Publié le 13 Aug 2012 - 18:22
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

La conspiration démocratique

 

 

L’avènement de Macky Sall n’annonce-t-il pas le stade suprême du libéralisme tropical sous lequel toutes les contradictions cumulées entre les factions politiques, les cliques de la petite bourgeoisie, les oligarchies traditionnelles et les nations, devraient déboucher sur une révolution ? Les membres de la classe politique et de ladite société civile engagées dans l’exercice du pouvoir et à la participation au pouvoir législatif ne semblent pas réunir le minimum de cohésion qui les mettrait à la hauteur de la mission qui les attend. Alors même que les députés viennent laborieusement d’installer les commissions parlementaires, un vice de forme ou une décision du conseil constitutionnel requise par le député Aïda Mbodji, pourrait remettre en cause l’élection du Bureau.

Mais ce qui est devenu handicapant pour le président de la République, c’est la sempiternelle référence aux Assises nationales que lui opposent de loin en loin des secteurs de l’opinion ou des milieux d’affaires. Quelle que soit la pertinence par ailleurs de leur propos, sur la suppression du Sénat par exemple, le candidat élu n’est pas tenu d’obéir au bon vouloir de citoyens qui n’ont pas sa légitimité. Au moment du bilan, il sera le seul à en répondre. Comme s’ils ne suffisaient pas à ses anciens compétiteurs et leurs soutiens électoraux d’être associés à la gestion des affaires publiques, il leur faudrait aussi, en dehors de tout programme de gouvernement, lui dicter publiquement leurs quatre volontés et soulever des polémiques publiques préjudiciables à leur alliance.

 

La logique que le président de la République ne soit plus chef de parti a été soutenue bien avant la tenue des Assises nationales. Elle n’est pas arrivée à maturation puisqu’aucun chef d’État n’a jugé opportun de s’y plier même si la relation entre le président Abdou Diouf et son ministre d’État Ousmane Tanor Dieng suggérait qu’il se déchargeât sur lui de l’administration du Parti socialiste après le fameux congrès qui installa la refondation. Le processus de constitution de l’Alliance pour la République de l’actuel président Macky Sall amène à penser que le plus politique de ses bailleurs, si tant est qu’il en ait d’autre, Harouna Dia, est le numéro 1 virtuel de cette formation. Lequel déploie des efforts pour son implantation et sa massification. Certaines indiscrétions annoncent sa prochaine sortie de clandestinité à la faveur des élections sénatoriales. Voilà donc une bonne raison de conserver le Sénat dont il serait prédestiné à être le prochain président, donc voué à être le dauphin constitutionnel. Si cette prédiction se réalisait, la saga présidentielle de Macky Sall, en plus d’être une ordalie majeure, prendrait la dimension d’une conspiration démocratique dont le milliardaire pulaar serait le concepteur de l’ombre. Alors le ciel politique sénégalais s’éclaircirait : issu du Parti africain de l’indépendance, il apporterait au pays un projet politique qui rompt avec la ploutocratie, la médiocrité ambiante et la dépendance à l’étranger.

 

Il ne serait pas le premier milliardaire pulaar à financer le parti et l’État avec le fruit de son effort et de son imagination. Ceux qui l’ont précédé le faisaient surtout pour préserver leur fortune acquise à l’étranger au prix de sacrifices inouïs. Il aura été cependant le premier à financer la prise du pouvoir d’État de manière démocratique. Peut-être parce que, le mur de Berlin étant tombé, il s’était fait à l’idée que le socialisme n’était pas tant la négation du capitalisme que son dépassement et qu’un libéral pouvait être de droite mais aussi de gauche comme en Allemagne et aux États-Unis d’Amérique. Ou alors fait-il partie de ces militants que le Parti africain de l’indépendance envoya infiltrer le Parti démocratique sénégalais de Me Wade à sa naissance ?

 

Quoi qu’il en soit, il commença par y adhérer et par financer Me Abdoulaye Wade, en plus des projets d’appui aux populations de son terroir. A ce stade où les politiciens de tous bords se disputent les faveurs d’un État prébendier, son avantage moral sur toute la classe politique est certain. L’on ne saurait donc donner un sens autre à sa participation aux élections sénatoriales que celui d’une posture politique à partir de laquelle il parachèverait sa conspiration démocratique en rendant à cette dispendieuse institution sénégalaise sa signification historique quand elle était la seule institution républicaine délibérative et exécutive donc, de la deuxième République de l’antiquité après la Grèce : Senatus Populusque Romanus, le Sénat et le peuple romain. Aurais-je rêvé en vain d’un Sénat et d’un Peuple sénégalais qui redresseraient la République vacillante ?

 

 

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