L'information bidon derrière le prétendu béton
Quelquefois, le journaliste reçoit une ou des informations d'une "source plus ou moins fiable" (pour reprendre le mot de l'homme politique sénégalais Moussa Touré), avec à la clé son informateur qui lui dit : ‘’Non, non, ce n'est pas la peine de vérifier ; l'information que je vous ai donnée là, c'est du béton.’’ Qu'à cela ne tienne ! En journalisme comme en d'autres secteurs, la confiance n'exclut pas le contrôle. Mais, souventes fois, la source trop sûre de son information est vexée ou s'offusque quand le journaliste l'avertit que les informations qu'elle vient de communiquer vont faire l'objet d'une vérification contradictoire. ‘’Ce n'est pas la peine de vérifier, je vous dis.’’ Ou alors : ‘’Vous ne me faites pas du tout confiance et doutez de ma parole ? Ce n'est plus la peine qu’à l'avenir je vous donne d'autres informations donc !’’
Que le journaliste ne se laisse point émouvoir ni impressionner par de telles assurances en n'oubliant pas qu’‘’une source n'est jamais fiable à cent pour cent’’ et que ‘’toute information non vérifiée n'en est pas une’’. Même si le journaliste a absolument confiance en sa source, cette confiance ne saurait faire sauter l'étape de la vérification dans la recherche de l'information. La vérification qui est elle-même un vrai défi.
Savoir être ferme face à ce chantage moral (‘’vous doutez de moi ? ‘’) est une des qualités que doit avoir le journaliste. Aussi sympathique que soit la source, il ne doit y avoir de contrainte pour peser, soupeser, retourner dans tous les sens ce qu'elle soutient être une vérité irréfragable. Si le journaliste doit faire confiance à toute personne qui lui jure confiance, il se retrouverait à la longue et dans sa pratique professionnelle sujet à caution, un élément dont il faut se douter.
C'est par des assurances comme celle-là que se manifeste la manipulation que le dictionnaire définit comme étant ‘’l'action d'orienter la conduite de quelqu'un, d'un groupe, dans le sens qu'on désire et sans qu'ils s'en rendent compte’’. En d'autres termes, manipuler le journaliste, c'est lui faire diffuser une ou des informations sur un ou des faits et dans le sens que la source souhaite que cette information soit traitée par le journaliste et reçue par le public.
La manipulation peut user de la rumeur (voir la dernière édition d'Avis d'inexpert sur la rumeur) comme outil. Un pouvoir, politique surtout, peut dans certains cas recourir à la manipulation et à la rumeur qui deviennent ainsi des ‘’aides à la prise de décision’’, un terme cher aux conseillers en communication. Il y a eu ce que d'aucuns appelaient ‘’comité Sandial’’ - Sandial du nom de ce quartier de Dakar-Plateau qui fut un espace de distillation et d'expansion des ballons sondes de l'opinion. Le président de la République envisageait-il un remaniement ministériel, que ces services spécialisés en faisait courir la rumeur, citant des noms de personnes qui allaient changer de département, quitter le gouvernement ou rester encore et, bien sûr, ceux qui allaient faire leur entrée.
Jusqu'à nos jours, certains organes de presse n'ont pas su éviter des opérations similaires. Annoncer comme ‘’très imminent’’ (sic) le départ de Mahammed Boun Abdallah Dionne de la Primature, (un site d'informations dakarois a eu à annoncer cela) sans compléter par une précision sur la date (pas indicative ni approximative) à laquelle devrait intervenir ce limogeage. La manipulation consistera à répandre la fausseté sur le remaniement et voir comment l'opinion la recevrait, réagirait au congédiement de certains ministres (il se peut que les partisans du déchu se mettent en colère, brûlent des pneus, menacent de vote-sanction), à la promotion de telle autre personnalité.
C'est pour toutes ces raisons et bien d'autres que le journaliste s'arme toujours de cette précaution professionnelle qui permet de faire la différence entre le ‘’bidon’’ et le ‘’béton’’.