Publié le 17 Jan 2016 - 21:13
ABDOULAYE WILANE (PORTE-PAROLE DU PARTI SOCIALISTE)

‘’Une légitimité de groupuscules bruyants ne fait pas de quelqu’un un candidat’’

 

Le standing ovation auquel le maire de Dakar Khalifa Sall a eu droit à l’occasion de la récente rentrée solennelle de l’Ecole de son parti ne dérange nullement les dirigeants socialistes. Mieux, dans cet entretien avec EnQuête, le porte-parole du Ps soutient qu’on ne peut pas reprocher au maire de Dakar d’être ovationné ou proposé comme candidat à la prochaine élection présidentielle par certains militants du parti. Toutefois, Abdoulaye Wilane a tenu à préciser qu’‘’une légitimité de base ou une légitimité départementale, régionale ou de groupuscules bruyants ne fait pas de quelqu’un un candidat’’. Aussi, pour le maire de Kaffrine, personne ne peut, dans le contexte actuel, imposer au parti un quelconque choix qui n’est pas dégagé par les instances régulières du Ps.

 

Quelle appréciation faites-vous des derniers évènements survenus à l’occasion de la rentrée solennelle de l’Ecole du Parti socialiste ?

Une appréciation à deux temps. D’abord, le prétexte ou l’évènement parce qu’il s’agissait de la rentrée solennelle de l’Ecole du Ps. Cet évènement a eu lieu quelques jours après l’installation officielle du nouveau bureau de la structure des cadres du Ps dénommée Vision socialiste (Vs). Cette structure a eu comme premier coordonnateur Alioune Ndoye qui, depuis le dernier congrès, est devenu secrétaire national chargé de la formation et à l’éducation politique, directeur de l’Ecole du parti. Il était donc question pour nous de nous conformer à la mission, à la vocation des partis politiques qui, faut-il le rappeler, au-delà du concours à l’expression du suffrage, ont un rôle de formation, de conscientisation pour l’avènement d’une citoyenneté positive et constructive mais également l’éveil des masses à partir d’une formation adéquate.

Le Ps est crédité d’avoir à sa direction des dirigeants- hommes et femmes- qui ont reçu une bonne formation politique. Il est de leur devoir et de leur responsabilité d’inculquer une formation adéquate et adaptée à nos plus jeunes militants. Il y a aujourd’hui beaucoup de jeunes cadres, d’étudiants, d’élèves qui remplissent nos assemblées. Alors nous voulons donc préparer ces jeunes à leurs responsabilités futures surtout que dans le contexte actuel, le débat politique est très pauvre. Nous avons plus affaire à des gens qui font dans des querelles de clocher.

Et la deuxième appréciation ?

En ce qui concerne l’évènement survenu à l’occasion de la rentrée solennelle de l’Ecole du Ps, le défi de l’initiative a été relevé et le défi de la mobilisation l’a été sérieusement. Quand on parle de mobilisation, c’est que cela va au-delà des auditeurs, des formateurs qu’on devait former. Alors à chaque fois que nous organisons de telles rencontres, les identités remarquables du parti, ses grands responsables, au fur et à mesure qu’ils viennent à l’assemblée, sont ovationnés soit par les militants de leur base, soit par leurs sympathisants. Pour ceux qui ont l’habitude d’assister aux activités du parti, ils savent que c’est comme ça que cela se passe. A Dakar qui abrite la maison du parti qui est logée dans l’Union départementale, ce qui s’est passé, c’est qu’au moment où le secrétaire général du Ps est entré dans la salle, il y a eu un standing ovation.

Il s’est installé et les travaux ont débuté. Au moment où il devait faire son allocution, des responsables de Grand Dakar ont fait leur entrée dans la salle, accompagnés de jeunes dont certains étaient munis de bongo. Chantant les louanges de Apa Ndiaye et de Jean Baptiste Diouf, ils ont traversé la salle jusqu’au présidium parce qu’ils sont entrés par la porte de derrière. Ils ne s’étaient même pas rendu compte qu’Ousmane Tanor Dieng était au pupitre. C’est ainsi que les camarades de la 4ème coordination que dirige notre camarade Pala Samb, et certains éléments de Grand Yoff, ont salué et scandé le nom de Khalifa Sall et chanté même pour lui. Ce qui est tout à l’honneur du Ps. Parce que Khalifa Sall, tout comme Aminata Mbengue Ndiaye, Abdoulaye Wilane ou quelqu’un d’autre, à chaque fois qu’ils se présentent aux manifestations du parti, ils sont ovationnés par les militants de base qui sont fiers du combat qu’ils mènent en même temps qu’ils saluent les réalisations effectuées dans le cadre de leurs missions.               

Peut-on reprocher à Khalifa Sall d’être ovationné par le public et d’être proposé comme le candidat du parti ?

Pas du tout. Que Khalifa Sall, Aminata Mbengue Ndiaye, Serigne Mbaye Thiam, Abdoulaye Wilane, Barthélémy Dias ou même Mansour Mbaye soient ovationnés, il n’y a aucun mal à cela. Donc que le maire de Dakar soit applaudi, cela ne nous gêne pas. Au contraire. Nous sommes un parti à l’intérieur duquel tous les responsables du secrétariat exécutif, du bureau politique, des unions régionales ou des coordinations, sont aimés et adulés par nos camarades qui les applaudissent. Donc il n’y a aucun problème. Je ne vois pas l’utilité de fouetter un chat dans cette affaire.

Comment expliquez-vous donc la polémique qui s’en est suivie ?

Ce qu’il  faut  dire et regretter, c’est que des gens mal intentionnés, dans un contexte de civilisation du numérique, ont, à la faveur d’une page Facebook, publié des images retouchées. Que des souteneurs de Khalifa Sall à la périphérie du parti, ayant pour objectif de promouvoir un camarade tel qu’il soit, aient filmé cela et fait des montages pour le publier et le signaler à des sites internet ou des journaux à des fonds de positionnement, c’est cela qui est regrettable. Parce que cela a non seulement brouiller notre communication évènementielle qui correspondait à la rentrée solennelle de l’Ecole du parti, mais aussi notre communication qui consistait à rappeler à toutes les formations politiques leur devoir impérieux de promouvoir une politique de formation pour améliorer le débat d’idées et préparer de futurs dirigeants. C’est cela que je regrette. Je condamne ce procédé qui est à la fois lâche, malhonnête et vicieux.

Est-ce que le standing ovation auquel Khalifa Sall a eu droit ne traduit pas une certaine légitimité du maire de Dakar à défendre les couleurs du parti à la prochaine élection présidentielle ?

Dans un parti comme le Ps, toute personne qui est à la tête d’une coordination, d’un département ou d’une union régionale, a une légitimité politique, une base. Alors lorsqu’il s’agit de candidature, ce qui fonde une légitimité c’est d’ordre pluriel. Lisez Pierrot Ravalon, il y a plusieurs légitimités qui doivent sous tendre la stature de présidentiable de quelqu’un : légitimité intellectuelle, légitimité programmatique, légitimité électorale, légitimité affective et j’en passe sans être exhaustif.

Est-ce que Khalifa Sall a aujourd’hui toutes ces légitimités que vous énumérez ?

Khalifa Sall, maire de Dakar, secrétaire général de l’Union départementale, est bien sûr légitime dans son parti en tout cas, dans sa base au moins.   

Un des responsables socialistes accuse Khalifa Sall d’être l’instigateur de cette situation et demande des sanctions à son encontre. Partagez-vous son avis ?

Ecoutez, vous dites un des responsables du Ps, moi je me nomme Abdoulaye Wilane, maire de Kaffrine, Secrétaire général de l’Union régionale du Ps de Kaffrine.

Pour le citer nommément, c’est votre camarade Cheikh Seck qui a fait cette déclaration.

Je ne suis pas Cheikh Seck. Je ne suis ni son porte-parole encore moins celui de Khalifa Sall. Ce que je peux dire de manière claire, nette et sans ambages, c’est que quand bien même je comprends les motivations et les raisons qui ont dû amener Cheikh Seck à parler comme il l’a fait, force est de reconnaître qu’il ne parle qu’à son nom et pour lui-même. Il s’y ajoute, et c’est important, que lorsque des gens ont le toupet de faire des montages grotesques et de diffuser des idées fausses, ils doivent s’attendre à ce que les gens aient des réactions à la limite proportionnelle à leur affront. Ce que je souhaite, c’est que nous rappelions que la force d’un parti, c’est la discipline, la force d’un parti dit socialiste, c’est que le cordon ombilical qui nous lie doit en toute circonstance et devant n’importe qu’elle ambition, être sauvegardé et préservé. Je veux parler de la solidarité. Encore une fois de plus, je ne peux pas partager le point de vue de Cheikh Seck parce que je ne suis pas Cheikh Seck. Même si je comprends les raisons qui l’ont amené à parler comme il l’a fait parce qu’ils sont nombreux dans le parti à être choqués par les idées qu’on fait passer comme étant des réalités dans le Parti socialiste.

Doit-on sanctionner Khalifa Sall à cause de cette situation ?

Le Parti socialiste est un parti démocratique, un parti de débats et d’idées. On ne peut pas vouloir imposer à un parti comme ça une ligne, un homme. Souvenez-vous, avant 2012, le débat qui faisait rage, c’était autour de la problématique de la candidature naturelle ou normale ou autre. Or, au Ps, à chaque fois qu’il s’agit d’élection, nous avons des procédures et des mécanismes de désignation. Le moment venu, dans les même formes et peut être cette fois-ci améliorées avec même probabilité d’ouverture aux citoyens, nous allons faire appel à candidature.

Et, tous les postulants auront le droit de concourir. Vouloir, ici et maintenant, nous imposer du dehors, à la faveur d’un chantage ou d’un lynchage médiatique, une démarche pareille, c’est mal connaître ou ignorer la perspicacité du leader du parti, Ousmane Tanor Dieng et des membres du bureau politique. En tout état de cause, une légitimité de base ou une légitimité départementale, régionale ou de groupuscules bruyants ne fait pas de quelqu’un un candidat. Le Ps à la veille de l’élection présidentielle fera l’analyse, décidera oui ou non  d’aller à ses élections, oui ou non d’aller seul ou en coalition, oui ou non d’avoir un candidat issu strictement de son parti ou d’un parti avec lequel il sera en alliance. Personne pour le moment ne peut vous donner sauf quelqu’un péremptoire, une réponse qui sera celle du parti. Encore une fois de plus, le moment opportun n’est pas arrivé.

Est-ce que la question de la candidature n’est pas une bombe à retardement au niveau du Parti socialiste ?

Il ne peut pas s’agir d’une bombe et surtout pas d’une bombe à retardement. Je rappelle et je le répète, j’ai dit que nous sommes un parti démocratique, nous ne sommes pas uniquement un parti qui s’en proclame mais nous le vivons. Ceux qui jadis, auparavant, n’étaient pas dans les instances et nous critiquaient, quand ils sont venus à l’interne, ils ont pu se rendre compte de la profondeur et de l’ancrage réel de la démocratie dans le parti.

Maintenant, la candidature, il y en a qui voudrait qu’on la règle sous forme de prophétie en donnant une réponse actuelle à une question ultérieure. Mais dans la vie, tout est relatif, tout est changeant. Au jour d’aujourd’hui, quelqu’un peut être dans l’opposition, dans le pouvoir ou à la périphérie et même dans la société civile, être crédité d’une probabilité d’affection, alors que d’ici les élections, les données peuvent changer. Le moment venu, c’est-à-dire quand on saura la date des élections, le débat est tranché. Et je rappelle que pendant l’année 2015, je me suis fait l’écho d’une position de parti qui voulait que le référendum ait lieu au plus tard au dernier trimestre de l’année 2015. Nous sommes en 2016. Quand on fera le référendum, quand on saura la date de la survenue de l’élection présidentielle, en ce moment-là, nous allons apprécier une situation concrète et sortir des résolutions concrètes à partir desquelles nous allons envisager l’avenir.

Je remercie tous ceux qui pensent que le Ps est intéressant, qu’il doit faire la ‘’Une’’ des organes de presse. Je leur demande seulement de comprendre qu’ils ne peuvent pas vouloir faire notre bonheur à notre place et pour notre compte. Nous savons ce que parler veut dire, nous savons ce que faire la politique veut dire. Ce qui intéresse le Ps, ce n’est pas son identité seulement, mais ce sont les idées, l’offre programmatique, l’avenir et la stabilité de ce pays. Et pour l’instant, dans le cadre de Benno bokk yaakaar, si nous étions en désaccord, on serait aujourd’hui en toute loyauté ou en toute souveraineté, amené à dire : non on n’est pas d’accord. Mais tant qu’on est encore dedans, laissez-nous travailler pour le Sénégal, laissez-nous servir les Sénégalais parce qu’en définitive, ce qui est important, c’est servir notre pays.   

N’est-il pas encore temps pour le Ps de se déterminer par rapport à cette question de la candidature ?

Vous avez raison de poser cette question. A l’intérieur du parti, il y a des voix qui s’élèvent qui vont dans ce sens. A l’étranger chez nos compatriotes, il y a des voix qui s’élèvent qui vont dans ce sens. Mais le point de vue majoritaire, le point de vue qui structure la ligne du parti est que ceux qui veulent avoir l’honneur et le privilège, un jour, d’être investi par le parti, doivent d’abord apprendre à convaincre sans contraindre dans les rangs du parti ceux qui sont demain appeler à choisir. Ceux qui sont appelés demain à choisir, ce sont des assemblées des électeurs peut-être même ouvertes à des citoyens mais dans les coordinations, et le tout fera le corps électoral. Ensuite, lorsque quelqu’un veut dire à un pays, je veux conduire aux destinées de cette nation, il devra le faire sur la base d’idées qui procèdent d’une rencontre avec le peuple, un dialogue avec le peuple électeur. Et à partir de ce moment, vous faites une offre programmatique qui peut être amélioré, enrichi par des alliés, des souteneurs, des partenaires, et même des partis coalisés. C’est ce que nous attendons, parce qu’une fois de plus, si nous parlons de formation, c’est parce que nous pensons que les partis doivent arrêter d’être animés sur la base de querelles de positionnement. ‘’Je suis meilleur que toi, ôte-toi que je m’y mette’’, ce n’est pas sérieux.

La formation des militants est donc  une nécessité, selon vous ?

 Oui. On ne peut relever le défi de la parité et de l’amélioration qualitative de notre démocratie que lorsque nous aurons dans les partis politiques des jeunes hommes et femmes mais surtout des femmes intellectuellement bien assises, techniquement compétentes et politiquement bien engagées. Si elles s’engagent en politique, il faudra que cela se fasse sur la base d’une identité, d’une idéologie et de débat d’idées programmatique.

Alors, nous lançons solennellement un appel  aux jeunes femmes, aux jeunes filles de ce pays qui sont nombreuses à aller à l’école à venir au Ps et à investir les autres formations politiques. Parce qu’en le faisant, prochainement, à l’occasion des élections législatives, des élections présidentielle et même locales, on pourra avoir des femmes techniquement compétentes, intellectuellement solides et denses et, sur le plan politique, engagées avec un patriotisme en bandoulière. Alors à ce moment, nous n’aurons pas la formation au rabais, nous n’aurons pas des débats au ras de pâquerettes, nous n’aurons pas des débats qui ressemblent à des arènes de lutte.

PAR ASSANE MBAYE

 

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