Toujours pas de suspension en vue pour le Sénégal
Par précaution, 11 pays au moins ont suspendu l’administration du vaccin anglo-suédois contre la Covid-19. Sans preuve de la présence d’effets secondaires, le Sénégal continue à faire confiance à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui promet de publier les rapports de ses experts sur le sujet.
Le scepticisme continue autour du vaccin AstraZeneca. Hier, la France, l’Allemagne et l’Italie ont rejoint les pays européens ayant suspendu l’administration du sérum contre la Covid-19, en attendant d’y voir plus clair. Une liste à laquelle l’on peut ajouter la Thaïlande et la République démocratique du Congo. Parmi les premiers et les moins chers à être développés et lancés en volume depuis l’apparition du coronavirus, le vaccin anglo-suédois soulève désormais quelques interrogations.
En effet, des complications ont été observées chez des patients ayant reçu le sérum dont certains ont succombé à leur état. Sans toutefois qu’un lien direct n’ait été établi entre ces décès et l’administration du vaccin.
Les inquiétudes portent sur des cas graves de formation de caillots sanguins chez certaines personnes vaccinées. Hier, la Norvège a annoncé la mort, par hémorragie cérébrale, d’une soignante de moins de 50 ans, alors qu’elle avait été hospitalisée après avoir reçu une injection d’une dose d’AstraZeneca. Il s’agit du deuxième cas analogue mortel signalé en quelques jours dans ce pays scandinave qui a suspendu jeudi, ‘’par précaution’’, le vaccin développé par le laboratoire anglo-suédois. Trois membres du personnel soignant souffrant des mêmes symptômes, tous jeunes, ont été hospitalisés durant le weekend.
Dans le Danemark voisin, une patiente de 60 ans est morte d’une thrombose (une obstruction vasculaire par un caillot sanguin) peu après avoir reçu le vaccin d’AstraZeneca. Les autorités sanitaires du pays ont alors décidé d’appliquer un strict principe de précaution, en suspendant l’utilisation du vaccin pendant deux semaines.
Pour les autorités sanitaires des deux pays, il n’est toutefois pas possible, au stade actuel, de conclure qu’il y a un lien entre l’administration du vaccin et les décès remarqués. D’ailleurs, plusieurs pays de l’Union européenne (UE) – l’Autriche, le Luxembourg, l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie – n’ont suspendu que l’utilisation de lots spécifiques du vaccin, le reste des doses pouvant continuer à y être utilisé.
Au Sénégal, où la campagne de vaccination a été lancée depuis le 23 février 2021, les autorités sanitaires rassurent déjà. ‘’Tout se passe bien dans le cadre de la surveillance. AstraZeneca est homologué par l’OMS (Organisation mondiale pour la santé) et à ce niveau-là, nous n'avons reçu aucune orientation spécifique pouvant nous faire reculer. Les choses se passent très bien’’, assurait le ministre de la Santé et de l’Action sociale. Abdoulaye Diouf Sarr recevait alors 25 mille doses du vaccin AstraZeneca de l’Inde. Ceci, après avoir réceptionné 324 000 doses du même vaccin dans le cadre de l’Initiative Covax.
Selon le directeur de la Prévention, Dr El Hadj Mamadou Ndiaye, près de 30 000 personnes ont déjà été vaccinées avec AstraZeneca sans qu’un problème majeur n’ait été noté. Malgré les précautions notées au niveau des pays européens, et certaines voix qui s’élèvent déjà pour demander une pause dans l’administration, le Sénégal n’est pas encore disposé à suspendre l’utilisation du vaccin. L’on estime, au ministère de la Santé, que les bénéfices dépassent largement les risques.
Sur cet élan, les autorités sénégalaises ont été confortées par l'OMS qui a déclaré hier que son groupe consultatif examinait les rapports relatifs au vaccin AstraZeneca et publierait ses conclusions dès que possible. Par le biais de son porte-parole Christian Lindmeier, l’organisation estime qu’à ce jour, ‘’il n'y a aucune preuve que les incidents sont causés par le vaccin et il est important que les campagnes de vaccination se poursuivent afin que nous puissions sauver des vies et endiguer des maladies graves dues au virus’’.
Ainsi, l’OMS a déclaré qu'il était peu probable de la voir modifier ses recommandations émises le mois dernier, pour une utilisation généralisée du vaccin anglo-suédois, y compris dans les pays où la variante sud-africaine du virus pourrait réduire son efficacité. Le 15 février, elle a autorisé deux versions du vaccin d’AstraZeneca/Oxford contre la Covid-19, pour une utilisation d’urgence et donné son feu vert pour qu’elles soient déployées à l’échelle mondiale par l’intermédiaire du mécanisme Covax. Ces vaccins sont produits par AstraZeneca-SKBio (République de Corée) et par le Serum Institute of India. Les doses reçues par le Sénégal ont été produites en Inde.
Quant au laboratoire AstraZeneca, il a rapporté dans un communiqué publié dimanche, qu’’’un examen attentif de toutes les données de sécurité disponibles sur les plus de 17 millions de vaccinés dans l’UE et au Royaume-Uni, n’a montré aucune preuve de risque accru d’embolie pulmonaire, de thromboses veineuses profondes ou de thrombocytopénie’’.
Selon son médecin en chef Ann Taylor, ‘’environ 17 millions de personnes dans l'UE et au Royaume-Uni ont maintenant reçu notre vaccin, et le nombre de cas de caillots sanguins signalés dans ce groupe est inférieur aux centaines de cas auxquels on pourrait s'attendre dans la population générale. La nature de la pandémie a conduit à une attention accrue dans les cas individuels et nous allons au-delà des pratiques standards de surveillance de la sécurité des médicaments homologués en signalant les événements liés aux vaccins, afin de garantir la sécurité publique’’.
L’Agence européenne du médicament (AEM) estime qu’à ce stade, le nombre de thromboses observées chez les vaccinés n’est pas supérieur à celui observé dans la population générale. Le Royaume-Uni, où plus de 10 millions de doses du vaccin AstraZeneca ont été injectées, est sur la même ligne. ‘’Etant donné le grand nombre de doses administrées et la fréquence à laquelle les thromboses sanguines peuvent se produire naturellement, les éléments dont nous disposons ne suggèrent pas que le vaccin en soit la cause’’, a assuré à la BBC Phil Bryan, responsable vaccins de la Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency, l’agence britannique de pharmacovigilance.
Lamine Diouf