Le printemps agité du Vatican
Une personne, "en possession illégale de documents confidentiels", a été arrêtée au Vatican, et "se trouve à la disposition de la magistrature" a indiqué vendredi 25 mai le porte-parole Federico Lombardi. La déclaration ne précise pas à quand remonte cette interpellation, survenue dans le cadre de l'enquête sur les fuites de documents du Vatican dans la presse italienne, ni de qui il s'agit. La presse italienne indique qu'il s'agirait du majordome des appartements du pape, tout en se montrant sceptique sur l'étendue de sa culpabilité. Cette annonce intervient au lendemain du limogeage du président de l'Institut des oeuvres de religion (IOR) , ou banque du Vatican, organisme qui avait fait les frais de divulgations dans la presse.
Nommé il y a moins de trois ans pour assurer transparence et crédibilité dans les affaires financières du Vatican, jugées peu conformes au droit international, le président de la "banque du pape", Ettore Gotti Tedeschi, catholique fervent et spécialiste d'éthique de la finance, a été contraint à la démission, jeudi, par son conseil qui, à l'unanimité, a jugé sa gestion déficiente. Cette démission forcée serait due aux conflits et divergences de vues au sein de l'administration vaticane, sur la manière de satisfaire aux exigences des instances européennes en matière de lutte contre le blanchiment.
Ce limogeage, décidé quelques semaines seulement avant la décision des experts européens d’inscrire ou nom le Vatican sur leur « liste blanche », peut être interprété comme une nouvelle étape dans la volonté de "purification et de renouveau" voulue par le pape Benoît XVI pour la gouvernance de l'Eglise. Mais cet épisode, dernier en date d'une série qui embarrasse le Vatican depuis plusieurs mois, illustre surtout la difficulté du pape à imposer ses vues et à gérer les dossiers sensibles de son pontificat.
Signe de cette fragilité, la multiplication de documents confidentiels qui ont fuité dans la presse ces derniers mois. Ces courriers au pape ou ces télégrammes diplomatiques, divulgués par les journaux italiens et le journaliste Gianluigi Nuzzi qui vient de signer un nouveau livre intitulé "Sa Sainteté: les papiers secrets du pape", évoquent des affaires de corruption, d'opacité financière mettant en cause la volonté de transparence de l'IOR, des scandales de pédophilie ou de déviations sexuelles de prêtres, des échanges sur les conséquences de la réintégration quasi certaine des intégristes dans le giron de l'Eglise, la situation des Légionnaires du Christ, touchés par divers scandales de moeurs ou bien encore les pressions vaticanes sur des sujets de société en Italie...
"Fin de règne"
Affaibli par ces révélations, le Vatican a réagi avec une virulence notable le 19 mai, estimant que "la publication de documents confidentiels du pape" relevait d'un "acte criminel", évoquant la "violation de la vie privée et de la dignité du pape" et promettant que les auteurs de ces fuites répondraient devant la justice.
Ces fuites alimentent aussi un climat de "fin de règne", alors que le pape, âgé de 85 ans et de santé fragile, n'a pas souhaité se séparer de son numéro 2, le secrétaire d'Etat, Tarcisio Bertone, 77 ans, et contesté au sein même de la Curie. Elles surviennent en outre alors que le Vatican, et le pape en première ligne, pourraient connaitre prochainement une nouvelle période de turbulences, dans l'hypothèse où les lefebvristes de la Fraternité Saint-Pie X étaient réintégrés dans l'Eglise catholique après vingt-quatre ans de schisme, de défiance et de tensions avec les fidèles et le clergé.
L'épilogue de ce dossier épineux, personnellement porté par Benoît XVI en dépit de réticences internes, pourrait déstabiliser une partie des fidèles particulièrement attachés aux enseignements du concile Vatican II, que rejettent les intégristes. Et ouvrir un nouveau front de contestation dans l’Eglise catholique, déjà aux prises avec des mouvements de prêtres contestataires ou « désobéissants » dans plusieurs pays européens.
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