Des solutions ‘’précises et rapides’’ attendues du G20
Les 20 pays les plus riches au monde, regroupés autour du G20, doivent apporter des solutions ‘’précises et rapides’’, pour résoudre l’équation de la dette en Afrique, dans le cadre de la relance économique post-Covid. C’est le plaidoyer fait, hier, par l’économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique, Albert G. Zeufack, lors d’une conférence en ligne, à l’occasion du lancement du rapport Africa’s Pulse.
La situation de la dette africaine reste encore ‘’préoccupante’’. Et malgré les multiples appels à son allégement ou son annulation totale des chefs d’Etat du continent dont Macky Sall en premier, la réaction des créanciers bilatéraux et multilatéraux est encore timide.
Or, l’économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique a souligné, hier, lors du lancement du rapport Africa’s Pulse, qu’avant l’avènement de la Covid, les pays africains étaient déjà dans une ‘’situation délicate’’. Parce qu’ils ont accumulé la dette à un rythme effréné et beaucoup plus risqué et plus coûteux, puisqu’elle vient de plus en plus de sources privées, de marchés privés.
‘’C’est une fragilité énorme sur le plan macroéconomique que nos pays avaient déjà avant la Covid. Donc, elle n’a fait qu’aggraver cette fragilité. Si on combine la Covid avec la baisse des prix des matières premières exportées par l’Afrique, en 2020, les pays ont de plus en plus des difficultés à assurer le service de leur dette. On a actuellement, des pays en Afrique qui sont en cessation de paiement comme la Zambie. C’est une situation préoccupante, qui requiert des solutions globales. Parce que la dette, aujourd’hui, n’est pas seulement due aux institutions multinationales comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire. Elle est aussi due au secteur privé, aux partenaires bilatéraux et d’autres pays qui prêtent à l’Afrique. Il est important, au niveau du cadre commun du traitement de la dette qui a été mis en place dans les 20 pays les plus avancés (G20), qu’ils puissent apporter des solutions précises et rapides pour cette question de la dette en Afrique’’, plaide Albert G. Zeufack.
Dans ce nouveau rapport, la BM relève que la pandémie de la Covid-19 a exacerbé les vulnérabilités de la dette publique, et une aide considérable sera ‘’nécessaire’’ pour régler les problèmes de liquidité et de solvabilité. ‘’Les vulnérabilités de la dette sont élevées et en hausse dans de nombreux pays. Le niveau médian de la dette dans la région devrait, selon les projections, culminer en 2021. De nombreux pays sont sur une trajectoire ascendante, tandis que d’autres affichent un ratio du service de la dette aux revenus fiscaux dépassant 20 %. Les déficits de financement resteront un défi, à cause de l’accès limité aux marchés et de contraintes qui réduisent les possibilités d’une augmentation de revenus à court terme’’, indique le document.
L’institution de Bretton Woods note que le règlement des problèmes de liquidité et de solvabilité va demander une ‘’aide supplémentaire’’, notamment la prorogation de l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI). Celle-ci devra s’accompagner de dons et de financements concessionnels, afin de créer l’espace budgétaire nécessaire à des investissements économiques. ‘’Certains pays pourraient encore avoir besoin d’un traitement de la dette au-delà de la DSSI. La mise en application du Cadre commun et de la Politique de financement en faveur du développement durable et l’émission de nouveaux Droits de tirage spéciaux (DTS) seront des mesures décisives. La situation de la dette en Afrique va demander une mobilisation générale, et aucune option ne devrait être écartée’’, poursuit la BM.
‘’Les 12 prochains mois seront critiques pour tirer parti de la Zlecaf’’
Pour les pays d’Afrique subsaharienne, il est soutenu dans le rapport que l’allégement du fardeau de la dette libérera des ressources pour des investissements publics dans des domaines tels que l’éducation, la santé et les infrastructures. ‘’Des investissements en capital humain permettront de réduire le risque que les dégâts causés par la pandémie durent longtemps et qu’ils apparaissent dans le long terme, et de renforcer la compétitivité et la productivité. Les 12 prochains mois seront critiques pour tirer parti de la Zone de libre-échange continentale africaine, de façon à renforcer l’intégration des pays africains dans des chaînes de valeur régionales et mondiales. Les réformes susceptibles de produire une électricité fiable, y compris un meilleur fonctionnement des régies d’utilité publique, vont contribuer au développement du secteur manufacturier et de l’économie numérique’’, alerte la Banque mondiale.
Alors que les pays d’Afrique subsaharienne se mettent sur une trajectoire de reprise après la pandémie de Covid-19, il sera essentiel, pour l’économiste en chef de la BM, d’assurer une croissance supérieure à 4 %, à partir de 2022 et au-delà. Une croissance nécessaire pour accélérer la croissance du revenu par habitant et pour contrer une augmentation de la pauvreté dans la région due à la Covid-19. ‘’Une croissance de 4 % est atteignable si les pays mettent en œuvre un ensemble de mesures favorables à des investissements soutenus et à la création d’emplois, et permettent aux taux de change de refléter les forces du marché et d’améliorer leur compétitivité. Cela requiert beaucoup de réformes et d’investissements. C’est des réformes qui devront consister à mettre beaucoup plus l’accent sur l’investissement dans l’éducation et la santé, pour refaire, établir les systèmes de santé qui ont été détruits par la Covid’’, ajoute M. Zeufack.
Pour le faire, l’économiste estime qu’il faudra que la communauté internationale aussi se mobilise et mette à la disposition de l’Afrique de nouvelles ressources à travers une restructuration de la dette. ‘’Ceci, à travers une remise de dette potentielle qui pourrait engranger cette reprise et la soutenir au-dessus du taux de croissance de la population. Forte de cela, notre croissance restera assez faible et à peine au-dessus de la croissance de la population, à partir de 2022’’, insiste-t-il.
Car, M. Zeufack relève que le paysage économique de l’Afrique tout comme le continent est divers. Donc, il y aura une reprise à vitesse variable. Nous aurons une croissance positive dans les trois plus grandes économies africaines. Il s’agit de l’Afrique du Sud, du Nigeria et de l’Angola. Mais le Nigeria croîtra de 1,4 % en 2021 et l’Afrique du Sud autour de 3 %, l’Angola à moins de 1 %. ‘’Et cela reste faible et continue de tirer la moyenne vers le bas. Mais le reste de l’Afrique continue de croître à plus de 1 % et si nous mettons en place des réformes nécessaires, plus de 60 % du continent pourra croître à plus de 4 % à partir de 2022. Et cela est absolument nécessaire pour commencer à annihiler les effets négatifs de la Covid. Parce qu’elle peut avoir des effets à long terme qui ne vont se manifester seulement que plus tard et il est important actuellement de mettre en place des réformes, non seulement pour permettre aux populations d’augmenter leur niveau de vie, mais également d’empêcher que ces conséquences à long terme ne se manifestent’’, pense-t-il.
Combler les écarts infrastructurels dans le secteur numérique
Au-delà de ces aspects, l’économiste en chef de la BM trouve que des réformes visant à combler les écarts infrastructurels dans le secteur numérique et destinées à rendre l’économie numérique plus inclusive, c’est-à-dire améliorant l’accès financier tout en développant les compétences dans tous les segments de la société, seront d’une ‘’importance capitale’’. Ceci, pour renforcer la connectivité, encourager l’adoption des technologies numériques et créer des emplois plus nombreux et meilleurs tant pour les hommes que pour les femmes.
‘’Ce qui est vraiment positif, c’est que les pays africains n’ont pas raté l’opportunité de faire de la Covid, une occasion pour investir dans l’économie numérique. Nous constatons que le nombre d’entreprises qui s’est connecté à internet a beaucoup augmenté. Les Africains ont augmenté leur participation au commerce électronique. En plus, une enquête menée dans 18 pays africains montre que les entreprises connectées emploient plus de gens et surtout sont plus performantes’’, se réjouit-il.
Pour Albert G. Zeufack les technologies numériques en Afrique, ont la possibilité ‘’d’améliorer’’ les conditions de vie de tout le monde y compris, ceux qui ont un niveau d’éducation faible. ‘’Les technologies sont en train d’affecter la vie de tout le monde en Afrique. Le seul problème c’est que ce n’est pas encore répandu partout en Afrique. C’est plus avancé en Afrique de l’Est que celle de l’Ouest. C’est essentiellement dû au fait que le cadre réglementaire en Afrique de l’Ouest traine, par rapport à l’Est. Ce que nous avons constaté c’est qu’on a près de 40 % d’entreprises en Afrique qui ont augmenté leur utilisation des solutions digitales. Il y a aussi, une augmentation claire de l’accès, mais aussi, de l’intensité d’utilisation des technologies numériques. On a également constaté que plus d’un quart des employés utilisent dans le secteur du commerce en détail ou en gros, les plateformes digitales’’, conclut-il.
MARIAMA DIEME