Double prudence au sommet
Attendue depuis plusieurs semaines, la Déclaration de politique générale (DPG) d'avant hier aura été un beau mystère pour ceux qui espéraient en retirer quelques bonnes certitudes, à défaut d'apercevoir le bout d'un tunnel trop longtemps et encore plongé dans une nuit noire. Disons-le net : le Premier ministre, qu'il ait suivi ou non une consigne politique, n'a pas été capable de transformer la «vision» du président de la République en un programme chiffré et encadré dans un chronogramme réaliste et réalisable. Il a promis certes de revenir devant l'Assemblée nationale, à une date non indiquée, pour entrer dans les détails du programme de gouvernement de Macky Sall, mais ne serait-ce pas plutôt une façon politicienne de ne plus en reparler ?
Si le «Yoonu Yokkute» décliné devant la Représentation parlementaire est bien celui-là même que le candidat devenu chef de l'Etat avait déjà présenté aux Sénégalais au cours d'une longue période de campagne électorale, alors nous en savions tout ou presque. Nous n'ignorions pas grand-chose en effet des intentions de Macky Sall en matière Politique, Économique, Sociale, dans le domaine de la Transparence, de la Bonne gouvernance, de la Justice... Nous savions tout ou presque des enjeux pressants de la demande sociale dans un pays proprement abîmé par des aventuriers-casseurs dits libéraux. Alors, les nouveautés fondamentales du discours de M. Abdoul Mbaye devaient résider forcément et en grande partie dans la fixation des échéances aux engagements du candidat Sall. Cela, le Premier ministre ne l'a pas voulu et ne l'a pas fait. C'est regrettable ! Peut-être, n'en-a-t-il pas tout simplement les moyens !
Abdoul Mbaye a pourtant été à l'aise dans cet exercice nouveau pour lui, d'une courtoisie presque gracieuse, d'un sang froid remarquable, pédagogue comme un savant distillant ses vérités hors de toute pression, sans oublier, parfois, d'être gentiment assassin comme sur cette réplique à Modou Diagne Fada à propos des «950 milliards de dette contractés en trois mois par le gouvernement». Il eût sans doute été facile pour lui, chef du gouvernement, de verser dans la démagogie et le fétichisme des dates. Il a préféré mettre en avant sa rupture à lui, celle du caméléon ronron à la poursuite d'une souris tout en mouvement. Par choix, il n'a pris aucun risque politique en termes d'annonces, se contentant de réaffirmer des engagements déjà enregistrés du président Macky Sall. Pendant ce temps, le peuple attend des mesures fortes et des échéances précises.
La prudence peut être bonne conseillère, mais quand elle est à ce point inhibitrice au sommet de l'Etat jusqu'à devenir morbide, cela pose problème. Le drame pour le Sénégal est que le président de la République et son Premier ministre jouent dans le même registre des pas feutrés, dans une absence collective d'explosivité qui, à terme, devient synonyme d'immobilisme. Le premier a dit ce qu'il voulait faire du pays, l'autre ne donne pas l'impression de le suivre, patinant encore dans les méandres de la prise en charge des objectifs. Soit il ne dispose pas des moyens de la politique qui lui est assignée, soit il est politiquement incompétent pour en assurer l'effectivité. Dans les deux cas, la situation demande correction. Où l'on voit d'ailleurs que compétence technocratique ne rime pas forcément avec compétence politique.
Comment et avec quels moyens mettre en œuvre la couverture maladie universelle ? À quand la première «Université des métiers» dans l'un des pôles de développement du programme Yoonu Yokkute ? Comment prendre en charge les handicapés dans le système éducatif et en milieu professionnel, par quels moyens mobiliser les dizaines de milliards du Fonds souverain ?... Les Sénégalais auraient été soulagés que le chef du gouvernement répondît à ces interrogations avec précision et clarté. Ils devront attendre une autre occasion... A ce rythme-là, nous ne serons pas loin de 2017...
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