Le gestionnaire de la restauration chassé de l’aéroport sans préavis
Le climat à l’aéroport international Blaise Diagne est très tendu, entre le gestionnaire de l’aéroport (LAS) et le gestionnaire de la restauration (Secco). LAS a décidé de changer de restaurateur, sans aviser à temps les responsables de la société qui se chargeait de cette mission. Une plainte a été déposée devant les juridictions.
La relation entre LAS et Secco est dans une ‘’zone de turbulences’’ depuis le week-end dernier. Le gestionnaire de la restauration a été largué, en plein vol, par le gestionnaire de l’AIBD. A l’origine du problème, une dette impayée entre les deux structures. ‘’Ils disent qu'à ce jour, on est à presque 800 000 000 F. Hier, ils sont revenus, parce qu’apparemment, ils nous ont mal facturés et ils ont reconnu que c’est dans la facturation qu'ils ont fait une erreur. Ils nous ont présenté 140 000 000 F de moins que la dette globale initiale qu'ils nous avaient déclarée’’, informe la directrice de Secco Catering Food and Beverage SARL.
Mais cela n’a pas empêché LAS de se débarrasser de son gestionnaire de la restauration, sans lui adresser un préavis à temps, si l’on se fie à ses déclarations. ‘’Ils nous ont juste envoyé une mise en demeure, il y a deux mois de cela. Suite à cette mise en demeure, nous avons répondu avec des propositions. En fait, on attendait le crédit du CTA (Crédit du transport aérien) du ministère du Tourisme et des Transports aériens. Et, je ne dirais pas malheureusement ou heureusement pour nous, on a reçu cette notification le samedi passé ; c'était un week-end. Lundi, on arrive au travail et ils nous apportent cette rupture de contrat, au moment même où on consultait nos mails et que nous nous apercevions qu'on a reçu la notification de l'accord de récupérer l'argent au niveau de notre banque, la BNDE, pour payer. Ils nous ont envoyé les 25 % de la dette de LAS quand même’’, persifle Ndèye Mariame Ngom.
Secco va ainsi rater le prochain vol, après cette expulsion qui lui donne droit à un autre voyage sans passer par la salle d’embarquement.
Selon Ndèye Mariama Ngom, cette dette est due au type de contrat qu’ils ont noué avec le gestionnaire de l’aéroport. LAS n’a pas fait de cadeau à son partenaire dans le contrat qui les lie, explique la directrice. ‘’Avec ce modèle de facturation, on ne pouvait pas survivre. Le modèle de facturation, c'est une double facturation : 35 centimes par revenu chair et 36 centimes par passager. Quand je dis 36 centimes par passager, il faut que j'explique plus clairement. Ce sont tous les passagers : arrivée et départ. Donc, tout passager qui passe dans cet aéroport pour voyager et pour retourner, on est facturé sur ce passager à 36 centimes, même si on ne leur sert pas à manger’’, précise-t-elle.
La directrice ajoute qu’avec la présence de la concurrence, leur affaire ne pouvait pas prendre un envol normal, puisque les charges fixes et les dépenses ne leur permettaient pas d’avoir le kérosène nécessaire pour décoller, comme il le faut.
Dès lors, renseigne-t-elle, ‘’nous avons informé les autorités des difficultés liées à ce contrat. On s’est rapproché du ministère du Tourisme et des Transports aériens, plusieurs fois, pour avoir des solutions par rapport à ça. On a aussi interpellé le directeur de l'AIBD pour avoir des solutions à ce contrat. Mais malheureusement, on n’a pas eu de retour et, pourtant, c'est clair que tout le monde a même confirmé que le contrat devait être revu à la baisse. Mais puisque le contrat n'a pas été revu, notre dette ne faisait que s'agrandir’’.
‘’Les fournisseurs qui sont pris au dépourvu, comme nous, n'arrêtent pas de nous appeler’’
Elle dénonce, ainsi, une injustice perpétrée par son partenaire. ‘’Il y a une injustice qui est là et je peux vous dire que, malgré les difficultés, depuis la pandémie à nos jours, pas plus tard que les mois derniers, on a versé dans les comptes de LAS 25 000 000 F, de juillet à nos jours. Je ne comprends pas, parce qu'on a fait l'effort de verser tous les mois les 25 000 000. Donc, je peux dire qu'on est les meilleurs payeurs, mais quand même, c'est une reconnaissance de dette’’, assure-t-elle.
Pour réparer le préjudice subi, ‘’on a entamé une procédure judiciaire, parce que l'acte qu'ils ont fait - une rupture de contrat - c'est d'abord une procédure, une mise en demeure. Mais c'était à la juridiction compétente de nous envoyer cette rupture et, malheureusement, ils ne l'ont pas fait. Ils l’ont apporté même avec la signature du directeur général et ils nous ont sommés, le même jour, sans prendre en compte tous les produits qu'on a déjà achetés’’, fait savoir la directrice.
‘’Les produits que nous avions commandés pourrissent. Ils sont là. Vraiment, on ne sait même pas quoi faire. Avec ces produits au niveau de la chambre froide, c'est plusieurs millions en jeu. Au niveau du stock, c'est plusieurs millions en jeu. On ne sait pas quoi en faire. Là, vous voyez, il y a les produits frais qu'on essaie même de sauver, en les mettant dans les frigos, mais la capacité que peut prendre une chambre froide, les congélateurs ne peuvent pas la prendre et c'est une chaîne de froid qu'ils sont en train de briser’’, fulmine Ndèye Mariama Ngom.
Avant de continuer : ‘’Les fournisseurs qui sont pris au dépourvu, comme nous, n'arrêtent pas de nous appeler. Effectivement, ce sont des sommes qu'on leur doit, alors que les produits sont là. On aurait pu écouler ce stock, mais ils ne l'ont pas permis. Ils nous ont jetés dehors comme des rats, comme des malpropres’’, dénonce-t-elle.
Pour le moment, le nouveau restaurateur, Lagardère, a mis pied sur le tarmac de l’aéroport international Blaise Diagne, au grand dam de Secco qui a porté l’affaire devant les juridictions compétentes.
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)