a connu plusieurs avenants dont le septième est dans le circuit de l'Etat. La Sde voulait que son contrat soit prolongé pour 5 ans, mais selon des sources dignes de foi, c'est bien l'ancien Premier ministre Abdoul Mbaye qui s'y est opposé, même si certains de ses conseillers, sans doute connectés à la Sde, ont voulu lui forcer la main. En tout état de cause, la balle est aujourd'hui dans le camp du Président qui a bien retenu de faire signer l'avenant 7 pour prolonger encore les activités de la Sde.
Mais selon plusieurs observateurs avertis du business de l'eau, il va falloir réfléchir sur de nouveaux mécanismes à même de faire participer davantage le privé local dans la gestion de l'eau. La Sones pourrait elle-même créer sa propre société en s'ouvrant à quelques privés ; aujourd'hui que les sénégalais semblent techniquement outillés pour gérer l'eau... La réflexion mériterait au moins d'être ouverte, selon des avis bien documentés...