Publié le 19 Jan 2015 - 19:27
COMMENTAIRE

Du pain béni pour  Karim Wade et Cie

 

Annoncé comme le procès du siècle au Sénégal, l’affaire Karim Wade est d’ores et déjà un cas d’école. Tout y est. Le cadre : la Cour de répression de l’enrichissement illicite, remise au goût du jour pour traquer de supposés prédateurs économiques et rapatrier les deniers publics.  L’inculpé : Karim Wade qui, il n’y a pas longtemps, était l’homme le plus puissant de ce pays. La qualité des avocats aidant, chaque jour le procès prend une tournure inattendue, voire inédite. Dans cette affaire, tout tourne autour de la communication.

Car, au sein de la défense, l’idée la mieux partagée est que les dés sont pipés. Une idée affirmée avec force par Karim Wade, la semaine dernière, après avoir été présenté de force devant la barre du tribunal: «Il faut arrêter tout ce cinéma. Vous avez déjà votre verdict en poche. Cela ne sert à rien de continuer les plaidoiries et les témoignages. Condamnez-moi tout de suite», martelait-il. A travers cette bravade, l’ex-ministre n’a fait que dire tout haut une conviction qui affleurait dans toutes les déclarations de ses conseils.

C’est pourquoi, dès le départ, les avocats de Karim Wade ont voulu faire et sont parvenus à faire de ce procès une bataille d’opinion. Et sous ce rapport, ils ont une longueur d’avance sur la partie adverse. A l’évidence, ils n’ont que faire de convaincre le président et ses assesseurs. D’où les incessantes digressions des avocats qui se soucient plus de présenter Karim sous les meilleurs auspices aux yeux de l’opinion et d’étaler ses réalisations à la tête des différents ministères qu’il a dirigés que d’interroger les témoins sur les faits. Et si on ne peut raisonnablement pas penser que l’ordre de brutaliser Karim Wade vient du président de la République ou du président de la Crei, on peut toutefois se demander si les préposés à la garde et à la sécurité de l’inculpé avaient besoin de lui éclater le genou pour l’amener à se présenter devant la barre.

Conséquence : tout ceci donne du grain à moudre à une défense et un inculpé qui n’en demandaient pas tant. Du pain béni. Karim Wade renforce son image de victime et met la pression sur les autorités, en entamant une courte grève de la faim. Tandis que ses avocats, qui se sont évertués jusqu’ici à faire feu de tout bois, ont une occasion rêvée de brouiller encore les cartes et d’acculer la Cour. Comme ils l’ont fait depuis le début. D’ailleurs, l’exaspération du président Henri Grégoire Diop est née de ses tentatives vaines de recadrer les débats et d’amener les conseils à ‘’parler des faits’’. Il aura tenu un peu plus de 6 mois, avant d’exploser, dans une ambiance de surenchère continue.

Comment sortir de cette nouvelle zone de turbulence ? On ose espérer que les réunions, d’une part entre le président de la Crei et le président de l’ordre des avocats ; et d’autre part Henri Grégoire et le Garde des Sceaux, auront donné des fruits. Nul doute que les conseils de Karim vont continuer à jouer à fond la carte de la victimisation. En tout cas, le président Diop s’en trouve fragilisé, alors que Karim Wade gagne en sympathie. Aussi, ne peut-on que regretter le manque de sérénité du juge dont l’exaspération grandissante fait le lit d’un procès biaisé et les affaires des inculpés, au détriment de la manifestation de la vérité.

Car, à ce stade du procès, le dossier d’accusation et les faits sont de plus en plus relégués au second plan. Vivement que la sérénité revienne !

 

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