Cheikh Tidiane Mbaye, un leader hors pair
Presque un quart de siècle à la tête de la Sonatel, cela parait certes une éternité mais hélas le temps ne dure qu’en apparence et à notre grande illusion vit la fatalité d’une fleur. A tout prendre, ce laps de temps professionnel sous le magistère de ce leader charismatique fut pour nous «Sonatéliens» comme une symphonie savoureuse chargée d’émotion et de nostalgie.
Alors que doit quitter le navire Sonatel un capitaine emblématique, à l’applaudimètre fusent de partout hommages élogieux, superlatifs dithyrambiques et anecdotes exquises à son honneur. Qu’on ne s’y trompe pas : la vérité est une arme redoutable. Avec la droiture comme munition, on peut résister à la pire adversité. Le «NON» victorieux contre le décret instituant la surtaxe sonne finalement comme un baroud d’honneur pour un Grand patriote qui, incontestablement, sort par la grande porte, la tête haute. Il a remarquablement rempli son contrat vis-à-vis de la Nation et de Sonatel, léguant à la postérité sans doute l’entreprise la plus utile pour le pays mais aussi un modèle économique de référence en Afrique. Sa vie publique se confond si intensément à la légende dorée de Sonatel qu’elle en devient l’incarnation vivante et le scintillant reflet.
C’est une douce litote que de dire que la Sonatel est une éclaircie dans la grisaille. Alors, demanderez-vous pourquoi, par exemple, aux antipodes, la Senelec mal-en-point se débat dans d’épisodiques transes d’épilepsie ? Pourquoi de deux entreprises semblables l’une réussit et l’autre pas ? Est-ce qu’une question de stratégie ? A croire qu’il n’est pas de performantes ou de médiocres entreprises, mais seulement un bon ou un piètre leadership. En vérité, le secret de la fantastique trajectoire de Sonatel dévoile en filigrane des us et méthodes aux caractéristiques essentielles peu communes inspirés par un leader éclairé qui, malgré moult écueils, a su imposer un style de management gagnant et impulser des transformations qualitatives en référence à ce qui se fait de mieux dans le monde.
Cheikh Tidiane Mbaye ne nous offre pas seulement le portrait idyllique d’un manager talentueux, rétif à l’injustice et défenseur obstiné de l'entreprise citoyenne, mais aussi celui d’un artiste dont l’art s’exprime non par la sublimation de l’ego, mais par l’écoute de l’autre, par la grande attention portée à l’homme et à sa valeur. Si nous nous émerveillons tous devant l’élégance de ce Grand Monsieur, notre estime est grande et notre reconnaissance plus immense devant l’énormité de l’ouvrage accompli. Une telle éthique, un tel ancrage dans la qualité dans un contexte si putréfié par de retentissants scandales, sont tellement rares que notre fierté grégaire s’en trouve décuplée. Voila donc pour l’exemple un champion de la réussite, un spécimen hélas devenu rare en ces temps qui courent. L’évocation de ses admirables qualités, loin de jeter un regard emphatique ou laudateur sur l’homme, est même d’une nécessité utile parce que idéalement porteuse de messages et de réponses aux aspirations éthiques de nos concitoyens qui espèrent ardemment voir des modèles de vertus propulsés aux cimes des organigrammes de nos entreprises. En toute objectivité, parce que pourvue d’une riche pédagogie, l’œuvre colossale de cette grande Icône des affaires mérite consécration, appropriation et vulgarisation.
Les médias et les anti-héros
Au Sénégal, même si la rhétorique officielle prône la rupture avec la mal gouvernance, je me demande volontiers comment ? Comment atteindre cet idéal si, dans les médias, véritables faiseurs d’opinion et de rois, les histoires des véreux, des loosers, des prédateurs, des délinquants économiques éclipsent les exploits des génies, des gagneurs, des talentueux, des vertueux. Évidemment, cette promotion d’anti-héros nous glace d’effroi. Cela étant, que dire de ces bosseurs héroïques comme Cheikh Tidiane Mbaye qui, sans tambour ni trompette, agissent en patriote et jouent leur partition avec brio et panache ? Ne méritent-ils pas mieux d’être «exhibés» et portés au pinacle ? Ceux là, outre le respect qu’ils forcent et la fascination qu’ils exercent sur leurs semblables, imprimeront toujours dans les esprits des souvenirs indélébiles. Ces hommes au destin fabuleux regarderont pendant longtemps l’héritage prodigieux laissé aux générations futures comme un miroir où ils se mirent et s’admirent. Ce sont ceux là les vrais héros.
En guise de mots d’au revoir, tel Prométhée qui apporta le feu et la lumière aux humains, ce brillant compatriote apporta les clés du succès certes mais l’œuvre de l’homme, fut-elle colossale, est toujours à la dimension humaine : imparfaite. La pensée d'André Malraux dans son ouvrage phare, «La condition humaine», ne fait-il pas le procès exhaustif de l’humain avec tout ce qu’il y a de sublime mais aussi d’imparfait ? Sachant que, comme le dit l’autre, «dans toute discipline germe l’anarchie», la qualité de service et les questions sociales resteront toujours pour son successeur Alioune Ndiaye, des édifices en perpétuel parachèvement.
MOUSTAPHA DIENG
COMPTABLE SONATEL