POST-POINT par MOMAR DIENG
L’université des meurtriers
On est au pays des paradoxes. Le Sénégal compte peut-être une centaine de ministres et de sous-ministres (pour parler comme le Canard Enchaîné), plusieurs dizaines de directeurs généraux de sociétés, quelques milliers de hauts fonctionnaires, cent cinquante parlementaires et leur clientèle politique pour certains… Il y a quelques semaines, le président de la République a signé un décret pour offrir des frais dits de représentation de 500 000 francs Cfa à chaque conjoint d’ambassadeur que compte notre petit pays à travers le monde… Tous ces membres de « l’élite » de la République perçoivent normalement, régulièrement leurs salaires, émoluments, leurs frais de missions, en plus de tous les privilèges qui s’attachent à leurs fonctions (voitures, carburant, logement, domestiques, etc.).
Pourquoi alors de pauvres étudiants accepteraient-ils d’être les dindons sacrifiés d’une gestion politicienne qui les confine dans un dénuement permanent, sans cesse renouvelé ? Pourquoi accepteraient-ils de subir l’incurie et/ou l’incompétence d’une certaine élite incapable de faire en sorte que des « salaires » de 18 000 à 36 000 francs Cfa soient disponibles et payés en temps voulu ? C’est simplement inacceptable ! Les faux-fuyants en termes de procédures ou de blocages sont fondamentalement irrecevables pour des ministres et des hauts fonctionnaires nommés et payés pour apporter des solutions à des problèmes posés. Le refrain chantonné depuis plusieurs mois par le ministre de l’Enseignement supérieur n’a plus de sens car il semble que la réalité soit autrement plus compliquée que ce qu’il en dit.
Où est d’ailleurs le président de la République ? Il est de bon ton de sacrifier des ministres et Dg qui perdent une élection locale au nom des intérêts de son parti. Il est impératif que des ministres qui portent la responsabilité écrasante de la mort d’un étudiant tué par des forces dites de l’ordre ne siègent plus dans son gouvernement, au nom des intérêts supérieurs du pays.
Abdoulaye Daouda Diallo (Intérieur) et Mary Teuw Niane (Enseignement supérieur) ont leurs noms définitivement associés à la mort de Bassirou Faye. Ils n’ont plus rien à faire à leurs postes : ils manquent désormais dangereusement de crédibilité pour pouvoir continuer leurs missions. Carbonisés au sortir des événements de jeudi, ils doivent partir. Ils devraient partir d’eux-mêmes par courage et par dignité. A responsabilités politiques défectueuses, culpabilités politiques car la politique, c’est seulement pour changer les choses, jamais pour tuer des gens.
La question des franchises universitaires reste donc toute entière ouverte. Ce qui s’est passé mercredi et jeudi, les affrontements qu’il y a eu lieu plusieurs fois avant ce drame mortel de la semaine, sont la preuve que le stationnement des forces de police à l’intérieur du campus est une bombe à retardement explosive qu’il sied de désamorcer dès à présent afin que l’Ucad ne soit pas transformée en université des meurtriers jamais sanctionnés.
Monsieur le président de la République, réveillez-vous et montrez aux Sénégalais que c’est vous, et vous seul, qui exercez et assumez le devenir du Sénégal ! Il ne serait pas trop tôt pour vous de le faire.
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