Publié le 31 Oct 2014 - 01:18
NOUVEAU CODE DES MARCHES

La transparence selon adversaires et partisans

 

En vigueur depuis le 4 octobre dernier, en vertu du décret 2014-1212, le nouveau code des marchés publics est décrié par des acteurs qui l’assimilent à une «nébuleuse» qui tord le cou à la transparence. On dit plutôt le contraire à l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) où il est question de renforcer la responsabilité des autorités contractantes en faisant évoluer un texte trop contraignant.

 

Le nouveau code des marchés va-t-il promouvoir la bonne gouvernance ou porter un coup à la transparence ? En tout cas, depuis sa promulgation, les acteurs sont partagés quant à sa capacité à assurer un fonctionnement honnête du système, en attendant la publication des arrêtés d’application.

En effet, si le code en vigueur a pour ambition d’entraîner la «réduction des délais, l’allègement des procédures et la responsabilisation des autorités contractantes à travers notamment le relèvement des seuils d’application des procédures du CMP», il ne suscite pas pour l’heure l’adhésion de tous les acteurs.

«Règles élémentaires de transparence foulées aux pieds»

Selon un acteur du secteur qui a préféré garder l’anonymat, des dispositions du nouveau code foulent aux pieds «les règles élémentaires de la transparence». Ils en veulent pour preuve l’article 4 alinéa 26 du code qui établit le principe de l’offre spontanée, celle-ci étant jugée contraire à «l’éthique de transparence». L’article 77 du même code serait inscrit dans le même sillage. Il stipule entre autres que «pour le marché classé secret, un arrêté du ministre des Forces armées fixe les conditions dans lesquelles est assurée la protection du secret et des informations concernant la Défense nationale et la sécurité de l’Etat durant la procédure de passation et d’exécution des marchés.»

Autre disposition décriée, l’article 78 qui mentionne que «l’autorité contractante peut ne pas recourir à une des procédures d’appel d’offres prévues par le chapitre du présent titre pour les travaux, fournitures et services dont la valeur estimée est inférieure aux seuils fixés à l’article 53 du présent décret. La demande de renseignements et de prix doit alors être utilisée conformément à la procédure fixée par l’arrêté du ministre chargé de l’Economie et des Finances.»

«Piloté par une mafia et ses complices»

Sur toutes ces questions, le président du Syndicat national des entreprises du BTP et vice-président de la Confédération nationale des entreprises du Sénégal (CNES) n’est pas tendre avec le pouvoir, convaincu que le Sénégal n’est pas dans les dispositions de relever les défis économiques de l’heure.

Pour Abdel Kader Ndiaye, lui-même ex-membre de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), le processus ayant conduit au toilettage du code des marchés a été «piloté par un lobby, une mafia en complicité avec certains acteurs gouvernementaux.» Puis réaliste, il ajoute : «les régimes se succèdent, mais tous se ressemblent. Nous vivons les mauvaises pratiques du passé… On tripatouillait la Constitution, on tripatouille le dispositif de contrôle des institutions et des procédures de passation de marchés.»

Mais du côté de l’Armp, des assurances sont formulées par le directeur de la Réglementation juridique qui précise d’emblée : «je ne connais pas de mafia. Toutes les parties prenantes ont été associées aux travaux. C’est la logique du consensus qui a prévalu avec les mêmes principes de transparence que pour l’ancien code», précise t-il.

«L’activité économique a ses exigences»

Pour Bouna Manel Fall, «ce code est issu d’une évaluation conduite par la Banque Mondiale, et l’Armp a fait une évaluation qu’elle a soumise à l’appréciation des partenaires techniques. La société civile et le secteur privé ont été associés à ce travail de consensus. Toutes les parties prenantes ont pris parti avant que l’Etat signe, conformément aux dispositions réglementaires (fixées par) le décret. Tout s’est fait selon les règles de transparence.»

Du reste, Bouna Manel Fall appelle les acteurs à ne pas perdre de vue que  l’activité économique pousse à faire évoluer la réglementation. «Nous avons cherché, à travers ces modifications, à allier transparence et célérité dans l’exécution des politiques publiques», a-t-il expliqué à EnQuête. «Aujourd’hui, il fallait avoir des règles qui assurent plus de transparence. Tout ce qui était délai superflu a été revu. En guise d’exemple, on est passé d’un délai de 188 jours pour un marché classique à 108 jours», précise-t-il. Célérité et transparence certes, mais pas seulement. «Nous nous sommes inscrits dans le sillage de renforcer la responsabilisation des autorités contractantes. Nous cherchons à rendre le code plus performant.»

«Faire évoluer le système de passation des marchés» est une exigence car «dans tous les pays du monde, les réglementations n’ont pas été faites pour être figées. Il faut s’attendre à d’autres modifications, ce dans le souci de permettre aux autorités contractantes de mener à bien leurs procédures de passation de marchés, et partant d’absorber les crédits mis à leur disposition, en raison notamment de la lourdeur des procédures de l’ancien code de juillet 2011.»

 

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