La Senelec en équilibre précaire
La fourniture d’électricité se fait régulièrement à la Senelec depuis plusieurs semaines. Mais il suffira de la panne d’une seule machine pour que des quartiers soient à nouveau plongés dans le noir. La société a épuisé ses capacités de production et ne disposent pas de moyens supplémentaires. Elle est comme une voiture sans roue de secours, selon ses propres termes. Le Dg et le ministre ont procédé hier à la visite des différentes centrales.
A côté des opérations techniques des agents de la Société nationale d’électricité, il faudrait peut-être des prières pour qu’une machine ne tombe pas en panne en ces jours qui passent. Il y a une disponibilité de 84% du parc. Presque l’essentiel des machines fonctionnent actuellement, afin d’assurer une fourniture sans interruption. Mais Il suffit qu’une seule machine tombe en panne pour que les délestages reprennent. C’est ce qui est ressorti de la visite effectuée hier par le DG de la boîte et le ministre de tutelle à travers les différentes centrales. ‘’Nous sommes en équilibre précaire. L’offre est égale à la demande. On n’a pas de roue de secours. S’il y a crevaison, on s’arrête’’, avertit Abdoulaye Dia, directeur des transports à la Senelec.
Les machines de pointe (tribune à gaz n°2 du Cap des biches et TAG4 de Bel air) qui ne doivent fonctionner qu’aux heures de la grande pointe (entre 19h et 23h) ont été mises à service hier. Ce qui est une preuve patente du déficit. Et le démarrage des trois centrales tant promises n’est donc pas pour demain. Celle de Sendou 1 est la plus avancée. D’après des techniciens, elle est attendue en 2017. Mais là aussi, mieux vaut être prudent, car cette centrale a été signée en 2008 et devait fonctionner en 2011. Un nouveau démarrage a été fixé en 2015, là également, rien. Autant dire donc que 2017 non plus n’est pas une garantie à 100%. Quant aux deux autres centrales, il faut les attendre au plus tôt en 2019 voire 2020 indique la source. Momar Ndao dénonce une absence de volonté de mettre les moyens qu’il faut. A son avis, il y a eu trop d’achats et de commandes qui ont été bloqués, alors qu’il s’agit d’investissement capital.
Face à la situation déficitaire, la Senelec essaie de trouver des solutions temporaires, en attendant les grosses centrales. Afin de passer la période de forte demande qui s’étale de juillet à octobre, des capacités supplémentaires sont recherchées avec des groupes de location. En principe 5 MW sont déjà installés. Le 5 du mois prochain, il y aura 20 MW. Et vers la fin du mois d’août, il y aura 20 autres. Ce qui fera 45 MW pour passer la période difficile. Ceci donnera à la Senelec une marge de 60 MW qui lui permettra de continuer à assurer la fourniture normale d’électricité ‘’en cas de perte d’une ou de deux machines’’, explique Abdoulaye Dièye. Seulement, là aussi un problème de coût de production se pose. En effet, alors que le fuel lourd utilisé pour les machines de la Senelec revient à 270 000 F Cfa, le gazole qui fait fonctionner les groupes est à 400 000 F Cfa.
En dehors de ces déficits, il y a celui du personnel. En guise d’exemple, à la direction du transport, sur un besoin de 185 personnes, il y a moins de 110 disponibles. Ce qui fait que le travail des agents est parfois jugé excessif.
Le ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall a d’ailleurs salué l’esprit d’abnégation. ‘’Une phrase qui m’a marquée est celle d’un chef de service qui déclare que parfois, il a honte de la manière dont il abuse de ses agents. Il arrive que des travailleurs fassent 14 heures à 20 heures de travail pour faire redémarrer un groupe qui a lâché’’, révèle-t-il. Mais d’après Momar Ndao le consumériste, le problème n’est pas uniquement lié au nombre. Il y a aussi de la démotivation occasionnée par la question des heures supplémentaires. ‘’Cela a nui à la dynamique de l’entreprise’’, affirme-t-il.
Esprit de sacrifice et laxisme
Cependant, autant le ministre salue cet esprit de sacrifice, autant il dénonce le laxisme béat qui règne parfois dans l’entreprise. ‘’Malgré l’esprit d’engagement et de sacrifice, il y a petit à petit une culture de résignation par rapport à la qualité. Quand on compare des centrales privées à côté de nous et des centrales propres à nous, on note bien que pendant les 30 à 40 dernières années, s’est installée une culture de fatalisme par rapport à la non-conformité à des règles qui finissent par devenir l’ambiance générale. Là également, le personnel dont j’ai salué l’engagement a un défi important’’, interpelle-t-il.
Le successeur de Maïmouna Ndoye Seck se fait plus précis dans la comparaison avec les privés. Il poursuit : ‘’Quand nous sommes personnels sénégalais chez les privés avec deux ou trois étrangers et de l’argent payé par le Sénégal, nous réussissons à être aux normes internationales les meilleures. Mais quand nous sommes entre nous Sénégalais, nous avons une autre ambiance et d’autres performances. Ce sont des problèmes de fond qui demandent tout un processus de changement de culture d’entreprise, de performance’’, souligne-t-il.
Porter plainte contre ceux qui vivent sous les lignes de haute tension Il y a des Sénégalais qui ont la peau dure. Certains citoyens vivent ou tiennent boutique dans des endroits où ils ne devraient y avoir ni habitations ni activités commerciales, du fait des lignes haute tension de la Senelec. C’est le cas de ceux qui sont sur le site de Hann. Les concernés ont été sommés à trois reprises et même déguerpis, mais rien n’y fait. Il y a même une construction qui a été démolie lors du dernier passage des responsables de la Senelec. Hier, lors d’une visite du ministre de l’Energie et du directeur de la Senelec dans les différentes centrales de la société, les autorités de tutelle ont dû constater que de nouvelles constructions étaient en cours à l’endroit même où il y a eu démolition. Ce qui n’est guère du goût du ministre Thierno Alassane Sall. Ce dernier a invité le DG de la Senelec Mamadou Makhtar Cissé à priver ces gens-là des services vitaux. ‘’Nous allons demander à Senelec d’engager les mesures pour que plus personne qui soit dans les servitudes puisse être abonné à l’électricité. Aussi, contacter la SDE pour qu’ils n’aient pas l’eau. On a vu ce qui s’est passé aux alentours de l’aéroport et les gens reprochent aux services de l’Etat de leur avoir facilité l’accès à l’eau et l’électricité. Les lignes hautes tension coûtent très cher. Les mettre en péril, c’est mettre en péril l’économie du pays’’, se montre-t-il ferme. Selon le ministre de l’Energie, il n’est pas acceptable que deux ou trois personnes sous prétexte qu’elles ont un titre foncier ‘’acquis d’ailleurs dans des conditions souvent litigieuses’’, puissent mettre en danger la vie des autres et l’économie d’un pays. ‘’Je les invite à aller au-delà, à porter l’affaire devant les cours et tribunaux, parce que c’est une mise en danger de la vie d’autrui. Le moindre incident, des personnes peuvent mourir tout de suite. C’est aussi une attaque à la sécurité du pays, puisque quand ces maisons impactent les lignes haute tension, elle impactent par la même occasion la disponibilité de l’énergie dans tout le pays.’’ |
BABACAR WILLANE