Le CNCR plaide pour une gouvernance foncière plus inclusive
Le Conseil national de concertation des ruraux (CNCR) et l’Initiative prospective agricole rurale (Ipar) sont en réflexion, ces 15 et 16 mars, en vue d’améliorer les droits fonciers des femmes par la promotion d’une gouvernance foncière plus inclusive.
Au Sénégal, comme partout dans le monde, les activités économiques ont été particulièrement touchées par les effets de la Covid-19. La pandémie a fortement anéanti les efforts des acteurs du monde rural, surtout ceux des femmes agricultrices et transformatrices.
Ainsi, dans le cadre de la célébration de la Journée internationale des droits de la femme, le Collège des femmes du Conseil national de concertation des ruraux organise, depuis hier, un atelier dédié à la femme rurale. Les échanges se déroulent autour du thème ‘’Rôle des femmes dans l’élaboration, la mise en œuvre et la gouvernance des politiques de sécurité alimentaire et nutritionnelle au Sénégal et en Afrique de l’Ouest. Quel leadership pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ?’’.
Les femmes constituent 70 % de la population active rurale. Elles assurent 90 % des tâches de préparation de la terre, génèrent 80 % de la production vivrière, plus de 60 % de la production agricole et sont responsables de la quasi-totalité de la transformation artisanale. Paradoxalement, selon l’Initiative de prospective agricole rurale (Ipar), seulement 13 % des femmes rurales ont accès aux terres et 2,6 % possèdent des titres fonciers. Une situation qui, en plus de la pandémie, a réduit leurs ressources productives. ‘’Les femmes rurales étant les piliers des profonds changements économiques, environnementaux et sociaux nécessaires au développement durable, leur autonomisation est essentielle, non seulement pour le bien-être des personnes, des familles et des communautés rurales, mais également à la productivité économique générale. Durant cette pandémie, les femmes ont été largement affectées. Ce qui a réduit l’offre et la demande de denrées alimentaires et le pouvoir d’achat des ménages, surtout ruraux.
C’est dans ce sens que le Collège des femmes du CNCR compte célébrer la Journée internationale des droits des femmes et faire entendre la voix de ces dernières à travers ce thème, en conformité avec celui du 8 Mars de cette année’’, fait savoir la présidente du collège, Sokhna Mbaye Diop.
Les exploitations familiales sont la base de l’agriculture sénégalaise. Le secteur agricole et celui du développement durable occupent une place cruciale au niveau de l’emploi, de l’aménagement du territoire, de la sécurité alimentaire, de la gestion des ressources naturelles et du maintien des équilibres sociaux. Le Sénégal a ratifié certains traités internationaux favorisant l’égalité et l’équité en matière de question foncière.
‘’La terre est associée au pouvoir’’
Au niveau national, la loi agrosylvopastorale, de même que l’Acte 3 de la décentralisation éliminent toute forme de discrimination liée au genre. Cependant, sur le terrain, certains problèmes persistent : le faible accès des femmes au foncier, le faible accès des femmes aux autres ressources productives, la faible représentation des femmes dans les instances de décision et de gouvernance, et l’efficacité limitée de cette représentation.
Et Mme Diop d’ajouter que ‘’malgré le rôle crucial qu’elles jouent, tant au niveau des familles que des économies et en dépit du cadre juridique et législatif favorable aux droits des femmes, ces dernières sont encore victimes de discrimination. Au Sénégal, la terre est associée au pouvoir qui, traditionnellement, est maîtrisé par les hommes. Peu d’espaces et d’opportunités sont donc offerts à la femme’’.
D’autres causes profondes du problème sont, entre autres, la persistance des préjugés selon lesquels les femmes ne devraient pas accéder à des lieux et facteurs de pouvoir, l’invisibilité de leur travail, la mauvaise connaissance de leurs droits. De ce fait, la grande majorité des femmes rurales sénégalaises vivent toujours une situation inconfortable de dépendance sociale et économique qui renforce leur vulnérabilité et réduit leur possibilité de participer pleinement aux prises de décisions collectives.
D’où le projet du CNCR et de l’Ipar de promouvoir l’autonomisation sociopolitique et politico-juridique de la femme rurale. Cela, par une stratégie axée sur l’accès et le contrôle des femmes rurales au foncier, aux ressources productives que sont les crédits et subventions (intrants et matériels agricoles) et aux services de conseil agricole et rural. Un autre aspect consistera à renforcer la représentation des femmes rurales dans les instances de décisions locales. Il s’agira également de renforcer les capacités des femmes et de poser des actions visant le changement de perception, des croyances et des pratiques des décideurs.
A ce projet, s’opposent des contraintes telles que les normes socioculturelles, la méconnaissance des droits et procédures, l’accès limité aux moyens de valorisation et la réduction, voire l’épuisement de l’assiette foncière.
Par ailleurs, l’accès des femmes au foncier s’est trouvé amélioré dans les localités de Darou Khoudoss et de Toubacouta. En outre, le plaidoyer à l’échelle nationale sera porté par le collège des femmes, les organisations paysannes, la société civile, les collectivités rurales, les autorités administratives, coutumières et religieuses.
Le Collège des femmes du CNCR est un espace de concertation permettant aux femmes de mieux exprimer leurs préoccupations et de s’affirmer davantage au sein du mouvement paysan autonome. Son objectif est de contribuer à l’autonomisation sociopolitique et politico-juridique de la femme rurale au sein de la famille des communautés et des collectivités.
EMMANUELLA MARAME FAYE