Publié le 22 Jun 2020 - 19:49
MATAM - IMPACTS DU CORONAVIRUS

La Covid-19 vide les structures de santé

 

Depuis le 2 mars, la pathologie de la Covid-19 cristallise toutes les attentions. Elle occupe une place primordiale dans le dispositif gouvernemental de lutte et de prévention des maladies. Et la communication qui l’accompagne a fini de faire ranger les autres maladies aux oubliettes. Désormais, chez les populations de Matam, ‘’tous les chemins mènent au coronavirus’’.

 

Les structures de santé subissent de plein fouet les affres de la Covid-19 dans la partie nord-est du pays. Les affluences constatées aux heures matinales ont disparu pour laisser place à des couloirs déserts. Le nouveau coronavirus, présenté comme étant extrêmement contagieux, a fait fuir les patients. Au centre hospitalier régional d’Ourossogui, les recettes ont considérablement diminué, depuis que la Covid-19 est sur toutes les lèvres, indique le directeur de la structure Mamadou Ndiaye.

‘’L’hôpital ne fait quasiment plus de recettes. Les couloirs sont vides. Il n’y a plus de patient. La pharmacie ne fonctionne même plus. Ceux qui sont malades refusent de venir se faire consulter ou soigner, de peur d’être déclarés positifs au coronavirus. C’est dangereux pour les populations de déserter l’hôpital mais, en même temps, ce n’est pas bien pour nos finances’’, explique-t-il.

En effet, les nombreuses campagnes de sensibilisation qui entourent ce virus, qui a déjà infecté un peu moins de 6 000 personnes au Sénégal, ont fait le lit d’une phobie incontrôlée à l’égard de cette maladie.

Cette nouvelle attitude des populations envers les structures sanitaires a été aussi constatée par le président du Comité de développement sanitaire du district de Thilogne, Aly Sall, qui, comme le directeur de l’hôpital d’Ourossogui, voit sa structure confrontée à de réels problèmes de trésorerie, au point de faire appel à la collectivité. ‘’Nous souffrons avec cette pandémie qui a terrorisé nos populations. Nos caisses sont vides et nous avons tous les problèmes pour honorer nos engagements avec le personnel. C’est le lieu, d’ailleurs, de remercier le maire de Thilogne, Sidy Kawory Dia, qui a décidé de prendre en charge le salaire de 3 sages-femmes pour une durée d’un an. Cette situation est le revers de la médaille de cette sensibilisation à outrance sur le coronavirus’’, dénonce-t-il.

En effet, la Covid-19 suscite à la fois peur et honte auprès des populations locales, majoritairement analphabètes. Et la quarantaine imposée aux patients de la Covid-19 a aussi développé une forme de honte dans les mentalités. La jeune dame trouvée dans une grande maison à l’entrée du village de Saré Liw (village de la commune de Dabia ayant enregistré un cas) ne veut même pas entendre parler du coronavirus. ‘’Ooh monsieur, pour l’amour du ciel, ne prononcez pas cette maudite maladie dans ma maison’’, lança-t-elle en tournant le dos. L’expression de son visage montrait nettement que le sujet l’embarrassait. Après bien des minutes, elle finit par nous confier sa peur. ‘’Dans ce village, celui qui attrapera ce virus aura des problèmes, parce que les gens le stigmatiseront. Ces derniers jours, j’ai des vertiges quand je me mets debout. J’ai voulu aller au poste de santé, mais je n’ai pas osé. Si mes voisines me voient rentrer dans cet endroit, elles vont me fuir et iront raconter à tout le village que j’ai chopé le virus de la Covid-19. J’ai préféré rester chez moi et gérer ma maladie. Le coronavirus-là, c’est la maladie de la honte’’, dit-elle sur un ton dégoûté. Contrairement à elle, Kaw Doro ne croit pas en l’existence de la maladie.  La cinquantaine révolue, il se déambulait dans les rues d’Ogo sans le masque de protection contre le coronavirus. Il est bien au fait de la mesure du port obligatoire du masque, mais il en fait fi : ‘’Je vous assure qu’on vous raconte des histoires avec ce virus. Il n’existe pas. C’est de la politique’’, insiste-t-il. Et de poursuivre : ‘’Je suis certain que cette maladie est une invention, mais je ne laisserai pas les membres de ma famille fréquenter le poste de santé, non pas que j’ai peur pour leur santé, mais pour éviter d’être stigmatisé. Tout le monde a entendu ce qu’on raconte dans les médias sur le coronavirus. Ils sont nombreux, dans ce village, à croire ce qui se dit. La première personne qui amènera le coronavirus ici, c’est certain qu’elle ne s’en relèvera pas. Elle mourra de stigmatisation’’, dit-il avec toute l’assurance qui caractérise un homme de son âge.

L’exception de Sinthiou Bamambé

A une trentaine de kilomètres vers le Sud, dans le département de Kanel, au village de Sinthiou Bamambé, la situation est tout autre. A 9 h 50 mn, le poste de santé est déjà pris d’assaut par les patients. La plupart sont des femmes. Elles ont toutes leur masque, alors que d’autres se sont enturbannées avec leur foulard. Visiblement, le coronavirus n’a pas changé les habitudes par ici. L’infirmier chef de poste, Ass Thiam, avec sa blouse immaculée, confirme la constance des affluences. ‘’Rien n’a changé en termes d’affluence dans la structure que je dirige. Les patients continuent à venir se consulter ou se soigner sans crainte, malgré la présence du coronavirus. En fait, j’ai anticipé la situation, en adaptant mon discours au niveau de compréhension de la population. J’ai sensibilisé sur les gestes barrières, sur le lavage des mains notamment. Aujourd’hui, elles savent toutes comment se prémunir de la Covid-19. C’est parce qu’elles ont compris mon message qu’elles n’ont pas peur de fréquenter le poste de santé. Mes collègues m’ont parlé des patients qui ont déserté les structures de santé, c’est dommage. Mais chez moi, en toute sincérité, je continue à recevoir quasiment le même nombre de patients qu’avant la pandémie’’, assure-t-il.

L’Infirmier chef de poste de la commune de Sinthiou Bamambé Banadji et son équipe ont intelligemment mis l’accent sur les dangers du coronavirus sans exagération, semble dire M. D. ‘’Pourquoi avoir peur d’une maladie comme les autres ?, répond-elle à la question, comme si elle n’avait pas peur de fréquenter le poste de santé, en cette période de pandémie. Je sais que je ne présente pas les symptômes de la Covid-19, donc ce n’est pas parce que je suis rentrée dans le poste que je vais choper le virus. Je respecte les gestes barrières comme on nous l’a recommandé. Maintenant, je suis ici pour une autre pathologie. Je suis régulièrement terrassée par la constipation et je suis venue voir l’infirmier pour me soigner’’, précise-t-elle.

Le virus continue sa progression timide dans la région de Matam. Depuis sa première apparition, le 1er de ce mois, la Covid-19 a infecté 16 personnes dans les départements de Matam et Ranérou. Une montée qui continue d’accentuer le divorce temporaire entre les populations du Nord et les structures de santé.

Djibril Ba

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