Le foirail de Mbour presque désert
La Tabaski ou Aïd El Kébir sera fêté par la majorité des Sénégalais, ce dimanche. À Mbour, l'achat du mouton est devenu un casse-tête. Leur nombre est faible et les prix se sont envolés. Les pères de famille sont dans le désarroi et redoutent de ne pas trouver de béliers.
La Tabaski de cette année risque de rester longtemps gravée dans la mémoire des Mbourois. Fête musulmane, l'Aïd-el-Kébir est une tradition du prophète Ibrahima. La recommandation faite à chaque croyant est d'égorger un mouton en guise de sacrifice, en symbole pour sa foi en Dieu.
Mais à Mbour, les populations sont dans une psychose. Celle de ne pas pouvoir acheter un mouton pour satisfaire à la recommandation religieuse. Un tour au foirail principal de la capitale de la Petite Côte permet de constater la faiblesse de l'approvisionnement en moutons. À 72 heures de la fête, le foirail qui, d'habitude, créait même un bouchon, du fait de sa position sur la RN1, n'a pas encore fait le plein. C'est presque le désert.
D'habitude, tout le long de la route nationale, les vendeurs jalonnaient avec leurs troupeaux pour attirer les acheteurs qui profitaient de l'occasion pour trouver la belle affaire. Mais, cette fois-ci, le choix ne sera pas sur une large gamme. En effet, les quelques troupeaux visibles sur l'axe routier montrent la tension qui existe dans la disponibilité des moutons. Ces vendeurs, conscients de leur position de force, déclarent ne pas être pressés de vendre, puisque "nous savons que nos moutons seront achetés avant la Tabaski", assure un berger-vendeur.
La tête couverte par un foulard à la manière d'un Touareg, l'homme présente ses bêtes qui n'ont rien d'extraordinaire en termes de grandeur ou de beauté. Mais selon lui, dans ce troupeau, "le prix le plus bas c'est 75 000 F". À l'en croire, la hausse est due à l'inflation qui existe dans le pays. "L'aliment de bétail est devenu plus cher. Les moutons même, nous les avons achetés dans le Djoloff. Pour les acheminer à Dahra, nous avons fait beaucoup de dépenses. Ensuite, de Dahra à Mbour, nous avons payé 3 500 F par tête. Nous payons les différents vendeurs, les gardiens et achetons encore de l'aliment", explique le vendeur. Il insiste sur le prix exorbitant de l’aliment. ‘’C'est incompréhensible !’’, s’exclame-t-il. Avant d’asséner : ‘’Nous ne pouvons pas vendre les moutons moins cher. Ça ne dépend pas de nous directement."
Hors de prix !
Au même moment, un client approche, après avoir garé son 4x4 de l'autre côté de route. À son arrivée, un vendeur va à sa rencontre. L'homme en maillot de basketteur assorti d'un jean noir délavé pointe du doigt un bélier. Lorsqu’on lui donne le prix, il ne peut s’empêcher de s’exclamer. "Le prix de ce mouton est extrêmement cher. Je pensais que ce genre de mouton coûtait dans les 70 000 F, mais de là à vouloir le vendre à plus de 100 000, c'est trop", se plaint Gora Ndoye.
Il se confie : "Je suis venu ici pour acheter un mouton pour un ami qui n'est pas à Mbour, mais je n'ose pas lui proposer ces moutons à ces prix. C'est exorbitant. Les gens n'ont même pas pitié de nous."
À quelques encablures du foirail, se trouve une bâche sous laquelle des béliers sont parqués par des éleveurs domestiques qui cherchent également à gagner de l’argent, à l'occasion de la fête. Dans ces petits enclos de fortune installés pour la circonstance, les prix sont aussi fous que dans le foirail. La moindre bête est évaluée à plus de 100 000 F. Le client lambda n'ose pas y mettre le pied.
Crainte d’une rupture en moutons
L'approvisionnement en moutons à Mbour est très faible. La psychose d'un manque de moutons s'installe déjà dans la tête des acheteurs. Ils expriment leurs inquiétudes de ne pouvoir fêter la Tabaski comme par le passé. "Nous ne pourrons pas avoir le mouton que nous voulons, parce que tout est cher. Chaque année, j'achetais mon mouton à une semaine de la fête. Mais cette année, jusqu'à présent, je n'ai pas encore vu mon mouton. Ceux que je vois sont très chers. De plus, ils sont petits. Je n'ai jamais dépassé 100 000 F pour le mouton de la Tabaski. Mais cette année, si je ne mets pas cette somme sur la table, c'est sûr que j'aurai un agneau à la place du bélier", fait remarquer Issa Fall venu négocier un mouton avec son fils âgé d'une dizaine d'années. "Les gens ne se respectent pas dans ce pays. La hausse du prix des moutons est inexplicable. Rien ne l'explique", fulmine-t-il.
À trois jours de la Tabaski, une véritable psychose s'est installée chez les Mbourois qui doutent de pouvoir se payer le bélier de leur choix.
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)