Les parents montent au créneau
Un collectif des parents et proches des détenus politiques a été lancé, ce samedi, pour obtenir la libération immédiate des prisonniers politiques. Les parents de ces derniers ont aussi soulevé les difficultés qu'ils rencontrent pour pouvoir rendre visite à leurs enfants et du vol que ces derniers subissent à Rebeuss.
De 2021 à 2023, beaucoup de personnes ont été arrêtées et emprisonnées. Pour certaines d’entre elles, leurs familles ignorent toujours les motifs de leur arrestation. La plupart d’entre elles n'ont fait l’objet d’aucun jugement. Elles sont juste clouées dans les maisons carcérales et attendent encore d’être entendues.
Face à cette situation inique, les familles de ces détenus ont lancé, ce samedi, le Collectif des parents et proches des détenus politiques pour obtenir la libération immédiate de leurs enfants, épouses, maris, frères et sœurs.
"Nous nous sommes réunis ici, aujourd'hui, pour le lancement du Collectif des parents et proches des détenus politiques. Ce collectif se veut, tout d'abord, d'être un cadre d'échanges, d'orientation et de négociations en vue d'obtenir la libération des détenus politiques dont le nombre avoisine 1 000 personnes. Derrière ce chiffre se cachent des histoires poignantes des familles déchirées, des vies brisées", a déclaré leur porte-parole du jour et mère d'un détenu politique, Lucie Sané.
Ces détenus, soutient-elle, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, sont de jeunes responsables, de jeunes cadres, des élèves, des professeurs, étudiants, ouvriers et même des artisans qui sont en exercice. ‘’Les familles ici présentes peuvent en témoigner’’, a-t-elle déclaré.
Lucie Sané souligne que les parents des détenus politiques ignorent les raisons de l'arrestation de leurs enfants.
C'est pourquoi, informe-t-elle, "nous nous sommes dit que nous n'allons plus rester silencieux face à de telles situations, d'autant plus que ces détenus sont dans des situations précaires, dans les prisons surpeuplées dont la population carcérale dépasse de très loin la capacité d’accueil".
Dans la même veine, Mme Sané a fait savoir que la création de ce collectif est bien plus qu'un simple regroupement de familles. ‘’C'est un cri du cœur qui transcende les barrières sociales et politiques. Nous nous sommes rassemblés, non seulement pour soutenir nos proches qui sont derrière les barreaux, mais aussi pour affirmer notre droit à la liberté, notre droit à vivre dans un monde où la justice prévaut sur l'arbitraire. Ensemble, en tant que collectif, nous devons faire entendre notre voix pour demander la libération de ces détenus. Mais aussi en tant que collectif, c'est dans l'unité que réside notre force’’.
La maman de poursuivre : ‘’C'est en partageant nos expériences, nos ressources et notre détermination que nous pourrons atteindre nos objectifs. En nous unissant, nous montrons à l'État et au monde entier que nous ne resterons pas passifs face à cette injustice."
Ce collectif, ajoute Lucie Sané, est un rappel puissant de notre humanité commune, de notre capacité à nous soutenir mutuellement dans les moments les plus sombres. ‘’Nous sommes ici pour affirmer que chaque vie compte, chaque personne détenue à des droits aliénables qui doivent être respectés. Nous lançons un message fort pour dire que nous ne pouvons plus accepter les atteintes à nos droits fondamentaux. Alors, nous faisons appel à toutes les familles des détenus politiques et sympathisants et à tous les Sénégalais épris de justice de se joindre à cette noble cause. Chers citoyens sénégalais, soutenez ce collectif, non seulement pour les détenus politiques, mais pour la justice, la liberté et l'humanité’’.
Les détenus reçoivent de la nourriture pourrie
En outre, les parents des détenus rencontrent beaucoup de difficultés pour rendre visite à leurs enfants. Il faut qu'ils arrivent à Rebeuss à 7 h pour faire la queue. "Pour les visites, les premiers enjeux, c'est d'arriver à Rebeuss avant 7 h. Si vous arrivez après, vous n'êtes pas sûr d'entrer, parce qu’à 11 h, ils arrêtent de prendre les gens et s'ils arrêtent, vous êtes obligés d'attendre jusqu'à 15 h. Car, si vous partez, à votre retour, vous n'aurez plus de place. À 15 h, si vous avez la chance de faire partie de ceux qui sont entrés avant 16 h, c'est bien, sinon vous revenez dans deux semaines. Parce qu’à Rebeuss, la visite c'est chaque deux semaines, contrairement aux autres prisons où elle se fait deux fois dans la semaine", renseigne Souleymane Ndième, frère d'un détenu politique et membre du collectif.
L'autre difficulté à laquelle ils font face, dit-il, c’est la nourriture. "Quand vous allez quotidiennement donner de la nourriture à votre frère, sœur, mari ou autre parent, il faut d'abord faire une longue queue avant d'accéder à Rebeuss. Ensuite, vous enregistrez le plat et pour ça, il faut faire un circuit tellement long. Si vous le déposez à 14 h, avant que la personne le reçoive, il est déjà 17 h ou 18 h. Donc, ils ne reçoivent pas des plats de qualité’’.
Les familles des détenus informent que leurs enfants sont victimes de vol à Rebeuss. "Souvent, nous déposons des choses pour nos parents qui ne les reçoivent pas. Pas plus tard que ce vendredi, j'ai déposé de la nourriture, des jus et un rouleau de mouchoirs pour mon frère, mais quand il m'a appelé, il m'a dit qu'il a reçu le plat. Je lui ai demandé s'il avait aussi reçu le reste, il m'a répondu que non. J'ai dit : Mais attend, on ne peut pas vous enfermez, vous séquestrez et également vous volez !", raconte Souleymane Ndième.
Il ajoute : ‘’Quand vous déposez de l'argent liquide à Rebeuss, on ne vous donne aucun reçu pour prouver que vous avez déposé de l'argent. Donc, vous voyez à quel point l'injustice continue. Non seulement l'injustice judiciaire, mais aussi l'injustice dans la prise en charge du détenu. Donc, ce sont des tortures psychologiques pour les détenus’’.
FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)