The Game !

Entre le cadeau empoisonné tendu par Macky Sall à Ousmane Sonko, le ni oui ni non de l’ex-Pastef en Commission des lois qui sème un véritable malaise dans les rangs, un PDS sournois qui dit se ranger derrière les positions de l’ex-Pastef, la radicalisation du Pur et de Taxawu contre l’amnistie, c’est l’arène politique qui est dans tous ses états.
Il y a les uns, il y a les autres et il y a les etcétéras. Les uns ont le pouvoir, les autres veulent prendre le pouvoir, les etcétéras sont là pour amuser la galerie, pourrait-on dire pour paraphraser le maire de Dakar et proche de Khalifa Ababacar Sall, Barthélemy Toye Dias. Accusant sans les nommer certains leaders de la coalition Yewwi Askan Wi qui ont profité du dernier dialogue pour ‘’tuer’’ son mentor. ‘’La coalition, vociférait le tonitruant député-maire de Dakar, a été mise en place par Khalifa Sall, Serigne Moustapha Sy et Ousmane Sonko. Le premier est en voyage, le deuxième reste injoignable et le troisième en prison’’.
À sa manière, Dias fils voulait ainsi dire que la décision d’exclusion de Taxawu ne saurait être légitime, car ayant été prise par les etcétéras, c’est-à-dire ceux-là qui ont le moins de légitimité. Multipliant par zéro la plupart des partis qui composent la grande coalition de l’opposition, Barth tentait de raisonner les tenants de l’ex-parti leader Pastef. ‘’Ce qu’ils vivent, disait-il, nous l’avons vécu avant eux, mais dans la dignité. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui votre candidature est compromise que tous ceux qui ne sont pas avec vous sont des traîtres. Vous ne pouvez pas faire vos bêtises et nous faire porter la responsabilité’’.
Ironie de l’histoire, à l’époque, le camp de Khaf défendait la pertinence des négociations pour se donner une chance d’être éligible. Aujourd’hui, c’est Sonko et son camp qui sont accusés de négocier pour sortir le leader de prison et éventuellement lui faire recouvrer son éligibilité. Quitte à rester bras croisés pour donner une chance au projet de loi d’amnistie de prospérer. C’est cela ‘’Le Game’’. Les intérêts dictent les conduites, en politique.
Le coup du PDS qui oblige l’ex-Pastef à se déterminer de manière claire, s’il veut que la loi soit adoptée
Accusé d’être en négociations secrètes avec le régime, notamment pour se tirer d’affaire, le patriote en chef s’est jusque-là emmuré dans le silence. Ses lieutenants non plus n’ont été peu bavards en ce qui concerne cette loi plus qu’impopulaire. En Commission des lois hier, ils ont surtout brillé par leur abstention. Un ni oui ni non qui indispose jusque dans les rangs du parti dissous d’Ousmane Sonko. Toute la journée, la pression a été très forte dans le camp des patriotes. Même s’ils se sont gardés de voter pour l’amnistie.
Aujourd’hui à l’hémicycle, leur posture risque d’être encore plus délicate, car le PDS avec ses 25 députés, après avoir salué l’initiative de l’amnistie, a estimé devoir se ranger sur la ligne de l’ex-Pastef. À entendre les libéraux, l’amnistie profitant directement à ce parti, ils ne sauraient être plus royalistes que le roi. Si l’ex-Pastef vote, ils votent. S’il ne vote pas, ils ne votent pas. Si l’ex-Pastef s’abstient, ils s’abstiennent.
Une chose est sûre, selon de nombreux analystes, pour Macky Sall, seule la voix de Sonko semble compter dans cette affaire. C’est la conviction du journaliste chroniqueur Birame Waltacko Ndiaye. Sur sa page Facebook, l’analyste basé au Canada explique : ‘’En vérité, seule compte la position de Sonko dans la volonté de Macky d’amnistier.’’ À l’en croire, ‘’si Macky Sall s’assure qu’Ousmane Sonko n’opposera pas son véto à sa feuille législative, rien ni personne ne sera en mesure de l’empêcher à la faire voter.’’
À l’en croire, ‘’il n’est pas question de dénier à quiconque une quelconque posture de citoyen engagé ou de leader d’envergure’’. Il s’agit plutôt ‘’de reconnaitre que celui qui gère le mécontentement populaire dictera la recevabilité sociale plus ou moins grande de la loi d’amnistie’’.
Ainsi, même en prison, Waltacko Ndiaye est de ceux qui pensent que ‘’la capacité de Sonko à calmer ses alliés et à mobiliser ses inconditionnels d’un claquement de doigts’’ reste indemne. Et Macky Sall ne cherche pas autre chose pour réussir son coup avec sa loi impopulaire d’amnistie. Sa caution, qu’elle soit expresse ou tacite par inaction, ne serait pas négligeable. La finalité, selon M. Ndiaye, c’est moins de convaincre de la pertinence de la loi, mais surtout d’engager militants et sympathisants dans la voie tracée par les deux principaux leaders en chef. ‘’C’est de ce point de vue que Macky Sall et Ousmane Sonko sont, en réalité, les seuls maitres à bord’’.
La revanche de Taxawu sur l’ex-Pastef
À côté de Macky Sall et d’Ousmane Sonko dont les voix semblent prépondérantes sur cette question d’amnistie, il y a le Parti démocratique sénégalais avec sa vingtaine de députés, Taxawu Sénégal avec ses 14 représentants, mais aussi le Pur avec ses 11 députés qui peuvent également peser sur l’échiquier politique. Chacun essaie de défendre ses intérêts du mieux qu’il peut, dans l’optique de conquérir le pouvoir.
Il y a quelques mois, le ‘’Game’’ avait imposé à Taxawu et au le PDS de prendre une décision impopulaire : celle de participer à un dialogue honni par une bonne partie de l’opinion sous l’influence de l’ex-Pastef. Si le PDS a pu en survivre du fait de sa relative autonomie, Khalifa en traine encore les séquelles jusque dans son fief de Dakar. C’est d’ailleurs pourquoi les ‘’khalifistes’’ ne ratent pas l’occasion de l’amnistie pour prendre leur revanche. Parfois, de la plus violente des manières.
Responsable à Taxawu Sénégal, Ngouda Sall réplique dans une contribution intitulée ‘’Aux zélateurs de Yewwi, à quand la prochaine exclusion ?’’ Pour lui, pour être cohérents avec eux-mêmes, les membres de la coalition qui avaient prétexté des négociations entre Khalifa et le régime pour justifier son exclusion devraient adopter la même démarche. ‘’En réalité, il y a une logique derrière les cris d'orfraie qui s'échappent des communiqués rédigés à la hâte par cette bande de ‘zélateurs’ (il parle de la Conférence des leaders de Yewwi). Ces novices à l'appétit plus gros que le ventre, qui, pour l’essentiel (excepté l’ex-Pastef, Taxawu et Pur), n'ont jamais prouvé la moindre représentativité, faisaient office de chaises à disposer dans un compartiment pour meubler une galerie de connivences suspectes’’.
Guy Marius Sagna sans équivoque contre l’amnistie
La différence entre Taxawu et l’ex-Pastef, selon lui, c’est que le premier ‘’a, en plein jour, répondu à un dialogue national ouvert, inclusif, réglementé, intervenu à la suite d’événements graves qui pouvaient à jamais plonger le Sénégal dans le chaos’’. Ce qui serait loin d’être le cas pour le second, selon lui. Suffisant pour tirer à boulets rouges sur leurs détracteurs : ‘’Ceux qui ont accusé de tous les péchés Taxawu n’ont qu’à se déterminer et préciser leur position sur un éventuel deal politique qui serait en cours avec à l’appui le vote d’une amnistie.’’
Pour moins, renchérit le coordonnateur de Taxawu à Keur Massar, le propos de Yewwi était suffisamment explicite. ‘’Morale de l’histoire, ce n’est donc pas de bonne foi que le Yewwi a produit d’incessants communiqués pour fustiger la participation de Taxawu au dialogue. C’est cela aussi l’incongruité de toute l’histoire. Les rôles sont désastreusement inversés. Au balcon’’.
Pour sa part, le Pur, dans le ‘’Game’’, n’entend point fléchir sur ses positions. Mobilisés pour barrer la route à l’amnistie, les hommes de Serigne Moustapha Sy ont voté contre le projet, hier, en Commission des lois. Ils promettent également d’en faire de même aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Si les députés de l’ex-Pastef votent contre le projet, il y a de fortes chances que celle-ci ne passe pas.
Dans tous les cas, il ne faudrait pas compter sur Guy Marius Sagna pour faire passer ce projet de loi d’amnistie, l’une des lois les plus impopulaires du régime actuel, car combattu jusque dans les rangs de la majorité.
Voilà pour les uns et les autres. Pour les etcétéras, l’histoire veut qu’ils se rangent en grande partie derrière le parti de l’opposition le mieux placé. En 2000, c’était Wade. En 2012, c’était Macky Sall et aujourd’hui, c’est Sonko. Tels des wagons, ils ne peuvent s’émanciper de la locomotive.
MOR AMAR