Publié le 21 Apr 2021 - 22:36
SOUS-SECTEUR DU TRANSPORT DES HYDROCARBURES

Les travailleurs décrètent trois jours de grève, en guise d’avertissement

 

Les employés du transport des hydrocarbures estiment avoir assez pris leur mal en patience. Après un an de suspension de leur préavis de grève, ils exigent la reprise des négociations concernant la convention spéciale dudit secteur.  Un projet de loi qui réaménage leurs conditions de travail.

 

Le Syndicat national des travailleurs du pétrole et du gaz du Sénégal/Force du changement (SNTPGS/FC) a décrété une grève de 72 heures, à compter d’aujourd’hui mercredi. En conférence de presse hier, ses membres ont exigé l’ouverture des négociations autour de la convention spécifique du sous-secteur des transports des hydrocarbures, ainsi que la résolution du conflit dans le transport gazal, suite au licenciement de certains travailleurs. Cette grève ‘’d’avertissement’’ se limite au secteur du transport des hydrocarbures et fait suite au préavis de grève suspendu depuis le 4 mars 2020, à la demande du ministère du Pétrole et des Énergies.

‘’Si nous avons tenu à rencontrer la presse aujourd’hui, c’est parce qu’une situation inacceptable, empreinte d’injustices, de frustrations et d’exaspérations gagne de plus en plus les travailleurs du sous-secteur des transports d’hydrocarbures’’, déclare le secrétaire exécutif du syndicat. ‘’En ouvrant les travaux du projet de convention collective du sous-secteur des transports d’hydrocarbures, ajoute Sarra Konaré, notre organisation syndicale s’était inscrite dans une ferme volonté de faire face à tous ceux qui n’accepteraient pas l’application rigoureuse des textes réglementaires qui gouvernent les relations de travail au Sénégal, particulièrement dans le secteur du pétrole, du gaz et autres activités connexes’’.

Il s’est trouvé qu’en 2019, ladite convention s’était heurtée aux craintes des patrons de sociétés de transport d’hydrocarbures organisés au sein du Syndicat des transporteurs d’hydrocarbures (STRH). Ces derniers ont quitté la table des négociations, arguant leur incapacité de se mettre au même niveau d’engagement que les majors et autres sociétés pétrolières sénégalaises.

Conscient de l’importance de ce maillon dans la chaîne de distribution des produits pétroliers, le SNTPGS/FC consent à négocier une convention spécifique du sous-secteur des transports d’hydrocarbures. Cela, dans le but d’amener les transporteurs à ‘’des réformes profondes pour s’adapter aux mutations attendues dans le secteur du pétrole et du gaz’’.

Mais, après avoir manifesté un engouement (choix d’experts dans l’élaboration du document, participation aux réunions) au départ, ces derniers ont, une fois de plus, déserté les négociations. Le point concernant les incidences financières a abouti à un désaccord.

Les employeurs accusés de violations délibérées et permanentes des lois

Cet aspect prend en compte un réaménagement et le respect strict des primes de risque, de transport, des indemnités de logement, de naissance, de décès, sans oublier le volet retraite. Des revendications que, visiblement, le patronat n’approuve pas. Un ‘’refus obstiné’’ auquel le syndicat oppose une grève de 72 heures renouvelables, si les transporteurs ne regagnent pas la table des négociations. ‘’Notre organisation syndicale est d’autant plus déterminée que de potentiels investisseurs sénégalais réclament haut et fort la préférence nationale. Cette exigence que nous soutenons avec conviction ne saurait en aucun cas s’accommoder avec des violations délibérées et permanentes des lois et règlements de notre pays, pratiques auxquelles certains employeurs du sous-secteur des transports sont les champions’’, précise M. Konaré.

Si le Bureau exécutif national du SNTPGS/FC est pour une approche apaisée et conciliante, les travailleurs, eux, veulent un acte plus fort tel qu’un arrêt de travail jusqu’à l’adoption de la convention spéciale. Ils en ont marre des abus de travail et l’ont bien fait comprendre, lors de la rencontre qui a failli virer à une assemblée générale. ‘’Nous travaillons dans ces sociétés depuis des années. C’est nous qui avons fait ces entreprises. Mais on ne bénéficie pas de notre dur labeur. Il faut que le patronat regagne la table de discussion pour qu’on puisse finaliser le document. Nous ne sommes pas là pour perturber, mais pour réclamer nos droits, notre dû. On ne peut plus continuer comme ça’’, lance, dépité, Ibrahima Diallo, un employé dans une société de transport d’hydrocarbures.

La Convention spéciale du sous-secteur du transport des hydrocarbures est née de la Convention collective du secteur du pétrole, du gaz et des activités connexes complétant elle-même celle déjà en vigueur dans le secteur du pétrole et du gaz, depuis le 2 février 2019. Le projet de convention ‘’particulière’’, dont la mouture est fin prête, prend en compte les spécificités que comporte le transport d’hydrocarbures.

CHEIKH DIOP (PDT du SNTPGS/FC) SUR LA PREFERENCE NATIONALE ET LA LIBERALISATION DU SECTEUR PETROLE-GAZ

‘’Nos compatriotes ne nous ont pas déçus, mais ils refusent le changement’’

‘’Ce syndicat du pétrole a toujours intégré, dans son action, la préférence nationale. Il était dirigé, à l’époque, par feu Maguette Diack. On s’est rendu compte que les multinationales installées au Sénégal (les majors) exerçaient la transversalité de l’aval pétrolier : le stockage, la distribution, le transport. C’est là où notre syndicat est entré en action pour que le transport soit délocalisé des multinationales et géré par des nationaux. On s’est battu, en 1998, pour que des Sénégalais prennent en main cette activité du pétrole.  Ibrahima Sakho, un chauffeur devenu chef d’entreprise certifié ISO, est un exemple de réussite.

Il a une société de transport impeccable. Je dis cela pour faire remarquer que nous n’avons pas été déçus, nos compatriotes ont assuré. Mais aujourd’hui, le grand problème, c’est qu’ils ne veulent pas s’impliquer dans la nouveauté. En 1998, nous nous sommes également battus pour libéraliser le secteur qui était exclusivement géré par des multinationales. La loi de 1998 a ouvert le secteur, ce qui a favorisé l’entrée de braves Sénégalais.

C’est le cas de Touba Oil. Il y a également plusieurs enseignes sénégalaises. Le combat vient du syndicat. Le syndicat aurait pu amener tout le secteur en grève. Nous sommes sept sections syndicales (recherche, distribution, stockage, sus maritime, aviation, gaz et transport). Pour ne pas complètement paralyser le pays en un jour, nous avons limité la grève uniquement au secteur du transport, mais on aurait pu tout arrêter y compris les stations-service. C’est une grève d’avertissement qui doit être un signal fort.’’ 

EMMANUELLA MARAME FAYE

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