Publié le 7 Nov 2024 - 16:01
ÉLECTION AMÉRICAINE - DONALD TRUMP ET L'AFRIQUE

Un ‘’Reset’’ face aux nouveaux défis géopolitiques

 

La victoire de Donald Trump, lors d'une élection présidentielle américaine est un événement qui ne manque jamais de susciter des interrogations à travers le monde. Si, lors de son premier mandat, l’Afrique semblait en marge de ses préoccupations géopolitiques, le retour de Trump pourrait avoir des implications profondes pour le continent, y compris au Sénégal, un partenaire important des États-Unis en Afrique de l’Ouest. Dans un contexte où la Chine et la Russie renforcent leur influence en Afrique, la présence des États-Unis pourrait prendre un tournant différent sous un président républicain au discours nationaliste et souvent controversé.

 

La réélection de Donald Trump aux États-Unis, si elle devait se concrétiser, aurait des conséquences considérables sur l'Afrique, un continent en pleine mutation économique et géopolitique. Bien que l'Afrique ait souvent occupé une place secondaire dans l'agenda politique de Trump, le retour de sa doctrine "America First" pourrait redéfinir les relations de coopération et d'investissement entre les États-Unis et les nations africaines.

Sous son premier mandat (2016-2020), Donald Trump s'est fait remarquer par une politique étrangère minimaliste en Afrique, se concentrant surtout sur des discours polémiques. En effet, l'ancien président n'a jamais visité le continent et a souvent minimisé son importance stratégique pour les États-Unis, reléguant l'Afrique à un enjeu mineur. Ses propos dégradants sur certains pays africains ont suscité un tollé international et ont creusé un fossé diplomatique qui a marqué sa présidence.

Malgré ce manque d’engagement direct, les relations économiques, notamment via l'African Growth and Opportunity Act (Agoa), ont perduré. L’Agoa, signé en 2000 sous l'administration Clinton, a permis à de nombreux pays africains d’exporter leurs produits vers les États-Unis sans droits de douane, sous condition d’adopter une économie libérale et de respecter les droits humains. Bien que l’administration Trump n'ait pas apporté de modifications significatives à cet accord, l'avenir de cette initiative pourrait être remis en question avec un possible retour de Trump à la Maison-Blanche, d'autant plus que sa prolongation après 2025 est encore incertaine.

Les enjeux commerciaux : un partenaire historique, mais en recul

L'économie africaine, malgré son dynamisme, continue de dépendre des exportations de matières premières et de produits agricoles. Les États-Unis, en dépit de leur poids historique, ne figurent plus parmi les principaux partenaires commerciaux de l'Afrique, position désormais occupée par l'Europe et la Chine.

Cependant, les programmes américains comme le Millennium Challenge Corporation (MCC) ont contribué au développement de projets d'infrastructures essentiels, comme le Sénégal Power Compact, doté de 600 millions de dollars pour renforcer le secteur énergétique sénégalais.

En 2023, l’administration Biden avait atteint un bilan record en matière de partenariats commerciaux en Afrique, avec 14,2 milliards de dollars d'accords conclus. Ce dynamisme pourrait se voir freiné par un retour de Trump, qui pourrait recentrer les priorités économiques américaines sur des accords bilatéraux en fonction de critères plus restrictifs, réduisant ainsi l’élan de coopération amorcé sous Biden.

Dans une autre perspective, Donald Trump a toujours affiché un scepticisme prononcé vis-à-vis des questions climatiques, retirant notamment les États-Unis des Accords de Paris en 2017. Un retour à la Maison-Blanche pourrait donc signifier un nouveau retrait des engagements climatiques, au moment où les pays africains plaident pour des réparations climatiques afin de faire face aux impacts du changement climatique. Ce retrait potentiel serait perçu comme une menace pour l'Afrique, particulièrement vulnérable aux crises environnementales.

En outre, les efforts pour promouvoir les énergies renouvelables et soutenir les projets écologiques, encouragés par les bailleurs de fonds américains sous Biden, pourraient être ralentis, voire suspendus sous une nouvelle administration Trump.

La Chine et la Russie : des concurrents de poids en Afrique

Les États-Unis considèrent depuis longtemps la montée en puissance de la Chine en Afrique comme une menace stratégique et cette perception est encore plus marquée sous l’administration Trump. À travers son projet Prosper Africa, Trump avait tenté de renforcer les investissements américains en Afrique, mais sans réussir à concurrencer véritablement l'initiative chinoise des Nouvelles routes de la Soie, qui vise à établir une domination économique sur le continent.

Quant à la Russie, son influence s'est accentuée dans les zones de conflit, particulièrement au Sahel. Avec le déploiement des mercenaires du groupe Wagner et la présence militaire dans des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, Moscou exploite les sentiments anti-occidentaux pour asseoir son influence. Cette concurrence géopolitique pourrait obliger les États-Unis à réévaluer leur présence militaire et économique en Afrique de l’Ouest, où des bases américaines stratégiques, naguère établies au Niger, ont dû être évacuées sous la pression politique.

Les implications pour le Sénégal : stabilité diplomatique et menaces géopolitiques

Le Sénégal, partenaire diplomatique de longue date des États-Unis en Afrique de l'Ouest, a historiquement bénéficié des aides et des programmes de développement américains, notamment dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de la sécurité. Sous l’administration Trump, il est peu probable que des changements radicaux affectent ces relations bilatérales, étant donné la stabilité et le positionnement stratégique du Sénégal dans la région.

Cependant, le Sénégal pourrait subir les effets indirects des décisions de Trump vis-à-vis des organisations multilatérales. Par exemple, si le président américain choisit de s’opposer à la demande africaine d’obtenir des sièges permanents au Conseil de sécurité de l'ONU, cela risquerait d'éroder les ambitions diplomatiques africaines sur la scène internationale.

Sous Trump, les États-Unis pourraient adopter une approche plus permissive vis-à-vis des questions de gouvernance et de droits de l'homme, notamment dans les pays stratégiquement importants pour Washington. Si l'administration Biden avait suspendu certains pays comme l'Ouganda ou le Niger de l'Agoa en raison de leur répression des droits des LGBTQ+ ou de la démocratie, un nouveau mandat de Trump pourrait marquer un assouplissement de ces critères. Un tel fait pourrait offrir davantage de flexibilité aux gouvernements africains, mais au détriment des avancées en matière de droits humains.

En définitive, l’élection de Trump en 2024 ouvrirait une période d'incertitudes pour les pays africains. Si certains pays comme le Sénégal pourraient maintenir une relation stable avec les États-Unis, l'absence d'initiatives spécifiques en faveur du continent pourrait contraindre l'Afrique à se tourner davantage vers d’autres partenaires, comme la Chine et la Russie. Ces puissances ont démontré une volonté proactive de s’investir en Afrique, même si leurs approches sont souvent critiquées pour leur manque de respect des normes environnementales et des droits humains.

Les pays africains, en pleine mutation, devront donc s'adapter à cette nouvelle donne mondiale où les intérêts nationaux priment souvent sur les engagements internationaux.

En somme, la victoire de Trump pourrait inciter les nations africaines à renforcer leurs alliances régionales et à négocier plus fermement avec leurs partenaires étrangers, dans le but de préserver leurs intérêts stratégiques.

Une fois le 47e président à la Maison-Blanche, l'Afrique se retrouverait face à une approche américaine où le pragmatisme et les intérêts commerciaux prendraient probablement le pas sur les idéaux démocratiques et environnementaux. Dans ce contexte, l'avenir des relations entre les États-Unis et l'Afrique dépendrait non seulement des priorités américaines, mais aussi de la capacité des États africains à se maintenir et à influer dans un environnement international de plus en plus polarisé.

Le défi sera de taille pour des pays comme le Sénégal, qui devront faire preuve d'adaptabilité face à une puissance américaine en quête de renouveau, mais également de continuité dans sa rivalité avec la Chine et la Russie.

AMADOU CAMARA GUEYE

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