Publié le 31 Aug 2020 - 20:26
RELIGION

Fatou Sow Sarr casse les codes

 

A travers les exemples de Mame Asta Walo et Mame Diarra Bousso, le professeur Fatou Sow Sarr met en exergue l’utilisation injustifiée de la religion pour confiner la femme à des rôles marginaux.

 

D’El Hadj Omar Tall à nos jours, en passant par Cheikh Ahmadou Bamba et El Hadj Malick Sy, les femmes ont joué un rôle très important dans l’implantation et la transmission des valeurs islamiques au Sénégal. Formatrices, bailleurs, elles ont été de tous les combats.

Hélas, si l’on en croit le professeur Fatou Sow Sarr, ces dernières ont souvent été reléguées au second plan. ‘’Je constate que l’essentiel des hommes religieux de ce pays, en réalité, ont été initiés au Coran par leurs propres mères. Avant qu’ils ne rejoignent les ‘daaras’, c’est leurs propres mères qui leur ont inculqué les valeurs et connaissances islamiques. Mais généralement, on ne parle pas de ces rôles auprès des enfants, en tant que dispensatrices de connaissances islamiques. On préfère simplement magnifier leur rôle de soumission’’.

La sociologue de convoquer l’exemple de Mame Diarra Bousso, généralement écrite comme mère de…, épouse de… Pourtant, elle a été bien plus, si l’on en croit la sociologue. Elle peste : ‘’Oui, elle était soumise parce que c’était son guide spirituel, mais il y avait aussi son engagement vis-à-vis de Dieu. C’est aussi ce qui a expliqué toute cette attitude qui était la sienne, au point qu’on l’appelait Diariyatoullah, la voisine de Dieu. C’est donc un personnage extraordinaire qui a influencé énormément cette société sénégalaise. Et on en veut pour preuve ce qui se passe à Porokhane avec ces milliers de jeunes filles formées à son image.’’

Toujours dans ses recherches, le Pr. Sarr a pu également découvrir un autre personnage central dans l’édification du mouridisme, mais dont le nom est évoqué très rarement. Il s’agit de Sokhna Asta Walo. ‘’Elle était professeur d’enseignement coranique, de sciences religieuses, théologiques, de jurisprudence, du soufisme et d’exégèse. On la comparait d’ailleurs à de grands savants hommes de son époque. Cette femme, on n’en parle presque pas, alors qu’elle a formé même Mame Diarra Bousso, lui a permis de maitriser le Coran, d’être une calligraphe, de connaitre le droit islamique et les sciences religieuses. Ce qu’elle a à son tour transmis à Cheikh A. Bamba son fils, avant qu’il n’ait l’âge d’entrer officiellement dans l’école des hommes’’.

Dans la même veine, Fatou Sow Sarr cite des filles de Cheikh Ahmadou Bamba ayant une parfaite maitrise du livre saint, mais que l’on relègue souvent à l’arrière-plan, pour illustrer la place marginale qu’occupe la femme dans la société sénégalaise.

Le même constat a été fait dans la tidjaniya, avec l’exemple de Mame Fawade Wellé, Sokhna Astou Kane... Elle ajoute : ‘’J’ai par exemple entendu feu Serigne Mouhidine Samba Diallo dire que c’est une sœur d’Ousmane Danfodjo qui s’appelait Safoura qui a initié El Hadj Omar, lui a donné le wird tidiane. Evidemment, cette information peut être sujette à beaucoup de controverses. Mais ce qui est important pour moi, c’est d’avoir déjà à cette période des femmes avec ce degré d’érudition pour prétendre les transmettre. On aurait également pu citer Penda Sarr de Nawle qui a aussi joué un rôle dans le djihad d’El Hadj Omar. Et elle était une érudite. Il y en a tellement de femmes qui ont joué des rôles importants, mais on ne les présente que comme mères, épouses… Certes, c’est important, mais c’est tout aussi important de leur rendre leur dimension de femmes de sciences religieuses et autres’’.

Autant de choses qui font dire à la sociologue qu’on devrait, au Sénégal, avoir comme projet que chaque maman soit la propre maitre coranique de son enfant. Elle invite les confréries à rectifier le tir avant que d’autres idéologies ne s’accaparent cette mission d’éducation des enfants, au détriment de la société. ‘’Au moment où les femmes de l’islam confrérique sont confinées dans les ‘daaras’ et à l’ombre, d’autres femmes sont en train d’émerger et occupent l’espace public. Le modèle qu’elles sont en train de véhiculer n’est pas forcément le meilleur pour nos sociétés. A mon avis, notre société devrait bien analyser ces mutations et regarder laquelle de ces conceptions opposées de l’islam est la plus à même de favoriser les conditions de notre épanouissement’’.  

L’islam, rappelle Fatou Sow Sarr, n’a jamais interdit l’accès des femmes à l’espace public. Mais aujourd’hui, au fur et à mesure, les femmes sont reléguées au second plan. ‘’Comme on est dans l’espace mouride, je demande toujours à Cheikh Abdoul Ahad Gaindé Fatma, comment se fait-il que ce sont des hommes qui sont en avant tout le temps ? Même pour les cérémonies relatives à la nuit du ‘Laylatul Khadr’, on ne voit pas les femmes, alors que ce sont les femmes qui ont institué cette manifestation. Je ne comprends pas pourquoi cette récupération des hommes’’.

Et d’ajouter : ‘’Nous sommes dans un système qui maintient la femme dans les liens de la domination. Il y a une volonté d’exclusion des femmes de l’espace de décision et de gouvernance. Je pense qu’il faut revoir la philosophie derrière. Souvent, l’islam est juste un bel alibi pour reléguer les femmes au second plan.’’  

Mor Amar

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