Publié le 31 May 2018 - 22:45
XAVIER BORA (FUMEUR)

‘’Mon père ne m’adresse plus la parole, à cause du tabac’’

 

A 46 ans, Xavier Bora, professeur d’Histoire et Géographie, est dépendant du tabac. Ce père de 2 enfants ne compte pas arrêter la cigarette, même si sa vie est actuellement en jeu. EnQuête l’a suivi une partie de la journée.

 

Il sort de son école et se dirige directement vers la boutique. ‘’Boy jox ma ñetti Marlboro rouge. Non, dollil ñaar’’, (vends-moi trois Marlboro rouge, rajoutes-en deux). Il tend un billet de 1000 francs au vendeur avant de sortir un briquet de sa poche pour allumer sa cigarette. Lui, c’est Xavier Bora, un professeur d’Histoire-Géographie dans un lycée de la place. Elancé, teint noir, la mise bien soignée, Prof Bora entretient une relation très étroite avec le tabac. La preuve, il fume presque deux paquets par jour.  Ce qui veut dire qu’il dépense en moyenne 1 400 francs par jour, vu le prix du paquet qui est de 700 francs.

Ce quadragénaire a commencé à fumer à l’âge de 16 ans.  Au début, narre-t-il, c’était une affaire de jeunesse. Après l’obtention de son bac, il est parti en boîte avec ses amis. La soirée fut belle. ‘’Nous avons dansé et bu. A un moment donné, un de mes copains a sorti des cigarettes qu’il a distribuées à tout le groupe. Nous nous sommes mis à fumer et à faire la fête. Quand je suis rentré, j’ai tellement vomi que j’ai décidé d’arrêter’’, explique M. Bora. Mais il n’y est jamais arrivé, surtout avec le groupe qu’il fréquente. Deux jours plus tard, ils ont organisé une rencontre entre amis. ‘’Nous avons acheté plusieurs paquets de cigarettes. Depuis ce jour, je n’ai pu arrêter. A l’université, c’était pareil. On se disait qu’un vrai guerrier devait fumer. Quand on drague les filles, on fume devant elles, avec beaucoup de charme, pour mieux les attirer’’, raconte-t-il en s’esclaffant.

En quelques minutes, il termine ses 5 cigarettes. ‘’Fini la pause, je dois retourner en classe’’, dit-il. Alors qu’il est presque l’heure de la descente. Je lui demande : ‘’Qu’est-ce que vous allez faire en classe, c’est la descente ?’’ L’enseignement rétorque : ‘’Je vais prendre mes bagages et dire au revoir à mes élèves.’’ Lorsqu’il repasse la porte de l’école, il est surpris de me revoir. ‘’Mais qu’est-ce que vous voulez ?’’ Pas de réponse.

Nous cheminons ensemble. En cours de route, on se rend compte que M. Bora est accro au tabac. ‘’Je peux passer toute une journée à fumer, sans manger. C’est une dépendance. Je ne peux pas arrêter. Je me lève deux fois dans la nuit pour fumer’’, confie-t-il. Chaque jour, avant de se coucher, il laisse une cigarette sur sa table de nuit. C’est pour qu’au réveil, il puisse fumer avant même de prendre son bain. ‘’Je deviens nerveux quand je ne fume pas. Le tabac et moi, c’est comme l’organisme et le cœur. Quand le cœur arrête de battre, on meurt. C’est le tabac qui commande ma vie. Je n’y peux rien’’, se résigne le professeur d’Histo-géo. Pourtant, il a une fois essayé d’arrêter, après une longue maladie.

‘’C’est la tombe qui me séparera du tabac’’

Ce père de 2 enfants, célibataire, a été hospitalisé trois mois durant dans un hôpital. ‘’J’ai fait un mois en réanimation. Ma famille n’avait plus espoir. Mais, par la grâce de Dieu, je suis là à vous parler aujourd’hui. J’ai recommencé à fumer 6 mois après ma sortie de l’hôpital. Je ne sais pas ce qui m’a poussé à reprendre. Alors que j’avais décidé d’arrêter. Maintenant, je sais que c’est la tombe qui me séparera du tabac’’, dit-il le visage un peu anxieux. Il soutient que quand il veut arrêter, il a l’impression que quelqu’un l’encourage à continuer. ‘’Il y a une voix qui me dit de continuer chaque fois que je veux arrêter. C’est bizarre, mais c’est ça. Mon père ne m’adresse plus la parole à cause du tabac. Cela me fait énormément mal. Mais je ne peux pas arrêter’’, confie M Bora.

Du lycée au marché Castor, il a terminé un paquet. C’est-à-dire qu’entre 11h et 13h30, il a fumé plus de 20 cigarettes. Xavier Bora achète toujours au détail, depuis qu’on a mis des images sur les nouveaux paquets de cigarettes. ‘’Quand je regarde les images, j’ai envie de vomir. Cela fait peur. Je pense que le ministère n’est pas gentil avec nous’’, dit-il sur un ton taquin. Arrivés à une place, nous nous asseyons sur un banc public.

V. DIATTA
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