Publié le 18 Sep 2024 - 13:24
DEUX ATTAQUES REVENDIQUÉES PAR LE JNIM SECOUENT BAMAKO

Un nouveau chapitre de violence jihadiste au Mali

 

Le 17 septembre 2024 marque une journée sombre dans l’histoire récente de Bamako où deux attaques simultanées, revendiquées par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), ont frappé des cibles stratégiques de la capitale malienne. L’aéroport militaire et l’école de gendarmerie ont été touchés, plongeant la ville dans un état de choc, une situation que la capitale n’avait pas connue depuis longtemps. Le JNIM, affilié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), continue d’imposer sa terreur dans une région déjà fragilisée par des années de conflits internes et de luttes contre les groupes armés.

 

La journée a commencé par l’assaut contre l’école de gendarmerie de Bamako aux environs de 5 h 30. Les jihadistes, armés de kalachnikovs et de lance-roquettes, ont visé une vaste tente militaire où dormaient encore des élèves gendarmes. Le feu a rapidement consumé la structure, causant des pertes humaines considérables parmi les forces en formation. Quelques minutes plus tard, un check-point proche de l’aéroport a également été attaqué, suivi d’une offensive sur la base aérienne 101, un site crucial pour l’armée malienne qui abrite notamment des aéronefs de guerre. Selon plusieurs sources locales, les combats ont duré plusieurs heures avant que la situation ne soit maîtrisée.

Ces événements ont également perturbé les activités de l’aéroport international Président Modibo Keita-Sénou, qui a temporairement suspendu ses opérations, avant de les reprendre vers 16 h. Les premiers moments de l’attaque ont plongé la ville dans une atmosphère de confusion et de peur. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des jihadistes en tenue militaire, armés de fusils lourds, capturant des images de véhicules incendiés et d’un avion en feu. Bien que certaines rumeurs évoquent un avion présidentiel touché, il reste difficile de confirmer la véracité de ces affirmations.

L’empreinte du JNIM

Le JNIM, à travers ses chefs Abdel Salam al-Foulani et Salman al-Bambari, a revendiqué ces attaques dans un communiqué diffusé quelques heures après les événements. Les photos des assaillants, jeunes et enturbannés, ont été largement partagées sur les réseaux jihadistes, symbolisant la continuité de la violence orchestrée par cette organisation terroriste. Le JNIM, qui se targue de recruter au-delà des clivages ethniques, comme l’a expliqué Waasim Nasr, journaliste pour France 24, met ici en avant des combattants peuls et bambaras, soulignant sa capacité à mobiliser des jeunes de diverses origines au nom de la cause jihadiste.

L’attaque intervient dans un contexte particulier, au lendemain de l’anniversaire de la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) et à quelques jours des célébrations de la fête de l’Indépendance du Mali. En ciblant une école de gendarmerie à une date symbolique pour les forces de sécurité maliennes, le JNIM cherche non seulement à déstabiliser le gouvernement, mais également à porter un coup psychologique aux troupes, comme l’ont analysé plusieurs experts en sécurité.

En effet, cet attentat est bien plus qu’un acte de terreur : il vise à affaiblir moralement les forces armées maliennes (Fama) et leurs partenaires étrangers, notamment le groupe Wagner impliqué dans la lutte contre les jihadistes.

Réactions à Bamako

Malgré l’effet de surprise, la population malienne a réagi avec un courage remarquable. Selon O. Dao, journaliste basé à Sikoroko, situé à 10 minutes du camp militaire attaqué, les habitants de Bamako ont spontanément soutenu les forces de sécurité dès les premiers instants de l’assaut. Plusieurs civils ont aidé à capturer des assaillants, livrant certains d’entre eux aux Fama. D’autres, plus radicaux, ont lynché et brûlé vif un jihadiste qui tentait de se fondre dans la foule pour échapper à la justice. Ce soutien populaire est un signal fort de la résilience des Maliens face à la menace jihadiste, même si la ville reste sous le choc.

Au niveau des forces armées, l’État-major général des armées maliennes (Emga) a rapidement communiqué sur la situation, saluant le ‘’sacrifice héroïque’’ des élèves gendarmes tombés au combat. Le nombre exact de victimes n’a pas encore été officiellement confirmé, bien que les premières informations fassent état de plusieurs pertes humaines parmi les soldats et des élèves gendarmes ainsi que des blessés qui sont actuellement pris en charge.

L’intensification des attaques jihadistes au Mali n’est pas fortuite. Depuis le départ des forces françaises et l’arrivée de la société de mercenaires russes Wagner, les groupes armés liés à Aqmi et l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) redoublent d’efforts pour reprendre le contrôle de vastes territoires et affaiblir les alliances militaires locales. Le JNIM, en particulier, a fait de Wagner son ennemi principal, en ciblant systématiquement les bases où les mercenaires russes sont stationnés. Une vidéo publiée, il y a deux semaines par le chef du JNIM au Burkina Faso, Othman al-Ansari, menaçait explicitement la Russie ainsi que la Turquie, qui fournit des drones à Bamako.

Dans ce cadre, les récentes attaques de Bamako prennent une dimension plus large, visant à démontrer la capacité du JNIM à frapper des cibles stratégiques, même dans la capitale, et à rappeler à Wagner que son intervention militaire ne pourra pas se faire sans un coût humain élevé. Ce message est renforcé par le communiqué du JNIM, qui a affirmé que ces attaques étaient en ‘’vengeance des musulmans’’, faisant référence aux exactions présumées des mercenaires russes contre les civils.

Un retour à la normale

Quelques heures après les attaques, la vie à Bamako a repris son cours normal. L’aéroport international, fermé temporairement, a rouvert ses portes, et les activités ont repris dans la ville. Néanmoins, la peur et l’incertitude planent toujours sur la capitale malienne, qui se sait désormais vulnérable à une nouvelle vague de violence. Le JNIM a prouvé une fois de plus qu’il pouvait frapper au cœur de l’État malien, et la riposte des forces de sécurité devra être rapide et décisive pour empêcher que ces événements ne se reproduisent.

Alors que le Mali se prépare à célébrer son indépendance, le souvenir de ces attaques restera gravé dans les mémoires, un rappel brutal que la guerre contre le terrorisme est loin d’être terminée dans cette région.

AMADOU CAMARA GUEYE

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