2800 F CFA le kg de bœuf et 3500 F CFA celui du mouton !
Les spéculations sur le prix de la viande à Dakar font florès. Dans les différents marchés de la capitale, le prix de la viande varie entre 2800 (bœuf) et 3500 F CFA pour le mouton. Au foirail de Pikine, éleveurs, bouchers et clients sont d’avis que le retard de l’hivernage a un impact sur le coût de la viande.
Marché Gueule Tapée : brouhaha, boutiques, odeurs d’épices… C’est ce qui rythme l’ambiance. Ce matin, comme à l’accoutumée, les vendeurs ont déjà étalé leurs produits et les clients font des va-et-vient devant les expositions. Au milieu du marché, sous un hangar, se trouve la boucherie. Plusieurs vendeuses de légumes et d’oignons occupent les abords. L’odeur d’oignon mêlée à celle de la viande pique le nez et fait couler des larmes. Vêtu d’une blouse blanche tachetée de sang, un homme de teint clair charcute de la viande à l’aide d’une machette. ‘’Nous vendons en ce moment le kg de viande de bœuf à 2800 F CFA.
Actuellement les éleveurs nous vendent cher les bœufs’’, explique le boucher Ousmane Diallo. Certaines clientes espéraient une réduction du prix après le mois de ramadan, mais c’est avec désespoir et désolation qu’elles se voient obliger d’acheter la viande à un prix relativement élevé. ‘’1400 F le ½ kg !’’ s’étonne Ramata Niane dans un accent ivoirien. ‘’Ce n’est pas normal. Vends-moi quand même. Je n’ai pas le choix’’, poursuit la cliente. La situation est presque la même dans presque tous les marchés de la capitale. Même les forails n’échappent pas à cette flambée du prix de la viande.
Jouxtant l’abattoir Seras, le forail de Bountou Pikine est destiné à la vente des ovins. Mais l’on y trouve également des bovins. Ici, la viande de bœuf est vendue à un prix légèrement inférieur à celui du marché de Gueule Tapée. ‘’Le kg coûte actuellement 2700 F CFA. Les bœufs tués ne sont pas nombreux en ce moment. A cause de cette hausse, la vente a diminué, car certains clients n’ont pas les moyens d’acheter une grande quantité’’, confie tristement Abdou Faye en attente d’hypothétiques clients.
A l’intérieur du foirail, la question de sécurité du bétail paraît l’emporter sur celle de la santé. Ici, l’hygiène ne semble pas préoccuper les éleveurs. Des excréments d’animaux et des ordures de toute sorte jetées à même le sol dégagent une odeur nauséabonde. Bêlement de moutons et cris d’éleveurs s’ajoutent à l’ambiance. Assis sous une tente en compagnie de deux autres éleveurs, Sadibou Bâ, venu de Louga, renseigne : ‘’actuellement, il n’y a pas de foin pour l’alimentation du bétail car l’hivernage n’arrive toujours pas. Présentement, un petit mouton coûte entre 35 000 et 40 000 F CFA’’, explique-t-il avec beaucoup de désolation. Sur le trottoir, les étals des bouchers s’alignent près de l’entrée. ‘’La viande de mouton se négocie à 3000 F CFA le kg actuellement. Nous sommes obligés de revendre le kg à ce prix pour ne pas vendre à perte. Les moutons sont maigres‘’, dit tristement le boucher Harouna Sow.
Manque de foin
Le retard de l’hivernage a entraîné la rareté de fourrage sec pour le bétail. Ceci a une répercussion sur le prix des bêtes. Les rares vendeurs qui disposent de la précieuse alimentation fixe la barre très haut. A quelques mètres du foirail, derrière les maisons faisant face au lieu de vente des ovins, plusieurs sacs de fourrage sec sont entreposés derrière un bâtiment. A quelques encablures de là, dans un grand espace, plusieurs bœufs broutent avidement de l’herbe sèche.
Un jeune âgé d’environ 30 ans mène le débat sous une tente abritant un groupe d’éleveurs et de vendeurs de foin. ‘’J’achète le sac de foin à 2 500 F à Kaffrine ou à Kounghel. Je revends l’unité à 4 000 en ce moment’’, dit le jeune Ibrahima Ndiaye. Ainsi, à cause de la rareté de l’herbe sèche en campagne, les bœufs élevés dans les étables se vendent cher. L’alimentation du bétail est très coûteuse et cela, malgré les efforts des autorités.
Aussi, les bœufs importés de la Mauritanie ou du Mali coûtent-ils les yeux de la tête. A en croire le président de l’association des éleveurs du ‘’daral ‘’, Amar Diop, ‘’le sac de ‘ripass’ se vend à 7000 F CFA sur le marché’’. Et le vieux éleveur de poursuivre : ‘’Le ministre de l’Elevage nous aide en subventionnant l’aliment de bétail. C’est à l’usine Ema Sips que nous achetons le ‘’ripass’’ subventionné. Il est vendu à 3 750 F CFA’’, informe-t-il.
Cependant, malgré cette assistance de l’Etat, certains éleveurs regrettent la lenteur des démarches visant à obtenir cette subvention. D’autres condamnent certaines pratiques rencontrées lors de la livraison des aliments. ‘’Le ‘’ripass’’ subventionné ne nous sert à rien. Car certains commerçants l’achètent et nous le revendent à un prix déraisonnable dans les magasins. Du coup ’’la subvention ne profite pas aux éleveurs’’, dénonce dans un élan de colère l’éleveur Sadibou Bâ.
Contrairement aux bœufs qui pâturent en campagne, ceux élevés dans les fermes ont l’avantage d’être plus gras mais aussi plus coûteux. ‘’Les taureaux que nous élevons ici coûtent plus de 500 000 F CFA. Les bœufs de la campagne quant à eux ne valent pas ce prix car ils sont maigres‘’, explique Amar Diop. Vêtu de boubou gris, Fallou Ndack est vendeur de bœufs. ‘’ Ce taureau a fait 2h avant de pouvoir se relever quand nous l’avons amené ici. Il a fallu qu’on lui donne d’abord du foin’’, ironise-t-il en indiquant un bœuf squelettique.
Ainsi, ce n’est pas seulement les cultivateurs qui subissent les conséquences du retard noté dans le démarrage de la saison des pluies. Dans de nombreuses régions du Sénégal, les éleveurs aussi en pâtissent. Du coup, le prix du kilogramme de viande a connu une importante hausse sur le marché. Au grand dam des consommateurs qui ne savent plus à quelle… viande se fier.
MAMADOU DIALLO (Stagiaire)