L’arrêté qui indispose
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Un arrêté ministériel faisant état de l’avancement des 120 agents de la 37e promotion insupporte les autres agents des 33e, 34e, 35e et 36e promotions. En passant brigadiers, ceux qui étaient jusqu’ici leurs cadets deviennent leurs chefs. Ils sont plus de 300 agents en colère qui crient à l’injustice et n’excluent pas de saisir la justice ou le médiateur de la République.
L’arrêté n°014747 du ministre de l’Intérieur portant inscription et promotion des membres de la police nationale dans le corps des agents de police, au titre de l’année 2020, signé le 18 août dernier, ne passe pas au sein de la police. Le document, parcouru par ‘’EnQuête’’, renseigne que 120 agents de police 1re classe, 3e échelon sont promus au grade de brigadier des agents de police 1er échelon. Une bonne nouvelle pour ces agents de la 37e promotion de l’Ecole nationale de la police et de la formation professionnelle.
Mais cette décision a soulevé l’ire des agents des 33e, 34e, 35e et 36e promotions fortes de plus de 300 éléments qui jouissent d’une plus grande ancienneté que ceux qui sont promus.
Selon nos sources, cette nouvelle a mis le feu au sein de la police nationale, depuis quelques jours. ‘’C’est avec stupéfaction et incompréhension que des agents des 33e, 34e, 35e et 36e promotions ont constaté que les agents de la 37e promotion sont passés brigadiers, devenant ainsi leurs chefs. L'arrêté est truffé d'erreurs. Ce qui attise notre colère, c'est le non-respect des règles d'avancement’’, soufflent, estomaqués, nos interlocuteurs. Selon qui la hiérarchie policière, pour se défendre, soutient que cette situation est due à la validation, par les agents de la 37e promotion, de leurs deux années de service militaire.
Mais nos interlocuteurs y voient une injustice et ne comprennent pas. Face à ce qu’ils considèrent comme une politique de deux poids, deux mesures, les agents des promotions concernées ont, dit-on, pris la décision unanime de ne pas reconnaître les agents de la 37e promotion comme leurs supérieurs.
Saisine de la justice ou du médiateur de la République
Pour l'heure, selon nos sources, ils sont en train de se concerter pour décider de la saisine, soit de la justice ou du médiateur de la République, pour qu'ils soient rapidement rétablis dans leurs droits. ‘’Cet arrêté a fini d'installer un vrai malaise dans tous les services où il y a un vent de rébellion, car les agents victimes de ce qu'ils ne peuvent pas expliquer refusent de reconnaître les nouveaux gradés qui passent de cadets à brigadiers. Les chefs de service vont aussi être confrontés à un sérieux problème de réorganisation des services, car il faut mettre à la tête des brigades et sections les nouveaux gradés. En tout, si la hiérarchie ne rectifie pas cette anomalie, elle risque de constater, dans les jours à venir, les conséquences fâcheuses de l'arrêté que le ministre a sûrement signé de bonne foi’’, prévient-on.
Nos interlocuteurs considèrent que cette 37e promo n'a fait que bénéficier de favoritisme. Un constat qu’ils ont fait, depuis maintenant un peu plus d’une année. ‘’En plus de l'explosion des notes d'affection individuelle d'agents de police, c'est la violation flagrante des règles d'avancement. Rien ne peut expliquer, ni justifier la forfaiture de la hiérarchie. On recale des gens qui n'ont jamais été sanctionnés et qui devaient donc bénéficier d’un avancement normal. Cette injustice, il faut la signaler. Elle concerne des centaines de fonctionnaires issus de plusieurs promotions’’, poursuivent nos sources.
‘’Ceci n’est point un concours, mais du forcing’’
Elles sont d’avis qu’il faut s’assoir avec les hautes autorités et discuter, afin ‘’qu’elles remédient à cela. C’est très frustrant. C’est inconcevable. Comment on peut voir un élément de la 37e que nous avons encadré, devenir notre supérieur, alors qu’il ne s’agit pas d’un concours, mais d’un avancement ! Je vous signale aussi qu’ils ont vu leurs salaires connaitre une hausse, dernièrement. Il faut qu’on fasse bloc et écrire, s’il le faut au ministre ou au président de la République, pour qu’on nous rende ce qui nous appartient. Si on laisse cela prospérer, ce sera ainsi jusqu’à la retraite. C’est une situation qui va créer des frustrations dans les services’’.
Pour eux, c’est un précédent dangereux dans la police nationale. Si rien n’est fait, d’aucuns envisagent de croiser les bras, lorsqu’un élément de la 37e sera affecté dans un même service, vu qu’ils ne vont pas le reconnaitre comme leur chef. ‘’Je vous le dis, on ne va pas rester les bras croisés. Ils ne vont pas nous commander, encore moins nous mettre au garde-à-vous devant eux. Nous sommes prêts à subir des sanctions qui pourraient nous ramener au GMI ou des affectations dans les endroits les plus lointains du pays. Nous n’allons pas accepter cette injustice. C’est trop ! Il faut qu’on reste digne. Levons-nous comme un seul homme pour aller rencontrer les bonnes volontés qui doivent parler pour régler cette question. L’heure n’est plus à se taire. Il faut qu’on nous respecte. Ceci n’est point un concours, mais du forcing. Croyez-nous, on va nous entendre’’, lâche un des agents concernés.
MAME TALLA DIAW