Au marché HLM, pas encore le grand rush
C’est presque la fin du ramadan. Au marché des HLM de Dakar, certaines personnes vaquent à leurs occupations. À quelques jours de la Korité, ce n’est pas encore le grand rush dans ce contexte de tensions politiques et de difficultés économiques.
Avec les procès à n'en plus finir d’Ousmane Sonko, les citoyens lambda qui travaillent à la sueur de leur front sont inquiets. Après moult péripéties, le procès en diffamation opposant le leader de Pastef au ministre Mame Mbaye Niang est renvoyé au 8 mai 2023. Le procès en appel devait avoir lieu ce 17 avril. Des Dakarois ont tardivement eu l’information.
C’est le cas au marché HLM de Dakar où la majeure partie des boutiques ont été fermées à cause de cet événement. Les mutations de la délinquance et l'avènement de nouvelles menaces enregistrées ces dernières années font peur à certaines populations de plus en plus en proie à un sentiment d'insécurité.
Ainsi, même si la fête de l'Aïd El Fitr est un moment de ferveur à l'occasion de laquelle les marchés sont pris d'assaut, ce n’était pas le cas hier.
À moins de quatre jours de la fête, les activités au marché HLM sont au ralenti. D'habitude animés, les lieux restent calmes. Trouvée assise à l'entrée de son commerce, surveillant les étals qu’elle a établis devant, Fanta Niang semble perdue. Elle vend des chaussures venant de la Turquie. Elle les écoule à 12 000 F CFA la paire. Celles non originales coûtent 5 000 F CFA. ‘’Cela fait 15 ans maintenant que je suis là au marché HLM. Mais cette année, ce n’est pas le grand rush. Avec la hausse des denrées alimentaires et la tension politique, les parents n’ont pas le cœur à la fête, ni d'acheter des étrennes pour faire plaisir à leurs enfants. Vous avez vu comment les rues sont aérées ! Auparavant, lorsque les gens venaient ici pour acheter, c'était animé’’, se désole la vendeuse.
Pour Papa, vendeur des chaussures en cuir venant de Ngaye Mékhé, les choses marchent, mais pas comme les autres années. ‘’La fête de Korité de cette année, je ne la sens pas. La vie est trop difficile. Partout où vous irez, vous verrez que rien ne marche. On a même envie, par moments, de baisser les bras. On vend les chaussures en gros à 3 000 F CFA et si c’est par unité ça varie entre 4 000 et 5 000 F CFA. Je vis à Dakar. Par contre, je collabore avec un habitant de Ngaye Mékhé qui me livre ces chaussures à temps. C’est lui qui les confectionne. Je m'en sors malgré les difficultés’’, dit-il.
Appel aux hommes politiques
Dans un contexte économique tendu, les choses ne sont guère reluisantes. Et la situation politique accentue la morosité. ‘’Je demande aux hommes politiques de revoir leur comportement. La population souffre. La majeure partie d’entre nous manque de moyens ; nous travaillons pour satisfaire nos besoins sans quémander. Que les politiciens aident les jeunes à trouver de l'emploi plutôt que de les exposer dans les rues, en leur demandant de se battre. Cela n’a aucun sens’’, déplore Papa.
Auprès des commerçants vendeurs d’accessoires, même cas de figure avec Youssou Touré. ‘’Je vends tout ce qui est accessoires, chaussures, pochettes, bijoux, etc. Je me focalise plus sur les chaussures de marque, car les clientes en font la demande de même que celles qui viennent de Dubaï. Les prix varient selon le modèle et la qualité. Tout dépend de ce que veut la cliente et de ce qu'elle a dans sa poche’’, témoigne le vendeur.
Nombreux sont les commerçants qui indexent la guerre en Ukraine. Pour eux, le conflit a une répercussion négative sur le prix de quelques produits. Ils pointent également un doigt sur l’État. ‘’La douane nous coûte trop cher. Maintenant, on paie le double. Nous demandons au chef de l’État de nous aider en ce sens. Avec les taxes, nous vendons très cher’’, fait-il remarquer.
Chez les tailleurs, les minutes sont précieuses. Même pas de temps pour répondre à nos questions. Talla Guèye, les yeux fatigués, renseigne : ‘’On a veillé toute la nuit et c'est ainsi depuis des jours. Comme vous le voyez, nous continuons de bosser, parce qu'on ne voudrait pas avoir de différends avec nos clients’’, avance le tailleur.
Apparemment, c'est seulement dans ce coin, du côté de la pharmacie Léopold Sédar Senghor des HLM, où la rigueur semble baisser d'intensité en ces événements où les couturiers sont hyper sollicités. ‘’Nous cousons pour l'étranger et parfois pour certaines autorités, mais rarement pour vendre ici. Ce qui explique pourquoi on n’est pas à fond dans les préparatifs de la Korité’’, explique Jules Junior.
Nous avons rencontré quelques personnes qui étaient venues récupérer leurs habits chez les tailleurs. Malgré la crise, elles sont parvenues à mettre la main à la poche pour se faire belles le jour de la fête. C’est le cas de Demba Faye qui est revendeur. Il nous a confié : ‘’Je peux dire que la crise économique a tout gâché, parce que j’ai diminué le nombre de commandes que je prenais. Aussi, certains de mes clients m’ont indiqué qu’ils vont reprendre leurs habits de l’année dernière, faute de moyens’’, déplore-t-il.
À côté de Demba, Maguette, son collaborateur, renchérit : ‘’Les commandes se font à pas d'escargot. Il faut savoir que certains tailleurs s'engagent au-delà de leurs capacités. Pour nous, ça n'a aucun sens. C'est pourquoi nous faisons doucement pour éviter de nous mettre dans ce genre de situation. La clientèle est variée, enfants comme adultes. Même si certaines se plaignent, je fais de mon mieux pour terminer les commandes des enfants d'abord, pour ensuite me concentrer sur le reste.’’
Malgré les tensions qui gangrènent notre pays, les vendeurs se démènent comme de beaux diables afin de livrer toutes leurs commandes à temps. D’autres lieux d'attraction annonçant la fête attendent les dernières heures pour faire le plein.
DIANA DIA (Stagiaire)