Publié le 11 Oct 2012 - 20:25
SANDRINE LEMARE-BOLY

‘’Hollande cassera la Françafrique et ses réseaux occultes’’

SANDRINE LEMARE-BOLY (SECTION PS DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER)

 

 

Employée d'Enda Graf et coordinatrice du Comité de soutien de François Hollande, Sandrine Lemare-Boly estime que le président français respectera son engagement de casser la Françafrique. Au passage, elle démolit l'absurdité d'une certaine Francophonie et plaide pour la réciprocité en matière de visa.

 

Sur la route de Kinshasa, Hollande a décidé de passer par Dakar. Quel est le programme de sa brève visite ?

C’est une visite éclair puisqu’il arrive vendredi à 11h 30 pour quitter le même jour à 19h en direction de Kinshasa. Il faut dire que ce passage à Dakar n’était pas prévu mais symboliquement, il a jugé nécessaire de passer par le Sénégal. A sa descente d’avion, il se rendra directement à la Présidence pour déjeuner avec Macky Sall. On peut dire qu’au cœur des débats, il y aura la crise dans le Sahel et le dossier malien, le partenariat entre la France et le Sénégal, et sans doute d’autres sujets. Ensuite le président français se rendra à l’Assemblée nationale où on attend de lui un contre-discours de Dakar en souvenir du discours tonitruant de Nicolas Sarkozy qui disait que ‘’l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire’’. On attend vraiment François Hollande là-dessus. D’ailleurs, pour l'élaboration de ce discours, il travaille étroitement avec l’équipe de Laurent Fabius dont Pascal Canfin, ministre du Développement, mais aussi avec le député de la 9e circonscription des Français de l'étranger, Pouria Amirshahi, et des relais. Après ce discours, il ira à Gorée pour la symbolique puis, ira visiter un projet de développement sur la coopération décentralisée dans Dakar. La visite sera close par une réception à la résidence de l’Ambassade de France avec la communauté française.

 

Les principales articulations de ce contre-discours de Dakar ?

Je ne suis pas dans le secret de ce discours. Mais à mon avis il y aura un contrepied des propos de Nicolas Sarkozy. Il ne va pas forcément dire : ‘’l’Africain est entré dans l’histoire’’, non ! Ce ne sera pas ça mais dans tous les cas, il va falloir qu’il casse ce discours selon ses convictions et sa démarche. Il va beaucoup insister à mon avis sur la rupture avec la Françafrique et les réseaux parce que ça, c’était l’engagement numéro 58 du programme de François Hollande. Dans sa politique, on le voit d’ailleurs dans ses différentes nominations, le président Hollande veut être entouré de personnes compétentes et de gens qui travaillent en lien avec les pays et notamment avec les sociétés civiles. François Hollande n’est pas sans savoir que le Sénégal, comme la France, a connu une alternance politique. Il va bien évidemment, à mon avis, vanter les mérites de la société civile sénégalaise dans l’alternance politique. Il insistera en tout cas sur la démocratie sénégalaise contrairement à Sarkozy qui disait bêtement que ‘’l’Africain n’est pas sorti de l’histoire’’. En tout cas le Sénégal nous a montré une belle leçon d’histoire politique.

 

Casser la Françafrique et les réseaux occultes, n’est-ce pas là entreprise périlleuse ?

Il respectera ses engagements et celui-là figure spécialement dans les 60 engagements de son programme de présidence. D’ailleurs, c’est l’une des raisons de son déplacement à Kinshasa. Au départ, il ne voulait pas y aller, il voulait faire chaise vide parce qu’il était contre, pas forcément lui en tant que personne, mais la France est contre les modes de faire la politique utilisés par le pouvoir de Joseph Kabila. Il a décidé d’y aller justement pour dire ce qu’il pense. Les réseaux Françafrique sont vraiment très pervers. La Françafrique, c’est la France derrière des intérêts économiques, derrière des intérêts politiques et des marionnettes qui jouent le jeu de la France, ce n’est pas sérieux car on prend en otage les populations. Ce sont des hommes et des femmes de réseaux qui jouent avec les opérateurs politiques des pays et imposent plusieurs choses. Il faut que les Etats africains que l’on dit indépendants depuis les années 60, le soient effectivement. Il faut casser ça et on note aujourd’hui que le président François Hollande a une certaine éthique et on le voit.

 

Sur la question des visas, que pensez-vous de la réciprocité comme réplique aux tracasseries souvent rencontrées ?

Ma position à moi c’est la réciprocité dans la politique des visas. Je viens au Sénégal avec uniquement mon passeport. Ce problème des visas est hyper important aujourd’hui. Manuel Valls est assez contesté mais je pense qu’il faut être clair et se dire la vérité quand on opte pour une collaboration gagnant-gagnant. Ce n’est jamais de gaieté de cœur que l'on quitte son pays pour ne pas revenir... Répéter aux gens ‘’vous ne partirez pas là-bas’’ crée souvent une envie d’aller découvrir ce qui est interdit. C’est ce qui pousse les jeunes à monter dans les pirogues et crever tous les jours. Si on permettait au monde de circuler librement, on ne serait pas dans ces questions aussi douloureuses qui déchirent des familles et des pays.

 

Question francophonie, on sent de plus en plus que les intérêts de la France sont menacés en Afrique. Dernier exemple, le Gabon qui veut passer à l'anglais.

Ma position est très claire là-dessus. Depuis très longtemps la Francophonie a été perçue de part et d’autre comme un outil de domination. Dans la politique des langues nationales, contrairement à d’autres pays coloniaux, la France a eu pour habitude de s’imposer. Je travaille dans le secteur de l’éducation au Sénégal. Qu’on m’explique comment un enfant de 7 ans qui entre à l’école primaire en classe de CI peut s’en sortir. Il pénètre un environnement qu’il ne connaît pas. Pire encore, le maître lui parle en français, une langue qu’il n’a peut-être jamais entendue... Qu'en est-il des langues nationales ? Je me mets toujours dans la peau de ces enfants, je m’imagine à 7 ans arriver dans une école où on parle wolof et on me dit que je dois apprendre les maths, l’histoire où la géographie en wolof. Ce n’est presque pas possible ! La Francophonie, c’est le français au détriment des langues nationales. Si on est logique, l’Éducation publique au Sénégal devait être soutenue financièrement, en tête par la Francophonie. Mais c’est plutôt l’Usaid qui est la tête de file du financement du secteur au Sénégal, et ce sont des Américains !

 

Amadou NDIAYE

 

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