Les événements du 23 juin 2011 ont-ils vraiment servi?
Nul ne réfute, et n’ignore l’impact que les évènements du 23 juin 2011 ont provoqué dans la chute des libéraux. Cependant, quatre ans après, le peuple se rend compte qu’il a mené cette révolution, justement, pour rien. Il se rend compte que ces évènements n’ont pas changé la perception que nos autorités ont de la gestion des affaires de la cité. Qu’au-delà de la chute du président Abdoulaye WADE et de ses ouailles, cette révolution n’a pas su assouvir, du moins jusque-là, les aspirations que les populations avaient placées en elle. Puisque, derrière la volonté d’arrêter Wade et « son ticket présidentiel », le peuple se battait pour un retour aux valeurs fondamentales de la République et de l’Etat de droit, jusque-là bafouées.
En réalité, le peuple, en dehors de l’affirmation d’un ras-le-bol, dû à la gouvernance tortueuse d’Abdoulaye WADE, avait trouvé dans cette lutte du 23 juin, la base du dépassement de la contradiction et de l’organisation politique, administrative et socio- économique future du Sénégal. Malheureusement, nous sommes en droit de reconnaitre, que ce que les Sénégalais, avec fierté, appelaient le 23 juin, était une petite révolution. Puisque, ce qui en est sorti ne correspond aux souhaits du peuple. Faudrait-il rappeler que les fondements véritables de cette révolte du 23 Juin étaient, d’abord, l’élaboration d’une rupture dans la façon de gouverner ? Or, la formalisation de cette rupture tarde à se réaliser. En outre, l’absence de contradiction s’intensifie depuis le départ des Wade du pouvoir. La preuve, l’attitude de certains collaborateurs du président de la République, après la sortie d’Ahmat Dansonkho. Elie Arié dans une tribune parue dans le Magazine Français Marianne en date du 11 Juillet 2010 intitulé « pourquoi la révolution n’est pas près d’arrivé » n’avait pas tort de dire que : « dans une révolution, les masses ne sont que le bélier qu'on envoie abattre la porte du château-fort avant que ceux qui les utilisent ne viennent prendre possession des lieux ».
Aujourd’hui, comme hier, les membres de la famille du chef de l’Etat sont au cœur de la République. Les scandales politico- judiciaires non élucidés sont le lot quotidien de l’actualité. Celui de la drogue dans la police, celui de la gendarmerie mis à nu par le colonel Ndaw, l’affaire Pétro-Chine et la Banque de Dakar qui impliqueraient le frère du président, la transhumance politique légalisée par Macky Sall, le scandale au niveau du foncier impliquant une administration dont on loue le professionnalisme, ont révélés autant de pratiques qui nous rappellent que le combat pour lequel le peuple était dans la rue ce 23 juin était une petite révolution. Madiambal Diagne du journal Le quotidien na t-il pas raison de parler d’un Etat déboussolé ?
Au niveau de l’indépendance de la justice, Abdoulaye WADE lors de la 53e réunion annuelle de l’Union internationale des magistrats (UIM), s’exprimant sur la question, l’ancien chef de l’État s’était livré à une comparaison choquante à travers la dialectique de l’esclave et son maître, devant des juges venus du monde entier. Il déclarait : « On pense généralement l’indépendance de la justice par rapport à l’exécutif, alors qu’il y a beaucoup d’autres contraintes. La question de l’indépendance des magistrats ne se pose pas car, psychologiquement, le magistrat ne veut pas être indépendant. C’est comme des esclaves. On les libère, ils font 200 mètres et ils reviennent pour dire : « je ne sais pas où aller »
« Qu’est-ce que vous voulez ? Si les magistrats ne veulent pas se libérer, qu’est-ce que j’y peux? S’ils ne veulent pas se libérer des contraintes économiques de l’exécutif, on n’y peut rien », avait ajouté le président de la République ».
Qu’est ce qui a changé dans la perception que les Sénégalais ont de leur justice, depuis lors ? On nous parle de rupture, mais où est la rupture, si c’est le Président de la République, à son niveau qui décide du dossier d’audit à transmettre à la justice ? Peut-on parler d’équité des citoyens devant une telle injustice ? Résultats des courses, pour des faits de prévarications des ressources des sociétés nationales dont ils avaient la responsabilité, des directeurs de sociétés, ont connu des traitements différents. Dès lors, il est difficile pour le citoyen de croire qu’il n’existe aucune injonction de la tutelle dans le fonctionnement de la justice. Il est vrai que la proximité entre le pouvoir Exécutif et Législatif laisse apparaitre une frontière tellement poreuse qu’elle donnerait l’impression, que c’est l’Exécutif qui détermine le temps de la justice.
On ne cessait de clamer haut et fort que la gouvernance sera sobre et vertueuse. Pourtant le gré à gré, et les décrets d’avance polluent cette gestion qui se voulait vertueuse. Les délestages et le manque d’eau sont légion. L’impunité est érigée en règle de fonctionnement. Les secteurs de l’Education et de la Santé ne sont pas en reste. Ce qui laisse dire au président Ahmat Dansokho, connu pour son-franc- parlé, que : « le pays est en danger ». D’ailleurs, qu’a-t-il dit de plus grave que le Pr Malick Ndiaye n’avait déjà évoqué en parlant de « dérive ethnique, dynastique, régionaliste de notre République » dans son livre intitulé « où va la République? ».
« Macky SALL doit répondre », n’est –ce- pas, Souleymane Jules diop ? Toutefois, « La seule condition pour que le mal puisse triompher, c’est que les bons ne fassent rien » Edmund BURKE.
Joyeux anniversaire tout de même !
Jean Collin SAMBOU